Guerre en Ukraine | Punir Poutine sans affamer le monde…

Le conflit en Ukraine, provoqué par l’intervention russe, n’aura pas que des conséquences militaires et géostratégiques. On a bien compris que l’Otan ne déclenchera pas une 3ème guerre mondiale pour sauver l’Ukraine.

Le but est de faire pression sur Poutine pour l’obliger  à un cessez le feu, prélude à des négociations de paix. Cela risque de prendre du temps. Et voila que monte la peur d’un dégât collatéral majeur qui pourrait déstabiliser la planète: une pénurie alimentaire mondiale. La  pandémie du Covid a révélé la dépendance à la Chine, la guerre celle pour le gaz et le pétrole à la Russie. Mais encore plus inattendue, pour la production agricole, celle à l’Ukraine.

L’Ukraine ex-grenier à blé de l’Union Soviétique est devenue une super puissance agricole incontournable pour certains pays, notamment africains.

L’ONU met en garde contre le risque d’un «ouragan de famines» dans différents pays du monde, suite à l’invasion lancée par la Russie. Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, a prévenu. «Nous devons faire tout notre possible pour éviter un ouragan de famines et un effondrement du système alimentaire mondial», a-t-il déclaré à des médias à New York. «Cette guerre dépasse largement l’Ukraine». Il  faut savoir que la Russie et l’Ukraine assurent 29% des exportations mondiales de blé. De graves perturbations de la production et des exportations risquent d’entraîner une poursuite de la hausse des prix des denrées alimentaires, qui sont déjà à un niveau record. «Cela érodera la sécurité alimentaire de millions de personnes», notamment celles qui sont déjà au bord de la famine à «cause des hauts niveaux de l’inflation des prix des aliments dans leur pays», s’inquiète le Programme Alimentaire Mondial. Le chef de l’ONU précise qu’au total, «45 pays africains et pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie. 18 de ces pays en importent au moins 50%. Cela comprend des pays comme le Burkina Faso, l’Egypte, la République démocratique du Congo, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et le Yémen». Les États les plus exposés sont ainsi «les plus dépendants et en même temps les moins solvables», comme l’explique Pierre Blanc, également auteur du livre «Terres, pouvoirs et conflits: une agro-histoire du monde». D’après le professeur, cité par France Inter «eu égard à leur aridité et à leurs habitudes alimentaires où le blé est central, les pays d’Afrique du nord et du Moyen-Orient sont de loin les plus exposés». Cependant, «la situation n’est pas la même entre d’une part des pays comme l’Egypte, la Tunisie, le Liban et le Yémen, par exemple, et les pays du Golfe. Dans les premiers, la situation économique souvent très délétère, menace l’accès des populations aux produits de base. Dans les seconds, la capacité rentière permet de pouvoir s’acquitter de factures plus importantes». Le Maroc n’est pas cité et reste dans une position fragile mais plus favorable, gérable selon des experts.

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Concernant l’Afrique subsaharienne, certains pays sont menacés aussi. D’après Pierre Blanc, «là encore, il s’agit de ceux qui sont le plus dépendants mais aussi les plus pauvres. Citons entre autres l’Erythrée, l’Ethiopie, le Libéria, le Soudan, la RDC. Mais la liste est bien plus longue». Le professeur s’interroge d’ailleurs «sur le lien entre le vote de certains pays (que ce soit l’abstention ou l’opposition) à la résolution onusienne contre l’intervention russe et leur dépendance au blé russe. C’est bien sûr plus complexe mais on ne peut pas ne pas y penser».

En Egypte, le prix du pain non subventionné a augmenté de 25 %, voire de 50 %, dans certaines boulangeries depuis la fin de février. Au Mali, le coût de l’huile de cuisson monte en flèche. En Afrique du Sud, le gouvernement réfléchit à instaurer un plafonnement des tarifs de l’essence et à rationner la quantité de carburant vendue aux automobilistes.  Et ce choc ne pouvait pas arriver à un pire moment, se désole le directeur du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), Abebe Aemro Selassie. Deux ans de pandémie ont essoré les ménages et les budgets des Etats. Sur le continent, aujourd’hui, la résilience est très faible».

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Ainsi, «sans se trouver dans le voisinage direct du conflit, l’Afrique risque d’en subir les conséquences plus durement qu’ailleurs, car elle sort de la crise sanitaire plus fragile que d’autres régions du monde, confirme Cécile Valadier, analyste auprès de l’Agence française de développement (AFD). Emmanuel Macron s’est exprimé depuis Bruxelles après un sommet du G7 centré sur la guerre en Ukraine. Il a notamment estimé que le monde est «en train d’entrer dans une crise alimentaire sans précédent». D’autres pays sont, eux, très dépendants pour nourrir leur population de ce qui est aujourd’hui produit en Russie et en Ukraine. «La guerre en Ukraine et les choix qui ont été faits par la Russie, gravissimes et irresponsables, font que des pays comme l’Égypte (…) ont des difficultés à s’approvisionner en blé et plus largement en céréales», a expliqué le chef de l’État Français. Emmanuel Macron a ajouté que la guerre rend «impossible pour le moment de semer comme il se devrait». Une situation qui pourrait donc aggraver la situation alimentaire dans les «12 à 18 mois» selon le Président français. «Cette situation va créer une crise alimentaire, des situations humanitaires gravissimes dans plusieurs pays et à coup sûr des conséquences politiques massives», a-t-il regretté.

Emmanuel Macron demande ainsi un «cessez-le-feu rapide, (…) la levée des restrictions à l’exportation sur les denrées alimentaires (…) et la possibilité laissée de semer». La balle une fois de plus est dans le camp de Poutine.

Patrice Zehr

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