Les attaques mystères contre des pétroliers dans la mer d’Oman se multiplient. Pour les USA, l’Iran est responsable, mais Téhéran dément. La situation inquiète le monde entier car, au-delà d’un dérapage militaire, c’est la route du pétrole qui pourrait être à la limite sinon coupée, au moins très perturbée.
Deux tankers norvégien et japonais auraient été la cible, jeudi 13 juin, d’une attaque d’origine indéterminée en mer d’Oman, en plein Golfe. La région est sous tension à cause de la crise entre les Etats-Unis et l’Iran. Cet incident a lieu dans «une zone fondamentale pour les marchés pétroliers», explique Francis Perrin, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques) et chercheur associé au Policy Center for the New South et a immédiatement fait grimper les prix du pétrole.
Et ce n’est pas un incident isolé.
Il y a un mois, il y a eu des attaques contre quatre navires, juste à l’entrée du détroit d’Ormuz, deux saoudiens, un norvégien et un des Emirats arabes unis. Il y avait, il y a à peu près un mois, des attaques par des drones armés contre l’oléoduc est-ouest qui traverse l’Arabie saoudite, reliant le golfe arabo-persique à la mer Rouge. Donc, ces deux derniers incidents doivent être appréciés par rapport aux précédents, à la montée des tensions dans la région entre l’Iran, d’une part et l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, d’autre part; entre l’Iran et les Etats-Unis et entre l’Iran et Israël.
Donc, on est sur une montée des tensions qui se répercute à la hausse sur les prix du pétrole. On est clairement sur une hypothèse d’attaque. Est-ce que ce sont des torpilles, des mines, les deux? Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a accusé l’Iran d’être «responsable» des «attaques» menées, jeudi 13 juin, contre des pétroliers en mer d’Oman, quasiment un mois, jour pour jour, après des événements similaires qui ont visé quatre navires, dont trois pétroliers, au large des Emirats arabes unis. «C’est l’opinion du gouvernement américain que le gouvernement iranien est responsable», a avancé Pompeo devant les journalistes à la Maison-Blanche. Il a néanmoins affirmé que Washington souhaitait toujours que Téhéran revienne à la table des négociations «le moment venu», rapporte l’AFP.
Auparavant, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait laissé entendre que l’incident avec les deux pétroliers dans le golfe d’Oman pourrait être lié à la visite de Shinzo Abe en Iran. La réponse de l’Iran ne s’est donc pas fait attendre. Accusé par les Etats-Unis d’être responsable des attaques de deux pétroliers dans la mer d’Oman, Téhéran a contre-attaqué ce vendredi 14 juin). Sur Twitter, le ministre iranien des Affaires étrangères accuse Washington de «sabotage diplomatique». Les responsables iraniens, qui ont multiplié les déclarations jeudi 13 juin, ne semblent pas tous sur la même ligne. Certains insistent sur le fait que les incendies à bord des navires ont pris au moment où le Premier ministre japonais venait d’arriver chez le Guide suprême, l’ayatollah Khamenei. Shinzo Abe, en accord avec Trump, est à Téhéran pour tenter une médiation entre les Etats-Unis et l’Iran, en vue d’une désescalade. Le ministre iranien des Affaires étrangères a jugé hautement suspecte la coïncidence entre des «attaques» ayant visé les deux tankers et la visite du Premier ministre japonais. «Le mot suspicieux ne suffit pas à décrire ce qui transpire apparemment» de ces «attaques» contre des «tankers liés au Japon, survenues alors que le Premier ministre rencontrait» le Guide suprême iranien à Téhéran, écrit Mohammad Javad Zarif sur Twitter.
«Je vois cela comme allant à l’encontre des approches et des efforts régionaux et (internationaux), en vue de réduire les tensions dans la région», a déclaré de son côté Abbas Moussavi, porte-parole des Affaires étrangères iraniennes, assurant que l’Iran soutenait «la coopération et le dialogue dans la région». Mais à l’issue de son entretien avec Abe, Khamenei a de nouveau fait entendre la ligne dure iranienne refusant le dialogue avec Trump.
«Je suis extrêmement inquiet pour la sécurité de nos bateaux et équipages qui naviguent dans le détroit d’Ormuz», a déclaré Paolo d’Amico, président de l’association représentant la majorité des transporteurs pétroliers. «Il faut se souvenir que 30% du pétrole transporté par mer passe par ces détroits. Si ces eaux ne sont plus en sécurité, l’approvisionnement de tout le monde occidental serait menacé», a rappelé le responsable d’Intertanko.
Chaque jour, 18 millions de barils de pétrole, soit 20% de la consommation mondiale, transitent en effet par cette zone maritime stratégique. Les cours du brut ont d’ailleurs grimpé de 4%, peu après l’annonce des incendies à bord des navires, le prix du baril dépassant les 62 dollars. L’incident est d’autant plus inquiétant qu’il n’est pas le premier dans cette zone en première ligne des tensions persistantes entre l’Iran, d’une part et les Etats-Unis et ses alliés arabes du Golfe, de l’autre.
Patrice Zehr