“La place du droit hébraïque dans l’ordre juridique marocain” a été sous le feu des projecteurs à l’occasion d’une Rencontre scientifique organisée, samedi à l’Espace “Bayt Dakira” (Maison de la Mémoire), à Essaouira.
Initié conjointement par le Centre d’Etudes et de Recherches sur le Droit Hébraïque au Maroc, la Fondation Konrad Adenauer au Maroc et l’Association Essaouira-Mogador, ce séminaire a été rehaussé par la participation d’un aréopage d’experts, de chercheurs et de professeurs universitaires marocains et étrangers de renom.
Intervenant à l’ouverture de cette Rencontre, le Président-Fondateur du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Droit Hébraïque au Maroc, Abdellah Ouzitane, a indiqué que le temps a aisément conféré à la tradition hébraïque dans le système juridique marocain une suite continue et une véritable identité s’inscrivant dans une utilité réciproque et collective, ajoutant qu’”en menant la réflexion sur l’évolution du système juridique hébraïque, nous rendons hommage à l’expérience humaine, à notre histoire, à notre identité et au temps qui se définit non seulement par l’humanisme séculier mais aussi par un humanisme spirituel s’opposant au repli et au déni”.
Relevant que cette rencontre, qui se veut un signal fort de symboles dans ces temps incertains, s’inscrit dans une continuité engagée s’exprimant à travers la réflexion et l’échange où chacun et chacune apporte une vision du monde, M. Ouzitane, également enseignant à l’université de Bordeaux, a noté qu’Essaouira a contribué efficacement ces dernières années à la valorisation de plusieurs projets universitaires tant sur le plan de la recherche que celui de la formation, estimant que ces dynamiques de coopération scientifique et académique viennent nourrir davantage les priorités nationales en matière d’internationalisation, tout en élargissant les champs d’investigation scientifique à d’autres disciplines.
M. Ouzitane, qui a expliqué que la mise en lumière de la place centrale qu’occupe le Maroc pour la promotion des valeurs de tolérance et de l’esprit d’ouverture, s’avère nécessaire en ces temps actuels, a précisé que le Royaume sera toujours l’espace de liberté, de l’idéal et de la vertu, où la passion de la connaissance et le goût de la liberté sont ancrés dans les mémoires et dans les cœurs, tout en continuant à résister par la culture et par la portée objective de la transmission de ces valeurs et de cette identité plurielle.
Pour sa part, le Représentant Résident de la Konrad Adenauer Siftung (KAS) au Maroc, Steffen Krüger, a indiqué que le dialogue entre les religions mondiales et leurs univers culturels constitue une tâche importante pour l’avenir de la société mondiale, ajoutant que la KAS initie et promeut, depuis des années, ce dialogue à travers l’organisation dans divers pays de conférences et de séminaires en la matière.
Rappelant qu’au Maroc, la tradition juive et sa coexistence avec l’Islam repose sur une longue histoire, puisqu’il s’agit de deux cultures qui sont intimement liées depuis des siècles, M. Krüger a affirmé que “Bayt Dakira” apporte une contribution essentielle au dialogue et au travail d’information mutuels, soulignant que ce haut lieu commémorant la longue histoire à la fois juive et musulmane d’Essaouira, la destinée souvent peu commune des juifs de Mogador et leurs relations, au fil des siècles, avec les populations musulmanes, est unique en son genre au sud de la Méditerranée et en terre d’Islam.
Et le responsable allemand de noter que bien qu’il ait été inauguré seulement cette année par SM le Roi Mohammed VI, “Bayt Dakira”, qui a pour vocation de préserver la mémoire juive marocaine et de favoriser le dialogue des cultures et des religions, jouit déjà d’une réputation considérable à l’échelle mondiale.
Lui emboîtant le pas, le Président-Exécutif du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Droit Hébraïque au Maroc, M. Farid El Bacha, a affirmé la place “singulière” qu’occupe le Droit Hébraïque dans l’ordre juridique marocain, ajoutant que cette singularité lui imprime une originalité qui traduit l’histoire globale du judaïsme marocain et donne du sens à la coexistence et au vivre-ensemble.
Soulignant l’exceptionnelle contribution de grands juristes au patrimoine institutionnel de la justice marocaine, notamment dans l’immédiate période post-protectorat, M. El Bacha, également Doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-Agdal, a mis en relief l’engagement et la continuité dans l’action actuelle des tribunaux marocains, et à leur tête la Cour de Cassation qui veille farouchement à la protection et la perpétuation de cette richesse et de ce patrimoine singuliers.
Citant quelques décisions récentes émanant de la Cour de Cassation entre 2000 et 2015 pour montrer que cette singularité n’est pas que législative et doctrinale mais qu’elle procède de l’ordre normatif marocain dans son ensemble, M. El Bacha a soutenu que ces exemples sont des illustrations particulièrement topiques de cet engagement de la plus haute juridiction du Royaume à protéger et à veiller sur un héritage séculaire, traduisant ainsi une convergence de toutes les composantes du système juridique national.
“De la norme hébraïque ou statut personnel israélite : l’intégration juridique de la communauté juive dans la nation marocaine”, “Interdépendance des droits coutumiers hébraïque et amazigh”, “Identité et dialogue ou comment contrer les réflexes identitaires et le monologue de nos certitudes”, “Droit d’appartenance et identité, Bayt Dakira comme modèle”, “Droits coutumiers et sanctuaires, le culte des saints juifs marocains” et “Le système juridique hébraïque : jusqu’où remonte-t-il dans l’histoire du Maroc ?”, sont autant de thématiques qui ont été abordées au cours de ce séminaire, marqué par la présentation par M. Ahmed Driouch, professeur à l’Université de Rabat-Agdal, de son ouvrage sur David Santillana, acteur, penseur et éminent spécialiste des droits musulman et européen.
LR/MAP