Le nouveau président français pourra appliquer vraiment sa politique quand il aura une majorité parlementaire. Pour obtenir cette majorité, la composition du nouveau gouvernement et ses premiers pas sont donc des éléments essentiels.
Le gouvernement d’Edouard Philippe correspond-il aux engagements du président? C’est, pour les Français, le premier test. Il faut dire que l’équation parfaite était impossible et que l’Exécutif s’en est approché le plus possible. Il y a bien la parité hommes-femmes, le renouvellement et les équilibres politiques de la recomposition.
Le gouvernement d’Edouard Philippe compte neuf ministres hommes et neuf ministres femmes. Il y a également quatre secrétaires d’Etat, deux femmes et deux hommes. Il y a bien parité. Cependant, il y a une autre lecture, celle d’une parité déséquilibrée.
Sur les cinq ministères régaliens (Intérieur, Justice, Défense, Affaires étrangères et Economie), on ne compte qu’une seule femme: Sylvie Goulard, nommée «ministre des Armées», ce qui est réducteur par rapport à «ministre de la Défense». Par ailleurs, ce gouvernement compte trois ministres d’Etat, trois hommes (Gérard Collomb, Nicolas Hulot et François Bayrou).
On note également qu’il n’y a pas de ministère plein des Droits de la femme, comme annoncé, mais un secrétariat d’Etat. Il faut dire que c’était mission impossible en conservant les équilibres politiques entre la gauche, la droite et les fidèles d’En Marche.
Il y a peut-être aussi plus d’anciens que ce que l’on attendait. On compte deux anciens ministres de François Hollande dans la nouvelle équipe: Jean-Yves Le Drian qui passe de la Défense aux Affaires étrangères et Annick Girardin, ancienne ministre de la Fonction publique et désormais ministre des Outre-mer.
Par ailleurs, Bruno Le Maire a été ministre de l’Agriculture entre 2009 et 2012 et secrétaire d’Etat aux Affaires européennes entre décembre 2008 et juin 2009. Quant à François Bayrou, il a été ministre de l’Education entre mars 1993 et 1997.
Sur les 18 ministres, sept ne sont pas des professionnels de la politique. L’objectif est donc sur ce plan bien rempli.
Un gouvernement de droite de gauche? L’économie, plus le Premier ministre, est à droite. C’est donc un gouvernement libéral.
Le gouvernement choisi par Emmanuel Macron a plutôt les faveurs de la presse qui le voit pencher à droite, tout en saluant la belle prise que constitue Nicolas Hulot. Impression partagée par Libération qui titre sur un gouvernement «surtout de droite». «La droite tient la caisse. La gauche fera des poèmes… (…). Ce sont des transfuges de LR qui contrôleront le nerf de la guerre, sous l’autorité d’un Premier ministre de la même origine politique», constate Laurent Joffrin. Le fait marquant pour les commentateurs reste toutefois l’arrivée de Nicolas Hulot. Une grosse prise très populaire. Il y a cependant une réserve: Macron et Hulot ne sont pas sur la même ligne écologique et cela pourrait très rapidement poser des problèmes.
Quant à la diversité, elle reste très relative.
Au sein de ce nouveau gouvernement, la diversité reste minimale. Mounir Mahjoubi, conseiller au numérique d’Emmanuel Macron pendant la campagne, a été nommé secrétaire d’Etat chargé du numérique. Un nouveau visage au parcours atypique puisque, fils d’immigrés marocains, il est titulaire d’un CAP cuisine, ainsi que d’une maîtrise de droit et d’un master de Sciences Po Paris.
Encarté au PS depuis sa jeunesse (il l’est toujours), Mounir Mahjoubi avait participé à la stratégie numérique de la campagne de Ségolène Royale lors de l’élection présidentielle de 2007, avant de prendre part à la stratégie de communication numérique de François Hollande pour le scrutin de 2012. Il sera candidat sous l’étiquette de La République en marche dans la 16ème circonscription de Paris lors des prochaines législatives.
Dans le gouvernement d’Edouard Philippe, il y a également Laura Flessel, double championne olympique d’escrime et sextuple championne du monde, qui prend la tête du ministère des Sports. La Guadeloupéenne -qui avait signé un appel à voter pour Emmanuel Macron en compagnie d’autres sportifs- a présidé le Comité de lutte contre les discriminations dans le sport.
Enfin en France, le ministre de l’Intérieur est le ministre des Cultes. C’est Gérard Collomb, le maire de Lyon. Pour lui, la laïcité doit être une liberté. Il est très éloigné de la ligne Valls: «Je reprendrai la laïcité telle que défendue par Aristide Briand dans la loi de 1905: il disait que cette loi est une liberté. La liberté de croire ou de ne pas croire. La liberté pour celles et ceux qui croient de pratiquer librement leur religion tant qu’elle ne fait pas obstacle à la loi de la République. C’est ainsi que nous concevrons la liberté des cultes».
Lyon, sa ville, apparaît comme un laboratoire loué ou contesté du vivre ensemble.
Les premiers pas de ce gouvernement, qui doit avoir une priorité, éviter les faux pas, seront capitales pour les législatives de juin dont dépend l’avenir de la présidence Macron.
Patrice Zehr