Nous nous sommes régulièrement demandé ici si une nouvelle guerre du Golfe, concernant l’Iran, allait avoir lieu. La question, partiellement évacuée par l’accord nucléaire international il y a quelques années, redevient furieusement d’actualité.
Depuis des mois, Trump met la pression, soutenue par Israël et l’Arabie saoudite. Il ne croit pas à la sincérité de l’Iran de renoncer au nucléaire et il réimpose et même augmente les sanctions d’avant l’accord. L’Iran commence à réagir et l’Europe se trouve dans une situation impossible qui souligne sa faiblesse et ses contradictions.
L’annonce par l’Iran de son refus de respecter deux clauses de l’accord international sur le nucléaire a poussé les Etats-Unis à déclencher de nouvelles sanctions. Avec, en filigrane, l’objectif de faire craquer le régime. En effet, plutôt qu’une guerre incertaine, Washington espère toujours une révolution populaire contre le régime provoquée par la crise économique. Washington a donc répliqué par de nouvelles sanctions à l’annonce, par le président iranien Hassan Rohani, que l’Iran ne respecterait plus deux clauses de l’accord nucléaire conclu en 2015 et dont les Etats-Unis se sont retirés, il y a tout juste un an. Téhéran a décidé de cesser d’appliquer «certains» de «ses engagements» pris dans le cadre de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, a indiqué, mercredi 8 mai, le ministère des Affaires étrangères iranien. En clair, l’Iran a décidé de cesser de limiter ses réserves d’eau lourde et d’uranium enrichi comme il s’y était engagé au titre de l’accord international, signé à Vienne et limitant son programme nucléaire. De fait, dans la foulée de cette annonce de suspension, le président Hassan Rohani a donc donné 60 jours aux autres signataires pour tenter de sauver l’accord et de mettre en œuvre leurs promesses de protéger les secteurs bancaire et pétrolier contre les sanctions de Washington. Il a ajouté qu’en l’absence de résultats après 60 jours, Téhéran reviendrait sur d’autres engagements et augmenterait son niveau d’uranium enrichi, plafonné à 3,67% par l’accord de Vienne. Téhéran repasse aux menaces nucléaires pour pousser l’Europe à s’affirmer contre les sanctions américaines qui asphyxient l’Iran. Allemands, Français et Britanniques se contentent d’observer le bras de fer Iran-USA. Les mesures américaines visent les produits métallurgiques exportés jusqu’à présent par la République islamique et qui représentent, selon la Maison Blanche, 10% des exportations du pays. En l’espace de quelques semaines, les Etats-Unis ont multiplié les mesures contre le régime iranien. En inscrivant, tout d’abord en avril, le corps des Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes du département d’Etat; en supprimant, le 2 mai, les dernières dérogations permettant à huit pays, dont la Chine, l’Inde et la Turquie, d’importer du pétrole iranien; puis en décrétant, le lendemain, de nouvelles limitations également unilatérales au programme nucléaire civil de l’Iran, placé sous la surveillance de l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Il y a donc danger à court terme.
Israël a toujours accusé l’Iran, son ennemi juré, de chercher à fabriquer l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément. «Nous ne laisserons pas l’Iran se doter de l’arme nucléaire», a dit Netanyahu lors d’une cérémonie à Jérusalem, à l’occasion de la journée annuelle du souvenir à la mémoire des soldats tués en service et des victimes d’attentats.
Certains mouvements militaires inquiétants ont commencé.
En pleine crise entre le Hamas et le gouvernement israélien à Gaza, le gouvernement américain déploie des forces navales et d’autres matériels de guerre au Moyen-Orient, avec l’objectif, selon l’administration Trump, d’«envoyer un message clair» à l’Iran, comme l’a si bien indiqué John Bolton, conseiller de Trump à la Maison Blanche.
Après s’être retiré de l’accord nucléaire de 2015 et avoir inscrit les Gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes, il va déployer au Moyen-Orient le porte-avions USS Abraham Lincoln, accompagné d’une task force aérienne.
Sommes-nous vraiment à la veille d’un possible conflit ouvert entre Washington et Téhéran?
Comme toujours, l’exercice de prospective est risqué, mais l’Américain Warren Getler s’y risque tout de même pour le quotidien israélien Haaretz: il se fait fort de nous expliquer «comment la guerre entre l’Iran et l’Amérique va commencer», comme si cette «guerre» n’était plus une possibilité, mais bien une évidence.
Et si Getler en est aussi convaincu, c’est qu’il nous décrit deux camps tout aussi isolés et piégés l’un que l’autre: Donald Trump par ses conseillers faucons et virulemment anti-iraniens; et Téhéran qui est écrasé économiquement par les sanctions américaines et n’a plus d’autre moyen d’action que de provoquer l’Occident, avec cette menace de relancer son programme nucléaire.
En fait -et c’est cette fois Anshel Pfeffer, toujours dans Haaretz, qui l’écrit-, l’Iran, en repassant au registre de la menace, tombe exactement dans le piège qui lui est tendu. Mais faut-il lui en vouloir? Qu’on ne s’y trompe pas et qu’on ne réécrive pas non plus l’histoire: ce ne sont pas les Iraniens, mais bien les Américains qui ont piétiné les premiers, il y a un an, l’accord sur le nucléaire iranien. Le retrait partiel évoqué par Hassan Rohani n’est que peu de choses par rapport à celui, tonitruant, de Donald Trump l’an dernier.
Patrice Zehr
Les iraniens ont mis trop de temps à développer un arsenal nucléaire, c’est pour cette raison qu’il risque d’être bombardé. Quand ils seront pris pour cible, la seule façon d’arrêter la sera d’effectuer un test nucléaire grandeur nature.