Sarkozy et Macron
Quelques noms qui attirent l’attention des médias. Quelques évincés pour cause de non efficacité, beaucoup de chaises musicales. Les changements y sont nettement moins nombreux qu’attendus pour le premier gouvernement Castex.
La majorité des ministres l’étaient déjà sous Philippe, peu ou prou à la même place. «On a essuyé beaucoup de refus», concède un conseiller. Du côté des sortants, on compte au moins trois ministres venant de la gauche n’ayant pas de remplaçant de la même étiquette: Christophe Castaner, Muriel Pénicaud et Didier Guillaume. La balance penche donc à droite, même si les futurs secrétaires d’Etat viendront peut-être la rééquilibrer. Transition écologique avec Barbara Pompili au deuxième rang protocolaire, maintien des piliers du gouvernement Philippe en promouvant Le Drian, Blanquer, Le Maire, Parly aux premiers rangs, quelques changements (Darmanin à l’Intérieur, Borne à l’Emploi), deux surprises (Dupond-Moretti à la Justice, Bachelot à la Culture), le remaniement opéré le 6 juillet (2020) lance l’acte 3 du quinquennat autour de quelques priorités: relance, écologie, insertion des jeunes. Et fait basculer encore plus à droite le balancier du macronisme.
Un remaniement qui marque en France l’ancrage au centre droit et à droite de la Macronie. A tel point que certains se demandent si ce n’est pas Nicolas Sarkozy qui va tirer les ficelles jusqu’aux élections de 2012. Matignon, ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice… En Macronie, tous les chemins mènent désormais à Nicolas Sarkozy. L’annonce du remaniement, a consacré l’entrée au gouvernement de nombreuses personnalités ayant travaillé avec l’ancien chef de l’État. À commencer par le premier ministre, Jean Castex, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy. Aussitôt sa nomination connue, le nouveau locataire de Matignon a d’ailleurs appelé l’ancien Président. En réponse, Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il avait «beaucoup de respect, d’amitié et même d’affection» pour Jean Castex.
Quand il s’était entretenu avec Emmanuel Macron, notamment le 8 juin, l’ancien Président de la République avait glissé un conseil à son successeur: changer de premier ministre en cours de mandat pour redonner un nouveau souffle à son quinquennat. Nicolas Sarkozy a toujours jugé, avec le recul, qu’il aurait dû nommer un autre premier ministre plutôt que de garder
Pour les entrées voici les plus spectaculaires d’après le journal «les échos»: Quand ce n’est pas l’ensemble du jeu que l’on bouscule, il faut quelques cartes fortes. Elles sont au nombre de quatre. L’avocat Eric Dupont-Moretti, connu pour être en guerre contre une partie de la magistrature, devient justement Garde des Sceaux. Spectacle assuré. Gérald Darmanin, le plus politique des ministres voulait «peser». C’est le deuxième enseignement de la journée: le rapport de force paie. Il devient ministre de l’Intérieur. La chiraquienne Roselyne Bachelot fait son retour en politique en obtenant la Culture. La députée Barbara Pompili, reconnue sur ses sujets, prend la transition écologique et le deuxième rang dans l’ordre protocolaire.
La presse internationale relève que les noms d’Eric Dupond-Moretti, Roselyne Bachelot et Gérald Darmanin, sortent du lot, que rien n’a bougé dans plusieurs grands ministères et que l’Intérieur et l’Environnement ont changé de mains. Et note l’influence de Nicolas Sarkozy, “mentor” d’Emmanuel Macron.
Pour Le Temps, trois noms, “au milieu d’une liste largement composée de vétérans de l’ancien gouvernement d’Édouard Philippe” sortent du lot: l’“ancien ministre du budget” Gérald Darmanin (qui devient ministre de l’Intérieur), le “très médiatique” et “redouté” avocat Eric Dupond-Moretti (Justice) et l’ex-ministre de la santé “devenue chroniqueuse télévisuelle” Roselyne Bachelot (Culture).
Le quotidien suisse estime qu’en les nommant à trois postes clés, Emmanuel Macron et Jean Castex ont clairement défini le périmètre privilégié d’action de cette nouvelle équipe ministérielle.
Place à l’autorité et à la proximité. Oubliée, surtout, l’importance accordée aux «experts» dans les équipes précédentes. C’est sur la politique à l’ancienne que mise le Président français pour parvenir jusqu’à l’échéance électorale de 2022 : du savoir-faire médiatique, de l’énergie individuelle et une forme de distance avec ‘l’Etat profond’ dont le nouveau chef du gouvernement.
Des choix par lesquels Emmanuel Macron se met lui-même en danger, comme pour démontrer qu’il est vraiment prêt à «se réinventer».
Une parfaite synthèse macroniste, un chef d’œuvre du «en même temps» poussé presque jusqu’à l’extrême: le nouveau gouvernement Castex propose un casting détonnant pour conduire l’acte III du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il associe la stabilité, avec la promotion rassurante de ministres sortants et la prise de risque, avec l’entrée de personnalités connues pour leurs convictions mais souvent clivantes.
Patrice Zehr