A peine réélu, le Président tchadien Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 30 ans, est décédé des suites de blessures reçues alors qu’il commandait son armée dans des combats contre des rebelles dans le nord, a annoncé un porte-parole de l’armée.
Des ministres et des officiers de haut rang avaient fait savoir le 19 avril que le chef de l’Etat s’était rendu les 17 et 18 avril sur le front opposant son armée à une colonne de rebelles qui avait lancé une offensive à partir de bases arrières en Libye le jour du scrutin, le 11 avril. Les rebelles, que l’armée avait assuré avoir défaits dans les combats, affirmaient dans un communiqué que Idriss Déby avait été blessé, mais l’information n’avait pas été confirmée de source officielle.
«Un conseil militaire de transition [CMT] est mis en place pour assurer la défense de notre cher pays dans cette situation de guerre contre le terrorisme et les forces du mal afin d’assurer la continuité de l’État», a déclaré l’armée. Le CMT assurera le pouvoir durant dix-huit mois, à l’issue desquels de nouvelles institutions seront établies par l’organisation d’élections «libres, démocratiques et transparentes».
Il faut certes rester très prudent sur les conditions exactes de sa mort, on en saura plus au fil des jours.
Ce qui est certain, c’est que les conséquences de cette disparition seront considérables pour le Tchad et pour toute la région du sahel. Le Tchad était un peu la Prusse de la région, avec une armée crédible, une stabilité maintenue par la force et un rôle déterminant aux cotés de la France dans la guerre contre le djihadisme des sables.
La France perd son principal allié dans la région alors même que son engagement au Mali est de plus en plus contesté sur le continent comme à Paris même.
«Le président de la République, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad», a annoncé le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l’antenne de TV Tchad. Quelques minutes plus tard, dans un communiqué lu à l’antenne de la radio nationale ce porte-parole de l’armée a précisé qu’un «conseil militaire a été en mis en place dirigé par son fils, le général Mahamat Idriss Déby Itno». «Le conseil s’est aussitôt réuni et a promulgué la charte de transition», a-t-il ajouté. L’intérim sera donc assuré sous la tutelle de Mahamat Idriss Déby Itno, Général quatre étoiles à 37 ans, commandant de la garde présidentielle et propre fils du Président. C’est grâce à l’armée que ce militaire passé par l’Ecole de guerre en France a assis son pouvoir. Encadrée essentiellement par des officiers de son ethnie zaghawa et commandée par ses proches, elle est considérée comme une des meilleures de la région.
C’est, au final, en tenant bon gré mal gré son pays, entouré d’Etats aussi faillis que la Libye, la Centrafrique ou le Soudan, qu’Idriss Déby apparaît comme l’élément stabilisateur d’une région tourmentée. En 2013, il envoie ses soldats combattre les djihadistes au Mali aux côtés des militaires français des opérations Serval, puis Barkhane. L’armée tchadienne fournit aux Casques bleus de l’ONU au Mali un de leurs principaux contingents et passe pour la plus aguerrie de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad). Mais le pays paye un lourd tribut à la lutte contre les djihadistes. Le groupe nigérian Boko Haram multiplie les attaques meurtrières autour du lac Tchad, contraignant le président Déby à remettre le treillis pour mener lui-même une contre-offensive jusqu’en territoire nigérian en mars-avril 2020.
Au sein du pouvoir, Idriss Déby régnait volontiers par l’«intimidation» et le népotisme, selon ses détracteurs. Il avait placé sa famille ou des proches à des postes-clés de l’armée, de l’appareil d’Etat ou économique, et ne laissait jamais les autres longtemps en place. Dix-sept premiers ministres se sont succédé entre 1991 et 2018, avant que M. Déby ne fasse supprimer cette fonction pour ravir toutes les prérogatives de l’exécutif.
Son régime est régulièrement accusé par les ONG internationales de violer les droits humains. Ce fut le cas notamment dans les années 1990, quand sa Garde républicaine et sa police politique étaient accusées de tuer à grande échelle.
C’est un coup de tonnerre, un événement inattendu au lendemain d’une élection de…. Maréchal. Les réactions vont se multiplier et l’on va observer l’évolution de la situation sur place notamment au regard de cette rébellion venue de Lybie que l’on dit officiellement écrasée mais qui a tué le «Président… à vie» du Tchad, pays capital de la région.
Patrice Zehr