Frédéric Sampson, consultant international, expert auprès de l’UNESCO(*)

Frederic sampson

Une clé de la durabilité des stratégies de développement

Le Maroc a été choisi pour abriter cette consultation nationale. En votre qualité d’expert en la matière, pensez-vous que le Maroc a assez d’atouts pour faire de la culture un réel levier de développement?

Au Maroc, la culture joue un rôle de premier plan en matière de développement et de revenus pour la croissance économique. A mon avis, si le Maroc n’a pas de pétrole, il recèle une richesse de traditions et de sites culturels, ainsi qu’une créativité vivante qui joue un rôle majeur dans l’attractivité qu’exerce le Royaume sur plus de 10 millions de touristes chaque année. En outre, le Maroc est riche d’une diversité de cultures qui appartiennent à part entière à l’identité marocaine, ainsi que le rappelle la Constitution de juillet 2011. Ce n’est donc pas par hasard si, ces dernières années, il a joué un rôle pilote en matière d’initiatives visant à mettre en valeur l’effet de levier de la culture pour le développement et le développement durable. On pourrait citer le programme conjoint des Nations Unies financé par le Fonds espagnol pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que les nombreuses initiatives de l’UNESCO sur ce thème. La présente consultation nationale sur «la culture et le développement dans l’agenda de développement post-2015» montre tout l’intérêt qu’accorde la communauté internationale pour les expériences marocaines en la matière, puisque seuls 5 pays dans le monde participent à cet exercice et le Maroc est le seul pays arabe à avoir été retenu pour ce thème.

Le développement durable au Maroc connaît, depuis quelques années, un essor particulier. Par quels moyens va-t-on y introduire la culture qui a jusqu’à présent été sensiblement négligée dans cet élan?

En fait, on pourrait dire que la culture est la clé de la durabilité des stratégies de développement. Elle est d’ailleurs déjà présente dans un certain nombre de stratégies de développement durable, sans être nommément désignée comme telle. Lorsque l’on entreprend de mener des consultations participatives pour l’élaboration des plans communaux de développement en milieu rural, en associant des populations souvent marginalisées, on déjà, selon moi, dans des approches culturelles. Lorsque l’on décide de développer des filières de produits du terroir, qui présentent cette particularité d’être à la fois des produits naturels, des produits de consommation et des produits culturels, on travaille à nouveau avec la culture. Cela étant dit, il est vrai que l’on pourrait sans doute faire plus pour garantir la préservation de certaines pratiques culturelles, comme ces «cultures de l’eau» qui, depuis des siècles, ont permis au Maroc de faire face à des contraintes naturelles parfois très rudes (sécheresse, désertification) et qui, malheureusement, chaque jour disparaissent un peu plus, ainsi que le déplorait tout récemment, à l’occasion de l’un de nos ateliers thématiques, le Pr. Mohammed El Faiz, de l’Université de Marrakech. La conservation des sites naturels et la création d’équipements culturels dans les grandes villes du Royaume sont aussi des investissements d’avenir qu’il conviendrait, selon moi, d’approfondir, si l’on souhaite éduquer davantage les citoyens à la connaissance de leur culture et à la prise de conscience de la richesse du patrimoine dont ils ont hérité et dont ils sont dans une certaine mesure les dépositaires et les usufruitiers.

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Le Maroc entame une consultation nationale. Quels en seront, selon vous, les effets et les conséquences sur le développement durable dans le pays et par quoi ceux-ci seront-ils perceptibles?

Je pense que cette consultation nationale sur «la culture et le développement durable dans l’agenda de développement post-2015» va montrer à quel point la culture est non seulement l’affaire du ministère de la Culture, mais de toute une constellation de ministères qui seront appelés à jouer un rôle plus important à l’avenir, en étroite consultation avec les experts du ministère de la Culture. Le ministère des Habous et des Affaires Islamiques, celui de l’Artisanat, celui de l’Education, le ministère du Tourisme et celui du Développement social, tous, sont en quelque sorte «consommateurs» de culture et prennent progressivement conscience que la culture est un outil indispensable pour la réussite de leurs stratégies de développement. Je pense donc que cette consultation nationale pourrait mener à renforcer les initiatives interministérielles en la matière, ce que préfigure dans une certaine mesure la création prochaine du Haut conseil pour les Langues et la Culture marocaine prévu par l’article 5 de la Constitution de juillet 2011. Une autre conséquence de cette consultation, c’est que les pouvoirs publics vont pouvoir une fois de plus mesurer à quel point la population marocaine est un laboratoire d’initiatives innovantes et créatives et que, lorsque l’on consulte la société civile marocaine, celle-ci se révèle pleine de ressources très estimables. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, à côté des ateliers thématiques que nous organisons en régions, il est proposé au plus grand nombre de Marocains et de Marocaines de renseigner un questionnaire en ligne que nous avons préparé et dont vous pouvez trouver l’accès sur les sites Internet du ministère de la Culture, du ministère de l’Artisanat, du Bureau de l’UNESCO pour le Maghreb, du PNUD Maroc et de l’Equipe Pays des Nations Unies au Maroc. Cette consultation est donc bien le début d’une grande histoire entre le Maroc, son développement et sa culture.

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Propos recueillis par Hamid Dades

(*) En charge de la coordination de la consultation nationale marocaine sur «la culture et le développement durable dans l’agenda de développement post-2015»

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Un commentaire

  1. Bravo Frédéric! Tellement contente de lire cet article. Le Maroc a beaucoup de chance de bénéficier de tes compétences. Envoie nous un peu de chaleur de ce beau pays. Amitiés Catherine

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