Le ministre de l’Education nationale et de la formation professionnelle, Rachid Belmokhtar, a créé l’événement en se déclarant fermement opposé à ce que les enseignants du secteur public puissent poursuivre leurs études supérieures pour obtenir un master ou un doctorat.
Sa décision est prise et il s’y tient.
Il l’a dit, au sortir de l’avant-dernier Conseil de gouvernement et répété lors de sa prestation au forum de la MAP, la semaine suivante.
Et cela même si cette décision lui attire les foudres des syndicalistes de l’enseignement et divise la majorité, le groupe parlementaire du PJD menaçant d’exiger une audition du ministre devant la commission parlementaire de l’enseignement si le chef de gouvernement ne fait pas changer d’avis Rachid Belmokhtar (ministre sans appartenance politique).
Certes, le ministre a ses arguments. La principale raison de son refus d’autoriser les enseignants à poursuivre des études supérieures est qu’à ses yeux, les élèves y perdraient.
Toutes les villes du Maroc n’abritent pas une université. Les enseignants qui voudraient s’engager dans un cycle d’études supérieures, parallèlement à l’exercice de leurs fonctions, risqueraient de multiplier les absences -qui plus est prolongées, puisqu’il leur faudrait se rendre dans une autre ville que celle où ils enseignent- et ce, au détriment des cours qu’ils sont chargés d’assurer.
Le ministre laisse aussi entendre que si cette possibilité leur était donnée, les enseignants pourraient se soucier davantage d’améliorer leur situation administrative que de remplir leur mission auprès des enfants. Or, martèle-t-il, c’est le droit des enfants à l’enseignement qu’il faut protéger en priorité.
Mais il se défend d’avoir interdit aux enseignants de poursuivre leurs études. Pour lui, les choses sont claires: ceux qui voudraient entamer des études supérieures n’auraient qu’à prendre une ou deux années de mise en disponibilité.
Un raisonnement qui semble se tenir. Pourquoi alors cette levée de boucliers ?
On pourrait arguer que les syndicalistes sont dans leur rôle en défendant leur paroisse et que le groupe parlementaire du PJD (parti justice et développement, chef de file de la majorité) se positionne déjà par rapport aux prochaines échéances électorales, cherchant à s’attirer les faveurs du corps enseignant…
Pour autant, on ne peut approuver à 100% le raisonnement du ministre et balayer du revers de la main certains droits et certaines valeurs que défendent les enseignants.
Car, en effet, non seulement les lois du pays permettent aux enseignants d’améliorer leur niveau ; non seulement les règles et pratiques internationales les y encouragent même ; mais en plus, il est inconcevable qu’un gouvernement dise non à une volonté de mise à niveau.
Le ministère de tutelle peut revoir la règlementation afin que les enfants ne soient pas lésés ; une règlementation, par exemple, qui obligerait les enseignants à n’accorder à leurs études que leur temps libre. Il peut renforcer le contrôle et organiser des inspections afin qu’il n’y ait pas d’abus. Mais ne laisser à l’enseignant que le choix entre son emploi et ses études est une aberration. Les valeurs de notre siècle imposent des formations et mises à niveau en cours de carrière. Toutes les entreprises et administrations modernes y ont recours, si besoin est. Le tout est de veiller à ce que les tâches et engagements de base ne soient pas sacrifiés. Si les entreprises arrivent à le faire, pourquoi pas l’Etat ?
Un enseignant qui veut avancer dans le savoir doit pouvoir le faire en prenant sur son propre temps. Ce sera son sacrifice. L’Etat, de son côté, doit pouvoir réglementer cela. Ce sera son encouragement. Et tout le monde y gagnera: l’Etat lui-même qui aura de meilleurs éléments ; les enseignants qui se hisseront à un niveau supérieur ; et les élèves qui auront des éducateurs plus instruits.
Enfin, quelqu’un pourrait souffler à l’oreille du ministre qu’il est préférable d’avoir des enseignants qui se mobilisent pour des études que des enseignants qui se mobilisent pour des idéologies extrémistes. Les cas des instituteurs impliqués dans l’extrémisme durant les années soixante et de la dernière cellule de recruteurs de jihadistes, dirigée par un instituteur, démantelée à Fès, devraient le lui rappeler.
Bahia Amrani