Finalement ce sera encore Macron-le Pen. Les Français ont voté pour le second tour dont ils ne voulaient plus. C’est la démocratie, c’est l’incontestable choix du peuple, mais cela interroge. Rien na bougé et pourtant tout a changé.
Comme en 2017, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’affronteront au second tour de l’élection présidentielle. D’après les sondages sortis des urnes Emmanuel Macron en tête (28,5 %) devant Marine Le Pen (23,6 %) et Jean-Luc Mélenchon (22 %). Eric Zemmour est quatrième (7 %), devant Valérie Pécresse (4,8 %). L’abstention est estimée à 26,2 %, quatre points au-dessus de celle de 2017.
Quand on regarde les résultats il n’y a pas de doute, sauf immense surprise le Président sortant sera reconduit. Comme en 2017, un front anti extrême droite va être activé. Le problème est bien sûr de re-diaboliser celle qu’on a dédiabolisée par peur de Zemmour.
Zemmour a échoué et autour de 7 % il permet à Marine Le Pen pour qui il appelle de voter d’avoir une réserve de voix. Cette initiative va relancer l’union des droites avant les législatives, car la droite «républicaine» connait un désastre au dessous de 5 %. Désastre aussi pour le parti socialiste avec une Hidalgo à 2 %, les écologistes sous les5 % également, alors que Mélenchon fait 22 % et profite du vote utile. Encore une fois troisième, le leader de la France Insoumise est déçu mais il est la grande force de gauche. Le Président sortant a fait un très gros score. Il a fait mieux que prévu par ses partisans. Il a été aidé par sa position de candidat président. La gestion de la pandémie pourtant critiquée ne l’a pas pénalisé, la guerre en Ukraine l’a favorisé. Il peut aussi noter des soutiens en forme encore une fois de front républicain. Valérie Pecresse, Anne Hidalgo, fabien Roussel, Yanick Jadot appellent à voter Macron.
Le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a récolté 22 % des suffrages, selon les dernières estimations, a pris la parole. «Une nouvelle page du combat s’ouvre. Vous l’aborderez, nous l’aborderons dans la fierté du travail accompli», commence par déclarer Jean-Luc Mélenchon, qualifiant la situation d’«Etat d’urgence politique». Il poursuit: Il ne faut pas donner une voix à Mme Le Pen», exhorte-t-il ensuite à plusieurs reprises, en annonçant que ses 300 000 soutiens seraient sollicités lors d’un scrutin pour décider de la consigne de vote du mouvement de l’Union populaire (abstention ou vote pour Emmanuel Macron, comme en 2017). «Alors, bien sûr, les plus jeunes vont me dire là, on n’y est encore pas arrivé. Ce n’est pas loin, hein ! Faites mieux, merci», conclut-il, dans ce qui semble être un passage de témoin… M. Mélenchon avait annoncé qu’il s’agissait de sa dernière candidature à l’élection présidentielle.
Trente minutes après l’annonce des résultats du premier tour, Marine Le Pen s’est exprimée devant ses militants à Paris. «J’y vois l’espoir, l’espoir que se lèvent les forces de redressement du pays. Le 24 avril, ce sera un choix fondamental entre deux visions opposées du pays: soit la division et le désordre, soit le rassemblement des Français autour de la justice sociale garantie par un cadre fraternel», a-t-elle poursuivi. La candidate du RN a ensuite estimé que «tous ceux qui n’ont pas voté pour Macron ont vocation à rejoindre ce rassemblement». «Ce qui se jouera ce 24 avril est un choix de société et même de civilisation», a-t-elle lancé, promettant qu’elle sera «la présidente de tous les Français», si elle est élue.
L’arithmétique électorale lui laisse peu d’espoir. Cependant la détestation du Président peut gêner les reports de voix en sa faveur, alors que ceux de Zemmour et de Dupont- Aignant sont quasi assurés pour marine Le Pen. Eric Zemmour, donné à 7,1% du premier tour de l’élection présidentielle, a demandé à ses électeurs de voter pour Marine Le Pen le 24 avril. «Si électoralement rien ne change, politiquement tout à changé parce que nous sommes arrivés», a-t-il assuré. «J’ai bien des désaccords avec Marine Le Pen (…). Je ne me tromperai pas d’adversaire, c’est la raison pour laquelle j’appelle mes électeurs à voter pour Marine Le Pen», a-t-il déclaré. Les premiers sondages pour le deuxième tour restent donc assez serrés. Reste que la campagne du deuxième tour va être très dure et que Marine Le Pen va se retrouver zemmourisée par tous ceux pour qui l’extrême droite, même au féminin, est un danger pour la France et la démocratie. Le Pen à l’Elysée, l’hypothèse devient «crédible» et «il serait imprudent de l’exclure d’un revers de la main», estime Dorian de Meeûs, rédacteur en chef de La Libre Belgique. «Le pouvoir d’achat tétanise les citoyens. Le Pen l’a compris et en fait son cheval de bataille», écrit-il dans son éditorial publié samedi 2 avril. La candidate d’extrême droite «lisse son message et édulcore son programme. Son nom et l’héritage politique qu’il incarne, ne semble plus représenter un obstacle en soi. La campagne anxiogène, monothématique et caricaturale d’Eric Zemmour est une aubaine pour Marine Le Pen, au point de la rendre “présidentiable” aux yeux des électeurs», ajoute-t-il.
Le premier tour a confirmé cette analyse mais le deuxième tour est une toute autre campagne. La peur de l extrême droite face au rejet de Macron… Tous aux abris !
Patrice Zehr