Entretien avec Mouhssine Alaoui M’Hamdi, DG du Laboratoire public d’essais et d’études (LPEE)
«Il faut normaliser l’intervention des laboratoires pour garantir la durabilité des ouvrages et la sécurité des usagers»
Le LPEE est censé garantir la durabilité des ouvrages et la sécurité des usagers. Dans cet entretien, il est question de la qualité de ses prestations, de sa stratégie de développement et de l’état d’avancement des chantiers engagés. Sans perdre de vue les failles montrées du doigt.
Pouvez-vous nous dresser un bilan d’étape en termes de développement des activités de LPEE depuis que vous êtes à sa tête?
De décembre 2012 à aujourd’hui, l’équipe du LPEE a défini une vision pour le développement stratégique de notre société. Cette vision permet de consolider les compétences acquises, de pérenniser les compétences existantes, de développer la veille technologique et d’exceller dans les métiers des laboratoires. Un certain nombre d’actions de mise en œuvre de cette vision ont été d’ores et déjà enclenchées. L’une des plus importantes actions concerne la mise en œuvre pour chaque unité d’un projet qui lui permet de s’inscrire dans la vision. Indépendamment de la définition de cette vision, le LPEE a entamé des actions visant le renforcement de son rôle en tant qu’acteur fondamental dans la normalisation et la réglementation technique. Tout un ensemble d’actions ont été menées par le LPEE pour sensibiliser les différents donneurs d’ordres, tant privés que publics, sur la nécessité de normaliser l’intervention des laboratoires pour garantir la durabilité des ouvrages et la sécurité des usagers.
Pouvez-vous nous parler plus de votre stratégie d’internationalisation et nous dire quels sont les prochains pays cibles ?
Comme vous le savez, le Maroc se doit de prospecter des marchés pour inscrire son économie dans une logique de développement. Pour sa part, le LPEE, conformément aux recommandations de son Conseil d’administration, s’est fixé pour objectif de créer des filiales au niveau de certains pays africains amis. Des pourparlers sont bien engagés pour la création d’une filiale en Guinée Equatoriale. Par ailleurs, il convient d’indiquer que le LPEE est déjà engagé dans des opérations à l’export, principalement dans les pays d’Afrique subsaharienne. Il y a lieu de noter que le Laboratoire réalise environ 8% de son chiffre d’affaires en activité à l’export. D’autres actions sont entreprises avec des laboratoires nationaux et privés de pays africains frères pour consolider nos relations et ce, par des conventions de partenariat et des actions de formation et d’échange.
Où en êtes-vous par rapport aux grands chantiers, comme la ville verte de Benguérir, le TGV, les axes autoroutiers en construction, etc?
En raison de l’importance stratégique, du coût élevé de ces infrastructures et de leur incidence sur la sécurité publique, la qualité dans la construction de ces projets doit être portée à son meilleur niveau. En effet, le LPEE s’appuie depuis toujours sur les normes nationales et internationales pour la réalisation de ses prestations, une expérience de plus d’un demi-siècle dans le suivi et le contrôle des grands projets nationaux et internationaux. Raisons pour lesquelles le LPEE est représenté par 14 laboratoires de chantier au niveau du LGV et 19 laboratoires de chantier au niveau des axes autoroutiers en cours de construction. Donc, le LPEE, fortement présent dans ces projets, a déployé des efforts soutenus dans le processus d’obtention de la qualité et ce, par la maîtrise de ses prestations, depuis le démarrage des travaux jusqu’à leur achèvement et la mise en place d’un système de management qualité basé sur le référentiel ISO 17025 dans les laboratoires de chantier. Sans oublier la mise à disposition au niveau du LGV, par exemple, de six directeurs qualité ayant une grande expérience dans le suivi des travaux pour l’accompagnement et l’assistance technique des clients. En outre, il importe de signaler que l’approche durabilité a été instaurée au niveau de ces projets permettant d’avoir des ouvrages d’art ayant une durée de vie supérieure à 100 ans.
Les nombreux accidents de travail dans les chantiers, la qualité des cahiers des charges, de conformité, etc, autant de failles montrées du doigt…
Pour ce qui est de la qualité des cahiers des charges, le LPEE ne demande pas mieux que de participer avec les donneurs d’ordre à leur rédaction, en particulier la partie relative aux exigences qualité. En effet, il est constaté dans beaucoup de cas que des cahiers des charges font référence à des spécifications dépassées qui posent par ailleurs des problèmes du fait que le matériel d’essai y afférent n’est plus commercialisé. A noter que la logique des contrôles des chantiers pour garantir la sécurité des ouvriers n’entre pas dans le champ des prestations du LPEE.
Certains remettent en question vos activités d’expertise et de contrôle des constructions de bâtiments et de complexes résidentiels. Quel est votre avis?
Le LPEE dispose d’un centre spécialisé dans le domaine d’expertise en bâtiment. Ce centre est fort de son capital humain constitué d’experts de haut niveau, dont la compétence est connue et reconnue. Ces experts ont traité chacun au moins un millier de cas pathologiques de bâtiments. Forts de leur savoir-faire et du matériel dont ils disposent, ils ont diagnostiqué des cas, de la conception au vieillissement, en passant par l’exploitation des bâtiments. Il suffit de dérouler les expertises réalisées par ces experts au niveau du Royaume et à l’étranger pour se rendre compte du degré de maturité de leur compétence. A titre d’exemple et sans être exhaustifs, nous citons: le diagnostic de plus de 20.000 constructions lors du séisme d’Al Hoceima; le diagnostic de milliers de constructions menaçant ruine à travers le pays; les expertises judiciaires telles que l’effondrement du complexe Al Manal à Kénitra, la mosquée Al Bradyaine à Meknès, le bâtiment ROSAMOR… Et ce, sans parler de la confiance que leurs témoignent les pouvoirs publics, les administrations et les professionnels. Enfin et pour rappel, ces experts contribuent activement à l’élaboration de la réglementation, ainsi qu’à la normalisation au niveau national.
Vos moyens matériels et humains sont-ils en mesure de garantir des prestations de qualité?
Le LPEE dispose d’une accréditation de toutes ses unités, ce qui signifie que le matériel et le lieu de travail répondent à des spécifications particulières, que le matériel, en particulier, est évalué par un laboratoire reconnu à l’échelle internationale et que, par ailleurs, les moyens humains sont qualifiés pour pouvoir exécuter les essais. Ceci est complété par des essais inter-laboratoires. En plus des techniciens exécutant les essais, le LPEE dispose d’une compétence d’ingénierie dans l’interprétation des essais qui permet, grâce à son haut niveau, de détecter les anomalies par simple visualisation.
La qualité de vos prestations dépend énormément de vos investissements dans le domaine de la formation continue et le développement des compétences. Qu’en pensez-vous?
Effectivement, cette question, à mon avis, peut traiter à elle seule toute la problématique des laboratoires. En effet, sans investissement dans le domaine de la formation, les laboratoires ne peuvent s’inscrire dans la logique de l’accréditation qui est la garantie de la réalisation de l’essai et surtout de la fiabilité des résultats obtenus.
Le Maroc est situé dans une région à haut risque sismique. Quels efforts déployez-vous dans ce sens?
Oui, certaines régions du Maroc sont situées dans des zones à forte sismicité. Le LPEE, en tant que président de l’Association Marocaine de Génie Parasismique et en coordination avec le ministère de l’Habitat et de la Politique de la Ville, organise plusieurs manifestations pour sensibiliser et informer les professionnels sur les dispositions parasismiques et sur le contenu des codes parasismiques. De même, le LPEE contribue à l’actualisation des différents codes et règlements parasismiques.
Propose recueillis par Mohamed Mounjid