J’ai plongé les yeux fermés dans une amitié bizarre…

Anis, 27 ans, chef de projet dans un centre d’appel, est célibataire. Une fourberie obsessionnelle, déguisée en amitié, en coûtera à ce jeune homme dont voici le récit.

«Je n’aurais jamais dû me lier d’amitié avec cette inconnue aussi facilement, sans prendre un minimum de précautions. Elle a été un dangereux pot de colle, source de nombreux et graves problèmes. C’est un peu tard de le regretter, le mal est fait. Il reste que j’en ai tiré une bonne leçon.

L’inconnue dont il est question s’est trouvée par hasard sur mon chemin. J’étais installé sur une terrasse de café déserte, au téléphone avec ma fiancée. Elle était en colère contre moi, parce que je lui avais fait faux bond la veille. J’avais préféré la compagnie de mes amis à la sienne. D’habitude, je l’avertissais de mon planning, mais pas cette fois… Il faut dire aussi qu’être obligé de donner des précisions sur toutes mes activités m’insupporte. Pourtant,  je me suis bien vu rendre des comptes à quelqu’un que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam, en l’occurrence «l’amie» tombée du ciel.

Alors que j’enrageais au bout du fil, je fus interrompu par une jeune femme qui me demandait mon briquet. Machinalement, je le lui tendis. Excédé par l’interrogatoire de ma future épouse, je lui raccrochai au nez. Je savais pertinemment  que cela aura des conséquences, mais j’étais saturé en parlote. Peu importe le prix à payer pour mon geste, je préférai mettre un terme à ce conflit de rien du tout. Je m’apprêtais à décamper lorsque ma voisine, l’inconnue, me fit signe. Elle me rendit mon briquet tout en m’abordant. Toute mielleuse, elle me suppliait de jeter un regard sur son téléphone flambant neuf, avouant ne pas savoir s’en servir. En naïf prêt à rendre service, j’avais été hameçonné de cette manière.

N’ayant rien prévu de spécial pour l’heure, j’avais pris plaisir à lui expliquer les fonctionnalités les plus basiques. Pendant cet exercice, je l’avais surprise à bailler discrètement. En d’autres circonstances, je l’aurais très mal pris mais, avec elle, je ne m’en formalisais pas. Ce qui comptait, c’est qu’elle m’avait prouvé avoir bien saisi ce que je lui avais enseigné. Par la suite, notre discussion bifurqua sur autre chose. Oublié le téléphone! Place aux confessions intimes! En réalité, nous en étions à ce qu’elle recherchait depuis le départ.

Cette inconnue en avait gros sur la patate. Elle explosa littéralement, me révélant comment son ex époux la maltraitait, son divorce et les persécutions que ce dernier continuait de lui infliger. J’étais consterné, je n’avais jamais entendu de ma vie pareil récit. C’est pourquoi, à ce moment-là, forcément, un lien amical avec cette personne avait été tissé malgré moi. Avant de nous quitter, par devoir humanitaire, je lui assurais qu’elle pouvait compter sur mon soutien à tout moment. Je ne la connaissais pas, la rassurer ne me coûtait rien. J’ai alors commis la bêtise de lui livrer mon numéro de téléphone, avec mon identité et mon métier sur un plateau d’argent. Je ne sus jamais par ailleurs si son histoire était vraie.

A partir de cet instant, pour cette femme oisive, je devins son passe-temps favori ou son souffre-douleur. J’allais être bombardé, de nuit comme de jour, de messages. Ensuite, cette folle s’était mis en tête de me connaître à fond. Elle avait réussi à me repérer sur les réseaux sociaux. Encore une fois comme un imbécile, par galanterie, je lui en avais permis l’accès. Tel un virus, elle s’était propagée, s’attaquant à tout ce qui me concernait de près ou de loin. On aurait dit un hacker en possession de mon répertoire de contacts et de mes infos perso.  Elle savait tout sur moi, mes amis, ma famille, mes hobbies, etc.

Le plus grave, c’est qu’elle s’était attaquée aussi et de la même manière à ma fiancée. Sur quoi, elle enchaîna avec un scénario diabolique pour nous séparer. Cette femme ne fatiguait pas d’accaparer mon attention, quotidiennement, avec des mots gentils, des débilités, des vidéos drôles et des propositions de sorties. De ma fiancée, elle s’en occupa différemment. Elle lui instilla du venin dans le cerveau par le biais d’une connaissance. La folle racontait des tonnes de mensonges, sur moi, à la rapporteuse qui allait tout déballer à ma future épouse. Les disputes, les crises de jalousie, la méfiance se mirent à germer à foison dans notre couple. A tel point que nous ne nous supportions plus.

J’en étais arrivé à vivre l’enfer avec ma moitié et à décompresser avec la fausse amie qui se félicitait en catimini de la réussite de son plan. Le must du must arriva après une virée très arrosée. J’avais invité l’inconnue muée en «amie» et mes potes à terminer la soirée chez moi. Tous ivres comme des clodos, nous tombâmes dans les bras de Morphée. Sauf que la maudite amie ne dormait que d’un œil. Ce fut une aubaine inespérée, elle se dépêcha d’avertir ma fiancée par le biais de son réseau informateur. Résultat, cette dernière débarqua sans crier gare. Les suites de la scène furent dramatiques pour moi. Après avoir eu droit à un scandale phénoménal, ma fiancée me quittait cette fois pour de bon. Je sombrai dans la dépression. Ce qui permit à la «dingue de moi» de s’incruster bien comme il faut dans ma vie. Il faut dire qu’elle savait comment s’y prendre pour me divertir.

J’avais bel et bien été berné et dominé par la ruse. Je ne pouvais plus bouger d’un millimètre sans avertir cet oiseau de malheur avec qui je n’entretenais aucune relation amoureuse. J’étais son ami pour elle seule, point barre.

Cela dura quelques mois, avant que les aveux de sa complice ne tombent pour me délivrer de ses chaînes. Elle ne pouvait plus s’éterniser, elle savait le danger auquel elle s’exposait. Elle disparut sans laisser de trace. Je ne pouvais pas la retrouver, puisque je ne savais pratiquement rien de cette bonne femme». 

Mariem Bennani

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