Gouvernement Patineurs et spectateurs

Nommé chef du gouvernement, suite à la victoire sans équivoque de son parti aux législatives du 25 novembre dernier, Abdelilah Benkirane annonçait que la formation du gouvernement lui prendrait 3 semaines, au maximum. Il annonçait aussi que de nombreux ministères seraient regroupés en pôles et que la nouvelle équipe ne compterait pas plus d’une quinzaine de ministres. Il annonçait… Il annonçait… Il pouvait annoncer ce qu’il voulait avant d’être réellement aux commandes.

 

C’est une chose de venir avec des rêves, des espoirs –aussi nobles soient-ils- et un plan mis au point sous l’étendard de l’opposition. Et c’en est une autre de mettre tout cela au contact de la réalité, une fois arrivé aux affaires…

Il ne s’agit pas ici de mettre en doute la bonne foi du nouveau chef du gouvernement, mais de nous arrêter sur un tout premier constat qu’il a d’ailleurs fait lui-même: lui et les siens ne pourront pas tout faire comme ils le veulent. Pour une raison bien simple, dans la pratique, les choses se révèlent bien moins faciles qu’il n’y paraît de loin.

C’est le syndrome du patin sur glace. Calé dans votre fauteuil, à regarder une compétition de patin sur glace, vous pestez contre le candidat qui a raté sa troisième voltige et le traitez d’idiot. Mais il vous suffit de chausser des patins à glace pour vous rendre compte que tenir debout sur une longueur d’1 mètre seulement est un exploit…

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Abdelilah Benkirane a réalisé qu’il ne pouvait pas se suffire de 3 semaines pour mettre sur rails le gouvernement. Ni s’en tenir aux 15 maroquins. Il n’a pas la majorité absolue, il lui faut donc engager des tractations avec les éventuels alliés. Et qui dit tractations, dit marchandage, pressions, voire ultimatum… Donc, plus de temps et plus de portefeuilles pour satisfaire les desiderata.

Petites désillusions, donc, mais le PJD s’en sort plutôt bien jusque-là. 15 jours après sa nomination, Benkirane a déjà réalisé quelques accords sur la répartition des charges. L’Istiqlal à la présidence du parlement (3ème poste important au niveau étatique), le MP à l’Intérieur (même scindé en deux), le PPS aux Affaires Etrangères et tous les autres portefeuilles sensibles au PJD (Finances, Justice, Santé, Habitat, Education nationale…). Bien sûr, tout cela doit être confirmé, d’abord, par le Conseil national du parti (qui se tient ce dimanche 18 décembre), ensuite par les consultations qu’aura le chef du gouvernement avec le Roi. Néanmoins, les premières idées sont là et elles ne manquent pas d’intelligence.

Reste à tout «boucler» définitivement et à se mettre au travail, car les défis sont grands et le syndrome du patin sur glace s’imposera à chaque étape…

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Le PJD veut relever les défis de démocratie, de bonne gouvernance, de justice sociale auxquels il accorde la priorité, certes. Mais il a aussi fait des promesses économiques, irréalisables dans la conjoncture –nationale et internationale- actuelle (7% de croissance du PIB, 3% de déficit budgétaire, smig à 3.000 DH, baisse de 2 points du taux de chômage, recul de 50% de la pauvreté). Il faudrait un miracle pour que ces promesses soient tenues !

Et la nouvelle majorité ne devra compter sur aucune indulgence. L’opposition jouera pleinement son rôle d’opposition que la constitution a renforcé ! C’est de bonne guerre. Même si le PJD en appelle à une «Koutla historique» (vu que la Koutla-tout-court a volé en éclats avec le passage de l’USFP dans l’opposition) qui consisterait à rallier le maximum de soutien à la politique du gouvernement afin d’assurer la transition démocratique (une 2ème alternance consensuelle, en quelque sorte). L’opposition, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, le jeu politique se poursuit normalement, même s’il échoit à cette majorité conduite par le PJD de mettre en œuvre une nouvelle constitution.

L’opposition sera donc calée dans son fauteuil à vociférer ses critiques ; et le PJD sera sur la patinoire à tenter de réussir ses voltiges…

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