L’intelligence d’anticiper

Au soir du 20 mars, tous les Marocains ont poussé un grand «Ouf» ! En réalité, les «Ouf» de soulagement ont commencé à être poussés à la mi-journée, lorsque les marches de Casablanca et de Rabat ont, l’une après l’autre, été clôturées, sans qu’il n’y ait eu le moindre incident à déplorer. Puis les nouvelles des autres villes «à risque» ont continué de tomber, toutes aussi bonnes: pas d’incidents, pas de dérapage, pas de casse, pas d’arrestations…

Petites ou grandes villes, tous les manifestants se sont comportés avec la plus grande responsabilité.

A ce succès, deux raisons essentielles.

 

D’une part, les organisateurs ont veillé, scrupuleusement, à ce que personne ne dénature le caractère de leur marche qu’ils voulaient pacifique (ils l’ont tellement dit et répété). Ils ont fait tout le nécessaire pour cela. Les journalistes du Reporter, sur place, les ont vus accourir pour créer des cordons humains, chaque fois qu’il le fallait, faire rempart de leur corps devant certaines vitrines et devantures de commerce… Ils ont réussi leur pari et c’est tout à leur honneur.

D’autre part, les forces de l’ordre ont adopté un comportement exemplaire, se faisant aussi discrets que possible, n’étant à l’origine, ni ne répondant à aucune provocation. Une attitude irréprochable partout et toute la journée. Et là, c’est le pays qui a réussi son pari !

A la fin de la journée de ce dernier dimanche d’hiver, les Marocains n’avaient que deux mots à la bouche: «Ouf» et «Bravo» !

Les slogans et les banderoles n’avaient pourtant rien de conciliant, ni d’accommodant. Ils étaient même, parfois, inspirés d’un radicalisme dur. Jamais le Maroc n’a connu une telle liberté d’expression…

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Car il faut le reconnaître, les manifestants ne sont pas une masse homogène. Pour schématiser, on peut voir dans la foule plusieurs paliers.

Il y a les Marocains qui viennent s’exprimer sur la place publique parce qu’ils ne supportent plus leur vie de privations qu’aggravent les flagrantes injustices sociales et l’incompétence de ceux qu’ils ont cru choisir pour les représenter. Jusque-là, ils ne pouvaient pas le dire, mais, tout à coup, la conjoncture régionale le leur permet et ils ne se privent pas. Ce qu’ils crient, c’est leur mal vie, leur désespoir. Peut-on reprocher à quelqu’un qui a perdu sa baraque et tout ce qu’elle contient dans les dernières inondations et qui ne voit rien venir après tout un hiver passé sans toit, de venir le crier à l’occasion d’une manifestation ?

Au 2ème palier, il y a ceux qui s’éveillent à la vie politique et qui, à la faveur du vent de révolte arabe, expriment leurs exigences avec toute l’audace et la fougue de leur jeunesse, sans le souci -qu’ils jugent handicapant chez les partis politiques- du politiquement correct. Ce sont les jeunes du mouvement du 20 février et ceux de leur âge qui les ont rejoints.

A un autre palier, on trouve de vieux routiers de la politique, rompus à la récupération des mouvements de contestation quels qu’ils soient pourvu qu’ils leur permettent de remettre leurs revendications en scelle. Leur idéologie est connue. Ils continuent de la défendre même si le monde a cru que la chute du mur de Berlin en a sonné le glas. Ce sont les radicaux de gauche. Les plus souples d’entre eux exigent une monarchie parlementaire où le Roi règnerait mais ne gouvernerait pas.

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Et enfin, au dernier palier, on ne peut faire semblant de l’ignorer, il y a ceux qui veulent en découdre totalement avec le régime. Les islamistes d’Al Adl Walihssane sont de ceux-là et ne cachent pas leurs intentions. Ils attendent cependant que le rapport de force soit en leur faveur.

Il ne faut donc pas croire que parce qu’une telle marche (nationale) a réussi, tout est fini. Ceux qui le pensent font une erreur. Ceux qui ont des revendications ne les ont pas oubliées au soir du 20 mars. Il est donc impératif de prendre les revendications populaires légitimes très au sérieux. Les revendications populaires légitimes sont celles qui ont trait à la justice sociale, à la dignité, à la défense des droits pas seulement politiques, mais aussi économiques et sociaux. Il faut absolument s’attaquer aux racines du mal, c’est-à-dire à la pauvreté, aux injustices, à tout ce qui révolte dans la vie des plus démunis… Il faut le faire alors même que les revendications sont pacifiques. C’est là que réside l’intelligence… Dans le fait d’anticiper. Tout le monde le sait, «gouverner c’est prévoir» !

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