Un mois après avoir pris le contrôle de la ville de Palmyre, en Syrie (le 21 mai dernier), les terroristes de Daech auraient placé des mines et des explosifs dans les ruines de l’antique cité gréco-romaine classée au patrimoine mondial de l’Unesco. L’angoisse est de voir cette ville disparaître. Avec Daech, tout est menacé par le chaos.
Terre de multiples civilisations, des Cananéens aux Ottomans, la Syrie regorgeait de trésors datant des époques romaine, mamelouk et byzantine, avec des mosquées, des églises et des châteaux croisés. Près de 300 sites ont été détruits, endommagés ou pillés par la guerre en Syrie, a déclaré l’ONU en se basant sur des images satellitaires. Daech risque d’effacer de la carte Palmyre. Cette ville antique a été la capitale de la célèbre reine Zenobie qui avait affronté les légions romaines au IIIe siècle de notre ère. Le site a été classé monument national et est maintenant protégé par la Loi nationale sur les Antiquités. Une zone tampon a été établie et proclamée en 2007, mais n’a pas encore été soumise au Comité du patrimoine mondial de l’Unesco.
Depuis 2013, Palmyre figure sur la liste du «patrimoine mondial en péril». Le site porte notamment les stigmates -surtout la chute de piliers et de chapiteaux corinthiens- des combats qui opposèrent entre février et septembre 2013 les rebelles à l’armée syrienne qui prit le dessus. Avant le début du conflit en Syrie en 2011, plus de 150.000 touristes visitaient la ville. La chute de cette ville vieille de plus de 2.000 ans, fait aujourd’hui craindre pour le sort de ses célèbres ruines, l’EI ayant déjà détruit des trésors archéologiques en Irak.
L’OSDH précise
Appelée la «Perle du désert», la cité de Palmyre est située à 210 km au nord-est de Damas et est inscrite par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité. Les jihadistes du groupe Etat islamique ont truffé de mines et d’explosifs la cité antique de Palmyre, a indiqué dimanche 21 juin l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Rappelons que Palmyre est tombée aux mains des jihadistes le 21 mai, faisant craindre pour son inestimable patrimoine archéologique. Mais il n’était pas clair dans l’immédiat si l’intention des jihadistes était de faire sauter le site antique ou bien d’empêcher les forces syriennes d’avancer, a précisé l’OSDH. L’Observatoire rappelle que l’Etat islamique a profité du conflit en Syrie, commencé en mars 2011, pour s’y implanter et contrôle désormais un tiers du pays.
Damas aussi…
Palmyre n’est qu’une étape. L’assaut de plusieurs autres sites de la steppe syrienne est envisageable, dont la ville de Resafa, située au sud-ouest de la ville d’Ar Raqqa et de l’Euphrate. Connue à l’époque romaine comme Sergiopolis, la cité construite par les Assyriens compte notamment le Palais d’Hisham. L’attaque de la capitale Damas n’est pas à écarter. La ville regroupe les plus prestigieux musées et monuments du pays.
Des trésors en péril
Daech a déjà détruit plusieurs sites historiques dans le nord de l’Irak, parmi lesquels Nimrud, Hatra et Mossoul, certains des plus grands trésors archéologiques du pays. Pour mémoire en mars 2001, les talibans au pouvoir en Afghanistan décident de détruire les statues géantes de bouddhas à Bamiyan. Le 26 février 2001, le mollah Mohamad Omar (émir et chef suprême des talibans) avait ordonné par décret à des responsables de l’Emirat islamique d’Afghanistan -nom officiel du régime afghan d’alors-, la destruction de toute la statuaire en Afghanistan, notamment les statues bouddhiques. Le 2 mars au Caire (Egypte), le mufti Sheikh Nasr Farid Wassel demande aux talibans «d’agir avec retenue» et de «peser les opinions des experts sans fanatisme ou précipitation». Le groupe des pays arabes auprès de l’Unesco, comprenant les 22 Etats membres de la Ligue arabe (dont l’Arabie Saoudite et la Ligue arabe) condamne «ces actes sauvages», qualifie l’attitude de Kaboul de «barbare» et exige «une mobilisation internationale autour d’actions concrètes, afin de mettre un terme à cette entreprise sans précédent qui affecte des trésors inestimables du patrimoine universel».
La Convention de La Haye
La Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, adoptée à La Haye (Pays-Bas) en 1954, axée sur la protection du patrimoine culturel, s’applique au patrimoine culturel immobilier ou mobilier, y compris les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, les sites archéologiques, les œuvres d’art, les manuscrits, les livres et autres objets d’intérêt artistique, historique ou archéologique, outre les collections scientifiques de toute nature, sans égard à leur origine ou propriétaire. Les Etats adhérant à la Convention bénéficient de l’engagement mutuel de plus de cent quinze États pour épargner le patrimoine culturel des conséquences des conflits armés possibles en mettant en œuvre des mesures, comme l’adoption de mesures de sauvegarde en temps de paix. Il s’agit de l’établissement d’inventaires, de la planification de mesures d’urgence pour assurer la protection des biens contre les risques d’incendie ou d’écroulement des bâtiments, de la préparation de la mise à l’abri des biens culturels meubles ou la fourniture d’une protection in situ adéquate des dits biens et de la désignation d’autorités compétentes responsables de la sauvegarde des biens culturels…
Bouchra Elkhadir