Safia, 54 ans, est mariée et mère de 3 enfants. Cette femme a été victime d’une grande et longue maltraitance conjugale, avant d’être «sauvée». Voici son poignant récit.
«J’ai été victime de violence conjugale et je l’ai toujours tu, pour des raisons justifiées. Je n’avais aucune possibilité de me défaire de cette situation, ni solliciter de l’aide…
Heureusement pour moi, c’est mon bourreau d’ex-époux qui a voulu défaire nos liens. Aussi, ma triste histoire n’est pas restée figée en son état. J’ai eu l’énorme privilège de me marier avec quelqu’un d’autre et ma vie et celle de mes enfants a connu une tout autre tournure.
Pendant 15 ans j’ai été l’épouse d’un barbare qui adorait me faire souffrir. Mais, il est peut être possible que j’étais une victime consentante après tout. Parce que ce n’était pas dans mon intérêt de demander la séparation, voilà tout. Il me semblait que je risquais soit d’en crever sous les coups, soit que nous encourions mes enfants et moi de vivre dans une totale misère. Je n’avais pas de boulot, donc pas de revenu pour assumer la responsabilité de prendre en charge une famille. En plus, il y a quelques temps en arrière, il était difficilement concevable qu’un homme s’acquitte d’une pension alimentaire. En général, il s’arrangeait pour que cela ne soit jamais le cas, toujours avec la bénédiction et l’aide de toute sa famille. La divorcée et ses enfants devenaient de ce fait leurs pires ennemis. C’était une charge dont personne ne voulait. Cela continue de toutes les façons aujourd’hui encore. Sans parler de la remplaçante de la divorcée qui fera tout ce qui sera en son pouvoir pour rendre son mari amnésique de cette tranche de son passé, précisément.
Avec un pareil panorama de mon avenir, seule avec mes enfants, j’avais préféré supporter un époux violent sans aucune notion de moralité ni de compassion. Cet homme s’était toujours imaginé être un bon samaritain parce qu’il m’avait épousée. Ainsi donc, je lui devais obéissance et reconnaissance jusqu’à ma mort. J’ai été purement et simplement séquestrée, sans droit de visite, ni de sortie. Je n’avais pas le droit de rencontrer, ni de parler à mes parents, ni de sortir toute seule. Je n’avais pas le droit de parler, de prendre de décision pour quoique ce soit, pas même pour le choix d’une couleur de vêtement à porter.
Le plus dur ce n’était pas cela, mais plutôt les coups de sauvage que m’assenait mon époux, quand il rentrait chaque soir ivre. J’en recevais aussi le lendemain quand il ne l’était plus. Tout le temps, je ravalais mes larmes en camouflant mes blessures corporelles pour ne pas faire souffrir mes enfants. Des années se sont écoulées ainsi et à maintes reprises j’ai failli ne plus me relever de mes meurtrissures. J’en garde encore des séquelles qui m’handicapent par moments et aussi d’affreuses cicatrices. J’en ai soupé… jusqu’au jour où c’est lui qui a décidé de divorcer.
Il avait une maitresse qui lui avait posé un ultimatum. Apparemment, c’était ou elle ou moi, mais pas les deux. Je ne remercierai jamais assez cette femme de m’avoir débarrassée de ma pourriture de mari. Evidemment, cela ne s’est pas fait facilement. Je n’avais pas été jetée à la rue avec mes enfants. Par contre, pour l’éviter j’avais été obligée, sous la torture et la menace, d’accepter ce qu’il m’offrait. Je me suis donc retrouvée avec une misère pour pension mais au moins je soufflais par rapport à la présence de ce vaurien. Je n’ai pas été non plus ménagée par le regard de travers des gens et par leur attitude désobligeante face à une divorcée. J’encaissais, point barre. Je préférais cela mille fois à un seul jour passé aux côtés de ce maudit époux.
Le changement radical de mon destin allait s’opérer alors que je me croyais perdue, ne sachant plus comment faire face au quotidien. Nous crevions la dalle entre quatre murs mes enfants et moi. Je n’oublierai jamais ce soir où mon petit gars en vacances s’était porté volontaire pour travailler comme aide épicier pour me soutenir. Lui, un gamin haut comme trois pommes, se sentait dans le devoir d’agir comme un homme. Il n’avait pas hérité des gènes de lavette de son père, lui ! J’en avais pleuré les larmes de mon corps. Et dire que c’est grâce à ce négociant que j’ai connu mon actuel époux. Un étranger invité chez la belle famille de son fils qui habitait dans le coin. En attendant que la cérémonie de mariage de son fils soit célébrée, il venait faire quelques courses en prenant plaisir à discuter avec tout le monde. Aussi, il avait rencontré mes enfants jouant dans la rue et une complicité s’était installée entre eux. L’épicier avait bien fait de ne pas tenir sa langue, cette fois-ci, sur le voisinage.
La curiosité de mon actuel époux l’avait poussé à s’interroger sur quel genre de femme j’étais pour avoir subi tant de mal. Mais nous nous sommes croisés par hasard. Le gamin des voisins s’en était pris à mon plus petit et ce n’était pas la première fois. J’en avais marre c’est pourquoi je voulais régler définitivement leur éternelle chamaillerie. Or, l’étranger qui se trouvait sur place était déjà en train de calmer le chahut de tous les gamins qui, apparemment, le connaissaient bien. C’est comme ça que nous avions pu échanger quelques paroles… Du moins, beaucoup de mimiques entrecoupées de mots. Par la suite, lorsqu’il était reparti dans son pays, mes enfants et moi n’avions jamais rompu le contact avec lui. Nous lui parlions tous les jours via internet. Il était veuf et vivait seul. Nous lui apportions ce qui lui manquait, une joyeuse compagnie. Il était revenu nous voir plusieurs fois et après cela, nous avons pris la décision de nous marier.
Ce deuxième homme que j’ai épousé, nous a régalé mes enfants et moi par sa présence, son soutien et son infinie tendresse. Il m’a choyée, respectée tout en s’occupant de mes enfants comme jamais l’avait fait leur vrai père. Il a toujours été très attentif à tout ce qui nous concernait. Il y a autre chose, mon époux qui était athée s’est converti à l’Islam pour m’épouser mais également avec conviction et ce, dès le départ. C’est d’ailleurs lui qui m’avait enseigné ce que je n’avais jamais appris. Aujourd’hui, mes enfants qui sont devenus des adultes sont très attachés à leur père adoptif. Ils l’appellent tous les jours et ne prennent aucune décision sans l’avoir consulté. Ils n’évoquent jamais le passé, pour eux, il n’a jamais existé.»
Mariem Bennani