Gaïd Salah & Co : Trop de pouvoir tue le pouvoir…

Ceci est valable pour tous les dirigeants du monde, mais particulièrement pour celui qui dirige, de facto, l’Algérie en ce moment. Il s’agit, bien sûr, du chef d’état-major et vice-ministre de la Défense, le Général Ahmed Gaïd Salah.

Ce serait une lapalissade de rappeler que les temps ne sont plus ce qu’ils étaient et que les détenteurs de pouvoir, qu’ils dirigent un Etat, une holding, ou une simple entreprise (même en en étant l’actionnaire unique), ne peuvent plus se comporter en potentats qui imposent leurs desiderata sans limites et sans conditions.

Dans une entreprise, les employés, qui n’ont pourtant qu’un salaire à la fin du mois, peuvent bloquer l’activité de la société et la conduire de ce seul fait à la faillite, s’ils estiment que celui qui les dirige abuse de son pouvoir de patron.

Quant à aux Etats, penser pouvoir les diriger avec arrogance, morgue et suffisance, en s’appuyant sur une armée, une police et une Justice aux ordres, c’est oublier –ou ignorer- les dernières leçons que nous a données la planète… Où des dirigeants qui se croyaient tout-puissants et indéboulonnables, se sont retrouvés soit en fuite (Benali de Tunisie), soit en prison (Omar Al Bachir du Soudan), si ce n’est dix mètres sous terre (Saddam Hussein, Kaddafi)… Pour ne citer que ces cas-là.

Les dictateurs qui échappent encore à la règle n’en ont pas pour longtemps.

Ils s’accrochent peut-être avec succès pour le moment, au détriment de leur pays et/ou de leur population, mais au vu de l’évolution du monde, cela ne peut durer éternellement.

En Algérie, les leçons de l’Histoire que devrait tirer le Général Gaïd Salah et les membres de son Conseil, sont sous ses yeux et sont encore plus récentes et plus proches que toutes celles, citées, de ces dernières années.

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Lui-même Gaïd Salah, a-t-il un jour imaginé que quelqu’un d’aussi puissant que le Général Toufik/Mediene, qui a régné en maître sur l’Algérie pendant 25 ans, faisant et défaisant ses présidents, portant le surnom de «Rabb al-Jazaïr» (le Dieu de l’Algérie), se retrouverait un matin derrière les barreaux d’une prison dans son propre pays ? Et y placé par lui ?

Et les Bouteflika ? Quand ils le nommaient chef d’état-major et vice-ministre de la défense, l’idée lui a-t-elle seulement effleuré l’esprit qu’il les remercierait un jour en faisant abdiquer l’un et en plaçant l’autre sous les verrous ?

C’est dire combien la toute-puissance est aléatoire, même quand elle s’impose des années durant…

Tout dirigeant doit le savoir. Il n’est jamais bon d’abuser de ses pouvoirs. Ni avec «les grands», ni avec «les petits». Personne ne pardonne l’arrogance et la suffisance. Et quand, pour une raison ou pour une autre (peur, opportunisme, ou simple lâcheté), celui qui subit cette arrogance ou cette suffisance, se tait, c’est encore pire… Parce qu’il la garde au fond de lui-même et la nourrit de rage contenue, jusqu’au jour où il peut se venger…

Aujourd’hui, en Algérie, nombreux sont ceux qui ont peur de Gaïd Salah. Notamment dans l’armée qu’il tient d’une main de fer. Qu’il ait fait jeter en prison les plus grandes personnalités de ce pays, civiles et militaires (qu’elles valent ce qu’elles valent, cela est un autre sujet) et qu’il ait réussi à prendre les rênes du pays au moyen d’un coup d’Etat qui ne dit pas son nom, ce n’est pas négligeable. Il est normal que nombre d’Algériens ne veuillent pas s’attirer ses foudres.

Mais ceux qui ne veulent plus de lui sont de plus en plus nombreux.

Ils supportent de moins en moins l’usage qu’il fait des pouvoirs qu’il s’est arrogés (ce n’est pas le peuple qui l’a élu ; paradoxalement, il ne tient sa légitimité que de ceux qu’il a fait enfermer).

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Cet usage excessif du pouvoir a dépassé la ligne rouge lorsque le Généralissime a décidé de s’en prendre à deux grands symboles de l’Algérie. Le symbole de l’amazighité, en interdisant le port du drapeau berbère et en faisant arrêter (par dizaines) les manifestants qui l’ont fait flotter. Puis le symbole de l’Indépendance, en ordonnant l’emprisonnement d’un vétéran de la guerre d’indépendance, Lakhdar Bouregaâ, au prétexte d’«outrage à corps constitué et atteinte au moral de l’armée»… En fait, pour l’avoir critiqué (pour cela, ce vétéran âgé de 86 ans, encourt dix ans de prison !).

Gaïd Salah peut encore aller plus loin dans l’exercice de sa toute-puissance. Il tient à maintenir le pays sous la coupe de l’armée. Il ne reculera donc devant rien pour ça. Le peuple algérien résiste encore. Les manifestations de mardi (étudiants et enseignants) et de vendredi (le Hirak dans son ensemble) se suivent sans interruption. Cette semaine, la manifestation du vendredi (5 juillet) coïncide avec la commémoration du 5 juillet 1962, qui marque la fin officielle de la présence française (de 132 ans), au terme d’une guerre d’indépendance qui a duré 8 ans. Le peuple algérien est plus que jamais déterminé à descendre dans la rue. La démission de Bouchareb Moad, président de l’Assemblée parlementaire nationale algérienne (Chambre basse), un des «B» dont la tête était réclamée par le Hirak, est loin de suffire à satisfaire les revendications populaires.

Tous les regards sont braqués sur Gaïd Salah. Sa mainmise sur le pouvoir et sa détermination à «mater» tous ceux qui se dressent devant lui, poussent à s’interroger sur sa réaction finale à l’égard de ce Hirak populaire qui lui barre le chemin.

Bahia Amrani

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