France, Syrie, Liban Ne pas oublier le passé

La position en pointe de la France en faveur de frappes contre la Syrie a provoqué des commentaires contrastés. Mais le cas de la France est particulier. Explications.

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La France a semblé peu suivie au niveau international, malgré le soutien très fort de l’Exécutif américain. Le monde politique français s’est divisé de plus en plus fortement au fil des jours, aussi bien à droite qu’à gauche. L’opinion publique, elle, comme aux USA ou en Allemagne, s’est révélée dans les sondages opposée à cette opération militaire.

La polémique a porté sur l’absence d’autorisation internationale ou parlementaire; sur la nécessité légale en elle-même, selon certains, de faire respecter l’interdiction internationale, qui date de la Première Guerre mondiale, de l’utilisation d’armes chimiques. On a envisagé les conséquences qui pourraient être catastrophiques de cet engagement pour la Syrie, la région et le monde.
On a rappelé que les armes chimiques utilisées par Saddam Hussein, quand il était l’allié des Occidentaux, n’avaient pas suscité une grande indignation et qu’il est politiquement paradoxal de faire la guerre aux islamistes au Mali et de prendre le risque de les installer en Syrie. Car, bien sûr, la punition peut briser l’ossature du pouvoir syrien et permettre aux rebelles de l’emporter -tout le monde le sait- et, pour certains, c’est le but, comme en Libye derrière la protection des populations civiles.
Mais curieusement, il est très rarement évoqué le poids de l’histoire et le passé de la France dans cette partie du monde arabo-musulman. La France et la Syrie, ce n’est pas la France et l’Irak, ni la France et la Libye.
En effet, nous sommes dans un Levant qui a été sous mandat français dans un découpage territorial contesté, notamment par Damas sur le Liban. Nous sommes dans la région d’un interventionnisme historique français remontant à Napoléon III au nom de la protection des chrétiens d’Orient. Aujourd’hui, ces derniers pro Assad redoutent l’intervention de la France qu’ils espéraient il y a un siècle et même moins, en tout cas pour les chrétiens libanais. La Syrie a toujours considéré le Liban comme faisant partie de son destin national et y a mené contre les Occidentaux une véritable guerre qu’elle a un temps gagnée.
Le 23 octobre 1983, les parachutistes français présents à Beyrouth, dans le cadre de la Force Multinationale de Sécurité, étaient victimes d’un attentat. 58 d’entre eux devaient trouver la mort dans l’explosion du poste «Drakkar». C’est la grande guerre qui, au départ, a tout changé.
Le 16 novembre 1916, deux diplomates, le Britannique sir Mark Sykes et le Français Georges Picot, concluent les accords secrets «Sykes-Picot». Ils prévoient le partage après la guerre des dépouilles de l’empire ottoman, allié de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Selon ces accords, la France se propose de prendre sous son aile la Syrie et le mont Liban. C’est ainsi que, le 8 octobre 1918, une escadre française accoste à Beyrouth. Les soldats se joignent à leurs alliés britanniques qui ont déjà occupé toute la région. Ils entrent avec eux dans la ville.
La déception est vive chez les nationalistes arabes qui espéraient se tailler un État indépendant autour de Damas, capitale de la Syrie, avec le soutien de leur ami britannique «Lawrence d’Arabie». Leur armée est défaite par les Français le 24 juillet 1920, à Khan Mayssaloum, dans l’Anti-Liban, une chaîne de montagnes qui sépare aujourd’hui la Syrie du Liban. La France détache de l’ancienne Syrie un Grand-Liban qui rassemble le mont Liban, mais aussi la vallée de la Bekaa et le littoral. Dans ces limites, les chrétiens ont l’avantage d’être majoritaires (ils ne le seront plus dès 1975 du fait de l’émigration et d’une plus faible natalité que les musulmans).
L’État du Grand-Liban -«État indépendant sous mandat français»!- est officialisé le 1er septembre 1920 par un décret du haut-commissaire français, le général Henri Gouraud. En juin 1941, en pleine Guerre mondiale, les Britanniques, accompagnés d’un détachement des Forces Françaises Libres du général de Gaulle, occupent le Liban et la Syrie et en chassent les représentants français du régime de Vichy. Dès le 25 décembre 1941, sous la pression britannique, le général Catroux, commandant des troupes françaises du Levant, proclame la complète indépendance de la Syrie et du Liban.
Cinq ans après avoir obtenu son indépendance des Forces françaises libres, en 1941, la Syrie se soustrait de la tutelle française. Ses dirigeants proclament l’indépendance le 17 avril 1946, alors que les dernières troupes françaises quittent le pays.

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Syrie: une guerre franco-française

La campagne de Syrie ou Opération Exporter vit l’invasion par les Alliés de la Syrie et du Liban, alors contrôlés par le gouvernement de Vichy, lors de la Seconde Guerre mondiale, entre juin et juillet 1941, après que la région eut servi de support à des activités allemandes lors de la guerre anglo-irakienne.
L’invasion du Levant français (Opération Exporter du 8 juin au 11 juillet 1941) est menée sous le commandement en chef du général britannique Henry Maitland Wilson, avec des troupes britanniques, indiennes, australiennes et françaises libres.
Le 10 juin, la 7ème Division australienne d’infanterie du général australien Sir John Lavarack avance le long de côte, de Saint-Jean d’Acre vers Beyrouth, couverte par les canons de la marine britannique, la 5ème brigade indienne d’infanterie et les Français libres progressant à l’intérieur vers Damas. Le 15 juin, la Luftwaffe réalise des frappes sur les positions navales britanniques. Le 16 juin, le Chevalier Paul, un contre-torpilleur venu de Toulon de la classe Vauquelin, se fait torpiller par l’aviation britannique. Les Forces françaises libres entrent à Damas le 21 juin 1941. Les combats cessent le 12 juillet à 00 h 01. Un armistice est signé entre les Alliés (général Henry Maitland Wilson et général Georges Catroux de la France Libre) et les Vichystes (général Joseph de Verdilhac (1883-1963), le 14 juillet 1941 à Saint-Jean d’Acre.
Les pertes sont lourdes: 3.300 tués ou blessés parmi les soldats du Commonwealth, 156 tués et 471 blessés parmi les Français libres qui ont engagé pour cette opération presque toutes leurs forces terrestres, 1.066 tués et 5.400 blessés chez les vichystes.

Chrétiens de Syrie: la peur de la rébellion islamiste

À l’écart des violences jusqu’à présent, le village chrétien de Maaloula a été au cœur de violents combats le mercredi 4 septembre. C’est un symbole qui explique le soutien des chrétiens syriens au régime.
Des rebelles islamistes se sont emparés d’un poste militaire à l’entrée de la localité, située à 55 kilomètres au nord de la capitale Damas. Huit soldats ont été tués dans l’attaque. Maaloula, l’un des plus célèbres villages chrétiens de Syrie, est hautement symbolique: il est l’un des rares lieux au monde où est encore parlé l’araméen, la langue de Jésus-Christ.
Le village, qui abrite le tombeau de Sainte-Thècle, est un célèbre lieu de pèlerinage. Il doit sa renommée à ses refuges troglodytiques datant des premiers siècles du christianisme. Les premiers chrétiens, persécutés, s’y réfugiaient. Et c’est dans ces grottes que furent célébrées les premières messes chrétiennes. L’attaque des islamistes intervient quelques jours avant la fête de l’Exaltation de la Croix, célébrée chaque année le 14 septembre.

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Liban: la peur de la guerre civile et religieuse

Le président François Hollande a rencontré son homologue libanais, Michel Sleimane, lors de l’ouverture des 7ème Jeux de la Francophonie à Nice. Il a déclaré que le Liban ne devait pas être «affecté par ce qui se passe en Syrie». «J’ai insisté (…) pour lui dire que si nous avions à agir dans les prochaines semaines, ce serait pour punir un régime qui a utilisé des armes chimiques, en aucune façon pour porter un conflit au-delà de son propre cadre, c’est-à-dire la Syrie». Mais cela ressemble à un vœu pieu. De fait, le pays reste très divisé et le conflit syrien n’a cessé d’exacerber les tensions depuis mars 2011. Les sunnites (29% de la population) soutiennent en majorité la rébellion syrienne, tandis que les chiites (29% également) restent, quant à eux, partisans du régime de Bachar Al-Assad. Allié indéfectible de Damas -avec l’Iran- le Hezbollah s’est officiellement engagé aux côtés des troupes de l’armée syrienne.
L’afflux massif de réfugiés risque d’aggraver encore l’instabilité. Peuplé de quatre millions d’habitants, le pays accueille déjà des centaines de milliers de réfugiés.

Hésitations syriennes et syndrome irakien

L’opinion publique américaine et l’ensemble des opinions européennes sont massivement hostiles à une action militaire de leurs pays contre le régime de Bachar Al-Assad. Ce retournement des opinions, par comparaison avec de précédentes interventions alliées, est une donnée essentielle de l’équation syrienne et complique considérablement la tâche des quelques dirigeants favorables à l’usage de la force internationale.
Cette évolution de l’opinion est à l’exact opposé de ce que l’on a connu au moment des autres interventions, depuis le Kosovo jusqu’au Mali.
Il y a, bien sûr, un phénomène de lassitude des pays occidentaux qui voient, depuis 2001, leurs forces engagées dans des conflits sans issue claire ni satisfaisante. Il y a la nature des rebelles syriens, leurs divisions, la présence de djihadistes parmi eux, leurs méthodes et leurs bavures sur vidéo. Il y a le désarroi face à l’évolution de ce qui avait commencé en 2011 comme un «printemps arabe».
Il y a aussi et surtout le fiasco irakien, une guerre justifiée par un mensonge d’Etat mondial, dont le prix politique humain et religieux, dix ans après, explose à la face de l’administration américaine et de ses alliés.
C’est bien la guerre inexpiable de l’Occident.

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