Le message d’amour et de coopération lancé par le président américain à Ryad, devant les représentants de 50 pays arabo-musulmans, est presque à l’opposé des invectives du candidat Trump islamophobe revendiqué et des 1ères décisions du président élu vis-à-vis de certains pays musulmans assimilés au terrorisme.
On peut donc être circonspect devant ce virage. Trump affirme en finir avec l’amalgame islam et terrorisme islamique. Il a un nouveau partage entre le bien ou le mal et tout le monde peut participer au combat du bien.
«C’est une bataille entre le bien et le mal», a lancé celui qui a été accusé d’alimenter l’islamophobie et qui, au début de sa campagne, avait proposé -à la stupéfaction quasi générale- de fermer purement et simplement l’accès aux Etats-Unis aux musulmans, note le Nouvel Obs.
Un message d’amour et de tolérance qui se voulait fort, pour Le Figaro.
«L’heure de la diplomatie a sonné. ‘‘Je suis venu vous délivrer au nom du peuple américain un message d’amitié, d’espoir et d’amour’’, a déclaré Donald Trump devant le Roi Salman d’Arabie Saoudite et une cinquantaine de chefs d’Etat musulmans rassemblés à Ryad. Sous les plafonds immenses d’un palais dont les dorures ont pu lui sembler familières, Donald Trump a prononcé un discours mesuré, plein de politesses et de compliments, bien loin du ton vindicatif ou provocateur utilisé par le candidat pendant sa campagne à l’égard du royaume wahhabite. ‘‘Nous ne sommes pas ici pour donner des leçons, pour dire à d’autres peuples comment ils doivent vivre, ce qu’ils doivent faire, qui ils doivent être ou comment prier’’, a dit Trump».
Libération apporte des nuances à ce virage peut-être en trompe l’œil.
«Il n’a ni tendu la main aux musulmans, ni défendu les valeurs démocratiques comme son prédécesseur. Au contraire et au contraire aussi de George W. Bush et de la doctrine des néo-conservateurs, il a affirmé plusieurs fois que les Etats-Unis ne chercheraient pas à imposer leur mode de vie aux Etats du Moyen-Orient… du moment qu’ils mettent tout en œuvre pour lutter contre le terrorisme (‘‘je ne suis pas là pour vous sermonner’’). Mais lorsqu’il dit, en s’adressant aux chefs d’Etat présents, ‘‘vous devez mettre dehors les soldats du démon’’, en répétant plusieurs fois ‘‘mettre dehors’’ (cette formule, ‘‘drive the out!’’, faisant irrémédiablement penser à ‘‘vous êtes viré!’’ de son émission de télé-réalité ‘‘The Apprentice’’), on peut lire entre les lignes que Washington donne un chèque en blanc aux régimes autoritaires pour combattre Daech, y compris si cela passe par des mesures de répression contre leur peuple».
Mais pour Le Point, il y a eu des avancées concrètes. «Les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite ont annoncé, dimanche 21 mai, la création d’une structure régionale de lutte contre le financement du terrorisme. Sous l’égide de Washington et Ryad, ce Centre contre le financement du terrorisme (Terrorist Financing Targeting Center, TFTC) réunira au total six pays du Golfe (Koweït, Qatar, Bahrein, Oman, Arabie Saoudite, Emirats arabes unis) et aura pour principale vocation de partager des informations sur les réseaux de financement des groupes comme l’Etat islamique (EI) ou Al-Qaïda, a détaillé le Trésor américain dans un communiqué».
Par rapport à Bush, c’est la fin de l’interventionnisme armé et démocratique dont on a vu les résultats. Par rapport à Obama, c’est la fin de la volonté de se poser comme un exemple aux autres, mais surtout la rupture avec la normalisation iranienne.
Le discours anti iranien de Trump est pour les régimes sunnites le point le plus important de son discours et la fin des ambiguïtés de la Maison Blanche. Une condamnation de Téhéran au lendemain -tout de même- d’élections démocratiques envoyant un signe d’ouverture, même relatif.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a dénoncé, dimanche 21 mai, dans un tweet les «attaques» formulées contre son pays par le président américain, Donald Trump, à Ryad, suggérant que Washington voulait «pomper» l’argent de l’Arabie Saoudite. Il s’agit de la première réaction officielle iranienne, après un discours prononcé dimanche à Ryad par M. Trump qui a accusé l’Iran de «soutenir le terrorisme». «L’Iran, qui vient de tenir de vraies élections, est attaqué par le président des Etats-Unis dans ce bastion de la démocratie et de la modération», a dit M. Zarif, en parlant de l’Arabie Saoudite. «S’agit-il de politique étrangère ou de pomper 480 milliards de dollars» au Roi de l’Arabie Saoudite?, a-t-il poursuivi. Washington et Ryad ont signé, samedi 20 mai, au premier jour de la visite de M. Trump à Ryad, des méga-contrats de plusieurs centaines de milliards de dollars, dont 110 milliards de dollars consacrés à l’achat d’armement américain par l’Arabie Saoudite. Dans un discours devant les représentants d’une cinquantaine de nations musulmanes, le président Trump a appelé dimanche tous les pays à «isoler» l’Iran. «Du Liban à l’Irak, en passant par le Yémen, l’Iran finance, arme et entraîne des terroristes, des milices et d’autres groupes terroristes qui répandent la destruction et le chaos à travers la région», a-t-il dit. Le Roi d’Arabie Saoudite a également lancé une attaque verbale contre l’Iran: «Le régime iranien est le fer de lance du terrorisme depuis l’avènement de la révolution de (l’ayatollah Rouhollah) Khomeiny».
L’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran chiite, deux puissances régionales, s’opposent sur tous les conflits régionaux, notamment sur la Syrie ou le Yémen. Le président iranien Hassan Rohani, un modéré qui a opéré une ouverture envers les Occidentaux et engagé des réformes, a été largement réélu cette semaine.
Mais Trump, à Ryad, a choisi son camp et ce n’est pas celui de la main tendue à l’Iran.
Patrice Zehr