Une chose est évidente. Les Français ne veulent pas d’un président ordinaire. Ils préfèrent un souverain, certes républicain, mais avec bien plus de pouvoir que la reine d’Angleterre et qui soit capable d’agir quand il le faut.
Le président Hollande a été confronté début janvier au défi sanglant du terrorisme et il a su gérer. Il s’est dit transformé à jamais par les événements et ce sentiment est partagé par une grande partie des Français.
Attention, cela ne veut pas dire que les Français adhérent à la politique de Hollande et de son gouvernement. L’embellie incroyable dans les sondages est vite retombée, l’esprit dit du «11 janvier» s’est arrêté dans une législative partielle du Doubs où le PS a certes gagné, mais où le FN a fait une poussée qui a déstabilisé l’UMP.
Tous les Français ne sont pas «Charlie» et certains dénoncent une campagne de récupération d’un drame par ceux-là mêmes qui en sont largement responsables. Mais pour Hollande, la reconquête des siens est devenue possible et le «capitaine de pédalo» s’est montré un bon skipper dans la tempête, lui et aussi son Premier ministre, comme le ministre de l’Intérieur -ce n’est certes pas une «dream team», mais ce n’est plus l’objet de quolibets permanents-.
Hier encore, on parlait d’élections anticipées et de démission du président, dont nombre de commentateurs se demandaient si il pourrait aller jusqu’au bout de son mandat. Il n’est pas encore candidat à sa succession, mais il est devenu le candidat naturel de la gauche et il est redevenu incontournable.
L’homme qui attirait la pluie se retrouve en plein soleil et il aime ça. Il va devoir gérer bien sûr cette nouvelle opportunité.
Mais le président ordinaire marque des points indiscutablement. Il y est aidé par de nombreux facteurs qui ne dépendent pas de lui.
Sur le plan politique, le retour de Sarkozy est pour le moment très difficile pour l’ancien président. Sur le plan économique, la baisse des taux du pétrole et de l’euro sont une incroyable conjonction favorable. Enfin sur le plan international, il a déjà ressoudé le couple franco-allemand: il joue un rôle modérateur vis-à-vis des Grecs, il est en pointe dans la lutte contre le groupe Etat islamique et est au premier plan de la diplomatie internationale face à Poutine en Ukraine.
La signature d’un premier contrat Rafale à l’export avec la vente de 24 avions de combat à l’Egypte est une preuve supplémentaire de la fin du signe indien. Le président François Hollande a annoncé lui-même que la France avait conclu avec le Caire un accord pour la vente à l’Egypte de 24 avions de combat Rafale, d’une frégate multimissions et de missiles. Cela pourrait «faire boule de neige», a estimé le PDG de son fabricant, Dassault Aviation, en évoquant l’intérêt d’autres clients potentiels.
«Je pense que cette première vente d’un grand pays arabe va faire boule de neige», a expliqué Eric Trappier sur la radio RTL.
«Il y a d’autres clients potentiels au Moyen-Orient. Le Qatar s’intéresse, ce n’est pas une découverte. D’autres voisins aussi s’intéressent à l’avion», a-t-il ajouté.
L’accord de Minsk est lui aussi un espoir, mais il faut être plus que prudent.
Le pire a été évité, c’est-à-dire un échec pur et simple qui aurait signifié une immédiate escalade de la guerre en Ukraine. Mais l’accord obtenu à l’arraché à Minsk après dix-sept heures de négociations entre le président français François Hollande, le Russe Vladimir Poutine, l’Ukrainien Petro Porochenko et la chancelière allemande Angela Merkel semble bien bancal. Il ouvre peut-être la route à la paix, mais les obstacles restent encore très nombreux. Prudente, la chancelière allemande affirme ne se faire «aucune illusion» et souligne «l’importance des efforts encore à faire». Plutôt optimiste à la sortie des négociations et affirmant son espoir «d’un règlement politique global», le président français s’est ensuite montré beaucoup plus perplexe, affirmant que «l’accord est plus qu’une lueur d’espoir», mais qu’il ne «garantit pas un succès durable».
Enfin, ce nouveau président sur tous les fronts et presque hyperactif a fait sans doute ce qu’il fallait faire pour effacer les maladresses françaises vis-à-vis du Maroc.
La France et le Maroc ont annoncé, samedi 31 janvier, le rétablissement de leur coopération judiciaire. Le précédent accord avait été suspendu en février 2014, après le dépôt d’une plainte pour torture visant le chef du renseignement marocain, Abdellatif Hammouchi. Le ministre des Affaires étrangères du Maroc, Salaheddine Mezouar, revient pour Le Monde sur cette année de tension diplomatique
«Du côté français, on a pris conscience qu’il ne s’agissait pas d’une saute d’humeur du Maroc, mais d’une exigence liée à une demande de respect: de nos institutions, de notre cadre judiciaire, de nos engagements mutuels. Cet accord permet de sortir par le haut. Le contact permanent entre nos deux chefs d’Etat, le fait qu’ils aient toujours affirmé leur attachement à cette relation, a été un élément important».
Alors que la présidence française ouvre un nouveau chapitre du quinquennat, il était indispensable que cette page soit définitivement tournée.
La France et le Maroc ont plus que jamais besoin l’un de l’autre.
Patrice Zehr