Pour avoir une idée de ce qu’a représenté, pour l’Irak, la destruction de la mosquée Al-Nouri et de son minaret, il faut imaginer Paris sans sa tour Eiffel. Tous deux démolis en juin 2017 à coups d’explosifs par Daech, dans le sillage de sa défaite à Mossoul, la tour penchée était un emblème de la deuxième ville d’Irak.
Fleuron de la très riche civilisation irakienne, le minaret figure sur les billets de 10.000 dinars. La mosquée, à laquelle il est rattaché, avait échappé une première fois aux velléités destructrices de l’organisation terroriste, grâce aux habitants de Mossoul. En 2014, ceux-ci avaient formé une chaîne humaine autour d’elle, empêchant les djihadistes de l’atteindre. D’où le projet de reconstruction mené par l’Unesco et la proposition des Emirats arabes de financer. Une nouvelle saluée par Nada Al-Hassan, chef de l’Unité des Etats Arabes de l’Unesco. «Si l’on ne reconstruit jamais le passé, on peut reconstruire des monuments qui rappellent une mémoire commune, afin que la population connaisse son histoire», souligne-t-elle, citant l’exemple de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale.
Du haut de ses 45 mètres, le minaret a dominé la vieille ville pendant près de neuf cents ans. C’était le seul vestige original de la mosquée érigée par Nur ad-Din, figure de la lutte contre les croisades de la fin du XIIe siècle. «C’était le dernier minaret médiéval d’Irak, un exemple d’architecture hérité des Xe et XIe siècles, très rare dans le monde musulman», décrit Nada Al-Hassan. Les habitants surnommaient l’édifice «al-hadba», le bossu. Les raisons de cette inclinaison restent un mystère, explique Nada Al-Hassan: «On ne sait toujours pas si c’est un défaut de construction». Mais la tour de Pise irakienne a fait naître des mythes autour d’elle. «La croyance populaire veut que, dans la tradition musulmane, quand Mohammed a quitté la Mecque pour Médine, la Mosquée se soit inclinée devant son voyage», précise encore la chef de l’Unité des Etats arabes de l’Unesco.
Patrice Zehr