Ancienne bête noire des Américains que sa milice avait durement combattus après l’invasion de l’Irak en 2003 et grand promoteur d’un nationalisme irakien et d’un chiisme arabe distancié de l’Iran, Moqtada al-Sadr a gagné son pari. L’alliance improbable, «Sayroun», qu’il a formée avec les communistes et d’autres petites formations laïques, est arrivée en tête des élections législatives du 12 mai.
«Le courant sadriste a abandonné depuis des années le discours sectaire. Il a nettoyé ses rangs des faucons de guerre et rejeté les allégeances extérieures en mobilisant dans la protestation populaire contre la corruption gouvernementale et la défaillance des services publics», écrit l’éditorialiste Amer al-Qayssi, sur le site d’information indépendant, Al-Alam Al-jadid.
Le succès de Moqtada al-Sadr est d’autant plus insolent que sa liste a devancé les deux autres qui ont fait campagne sur leur combat victorieux contre l’Etat islamique. Arrivée en deuxième position, «L’Alliance de la conquête» des anciens du Hachd al-Chaabi (en français, la Mobilisation populaire), supplétif de l’armée contre le groupe Etat islamique (EI), est fortement soutenue par l’Iran. Quant au Premier ministre sortant, Haidar al-Abadi, tête de liste de la Coalition de la victoire, arrivée en troisième place, il bénéficiait de l’appui des Occidentaux.
Pour barrer la route au trublion, Téhéran, qui ne supporte pas le rapprochement de Sadr avec l’Arabie saoudite, a dépêché à Bagdad, dès le lendemain des élections, le général Qassem Solimani qui intervient régulièrement dans les affaires politiques et militaires irakiennes, mais toujours dans le plus grand secret. Le puissant patron des Gardiens de la révolution s’active ces derniers jours dans des tractations, en vue de la formation d’un gouvernement de coalition.
Patrice Zehr