L’Algérie face à ses réalités

bouteflika

L’hospitalisation en France du Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, jeudi 13 novembre dernier, n’a pas pu être tenue secrète. Les médias français, intrigués par l’imposant cordon de sécurité déployé autour de la clinique privée d’Alembert, à Grenoble, se sont appliqués à découvrir l’identité du patient pour lequel a été mise en place cette protection policière et, dès l’information obtenue, ils l’ont tout naturellement livrée.
Bien qu’en Algérie les responsables aient décidé de rester muets sur cette admission de Abdelaziz Bouteflika dans le service de cardiologie et maladies vasculaires de la clinique grenobloise, l’information s’est répandue comme une traînée de poudre…
Et le pays s’est retrouvé face à ces incertitudes qui le taraudent depuis l’accident vasculaire cérébral qui avait obligé le Président algérien à une hospitalisation de près de trois mois en France (hôpital Val-de-Grâce) en 2013. Incertitudes ravivées le long de la campagne (par procuration) du chef de l’Etat pour son 4ème mandat et qu’attise à nouveau son hospitalisation de la semaine dernière à Grenoble, 7 mois après sa réélection.
Aujourd’hui, en Algérie, prévaut une situation politique dominée par le doute ; que n’arrange pas la conjoncture économique, menacée par la chute du prix du pétrole, principal pilier de l’économie algérienne. Ce qui déclenche une nouvelle montée au créneau de l’opposition, mais aussi et surtout, une forte inquiétude des Algériens sur l’avenir proche de leur pays.
D’autant que le rêve d’un Maghreb uni, où complémentarité et solidarité auraient pu faire faire à ses membres l’économie de bien des crises, n’a jamais paru aussi éloigné.

Quelle situation politique ? Quelle situation économique ?

S’adressant au Roi du Maroc, le 15 novembre dernier, lors du Conseil national de son parti (le Mouvement populaire algérien, dont il est le secrétaire général), le ministre algérien du Commerce, Amara Benyounès, lançait -bravache- devant ses militants: «Nous savons que ton pays se bat dans des problèmes énormes et nous sommes disposés à t’aider à les surmonter». Propos repris avec jubilation par la presse algérienne, désormais spécialisée (tous titres confondus) dans les affaires marocaines, si insignifiantes soient-elles.

Que le Maroc se débatte dans «des problèmes énormes», c’est le lot de tous les pays aujourd’hui, la crise mondiale n’ayant épargné aucune économie, a fortiori celles qui ne reposent pas sur une rente pétrolière. Mais que la «générosité» du ministre Benyounès le pousse à proposer une aide au pays voisin pose la question de savoir où en est la situation dans son propre pays ? …Charité bien ordonnée commençant par soi-même.

Hospitalisation du Président et voyants rouges

L’hospitalisation en France du Président Abdelaziz Bouteflika, le 13 novembre dernier, même si elle n’a duré que deux jours et que les autorités algériennes ont gardé un silence absolu à ce sujet, a provoqué un mini séisme en Algérie. Une réplique, devrait-on dire ? Car la santé du Président Bouteflika, âgé de 77 ans et victime d’un AVC qui lui avait valu une hospitalisation de près de trois mois à l’hôpital Val-de-Grâce de Paris, en 2013, est un sujet récurrent, depuis cet accident vasculaire cérébral. Un sujet qui est fortement revenu sur les devants de la scène à l’occasion de l’élection présidentielle, à laquelle Abdelaziz Bouteflika s’est porté candidat, briguant un 4ème mandat, malgré son Etat.
Depuis son retour du Val-de-Grâce, il vit dans une résidence de Zeralda (à 20 kilomètres d’Alger) dont une aile a été aménagée en clinique, entouré de médecins et ne faisant que de rares apparitions publiques, dans un fauteuil roulant.
Qui dirige alors l’Algérie ? C’est la question que posait Ali Benflis, ex-premier ministre et plusieurs fois candidats à la présidentielle, en août dernier, à Boumerdès, parlant de «présidence de la République devenue aléatoirement diffuse, émiettée et dispersée», qui «a cessé d’être identifiable et localisable» et dénonçant: «Des institutions à l’arrêt, une présidence exercée par délégation et un parlement qui n’a plus matière de légiférer en l’absence de conseil des ministres».
Le secret éventé de l’admission du Président Bouteflika au Centre hospitalier mutualiste de Grenoble a remis le sujet sur le tapis. L’opposition a encore une fois fustigé l’actuelle gouvernance de l’Algérie et ce qu’elle considère comme une vacance de pouvoir…
Pour tenter de donner le change –et surtout pour donner «une preuve de vie» à ceux gagnés par le doute suite aux folles rumeurs évoquant son probable décès, Abdelaziz Bouteflika a fait une apparition à la télévision dimanche 16 novembre au soir (quelque 24 heures après son retour de Grenoble). Il a reçu, troquant préalablement son fauteuil roulant médical contre un fauteuil de salon, deux nouveaux ambassadeurs nommés à Alger. Et la vie continue… Les inquiétudes du peuple tant bien que mal calmées par les «gestes» de l’Etat.

SM le Roi incarne la continuité de l’une des plus anciennes dynasties du monde et l’un des visages de la modernité (Macron)

A quel prix, la paix sociale ?

Ces «gestes» de l’Etat se sont multipliés au cours des dernières années. La paix sociale était à ce prix-là.
Ils ont consisté en une batterie de subventions bénéficiant à tous les Algériens. Subvention concernant les carburants et le gaz, bien sûr, puisque ces derniers constituent les principales richesses et sources de revenus du pays. Mais aussi subvention de l’électricité, des céréales, du lait… Appui au logement, aide à la création d’entreprises… Et pour finir, amélioration du pouvoir d’achat par le biais d’augmentations de salaires des fonctionnaires (dont la dernière a eu lieu cette année 2014).
Le coût de ces transferts sociaux est globalement évalué à plus du tiers du PIB algérien et chiffré à quelque 50 milliards de dollars.
C’est le prix de la paix sociale que l’Etat algérien n’a eu aucun mal à payer, jusque-là, compte tenu de la rente pétrolière.
Mais les inquiétudes commencent à pointer avec la baisse du prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux, laquelle entraine automatiquement une baisse des recettes algériennes et met l’économie du pays en danger, sachant que 97% des recettes d’exportation de l’Algérie proviennent des hydrocarbures, ainsi que 60% de ses recettes budgétaires.
Le modèle économique algérien est d’autant plus menacé par la chute du prix des hydrocarbures que les effets de cette chute se font inévitablement sentir sur les principaux indicateurs économiques et financiers du pays.

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Menaces sur l’économie algérienne

Alors que le cours du baril de pétrole n’a cessé d’augmenter durant la décennie 2000, il chute spectaculairement depuis plusieurs mois. Et s’il était aux alentours de 115 dollars en juin dernier, il est, depuis, passé sous la barre symbolique des 100 dollars et se négociait, cette semaine, à 98 dollars.
Cela fait le bonheur des importateurs, bien sûr… Comme le Maroc.
Mais pour un pays comme l’Algérie, dont toute l’économie repose sur les exportations de pétrole et de gaz (4ème exportateur mondial), les signaux d’alarme commencent à tinter. Dans son rapport annuel du 6 août dernier, la banque d’Algérie alertait sur le fait qu’au premier trimestre 2014, la baisse du prix du pétrole avait entraîné un recul de 2,6% des recettes d’exportations. En 2013, cette baisse du prix des hydrocarbures a eu un effet drastique sur l’excédent commercial qui a été quasiment réduit de moitié (-48,5%).
Or, les excédents commerciaux ont permis la constitution de réserves de change de 194 milliards de dollars au 30 juin 2014. Soit l’équivalent de trois années d’importations.
Pour le Fonds monétaire international (FMI) –qui alerte Alger, depuis 2012, sur son modèle économique- les comptes externes de l’Algérie devraient se dégrader plus vite que prévu. Selon le FMI, l’Algérie devrait –dès 2014 et non en 2015, comme initialement prévu- afficher un déficit courant à hauteur de 6,8 milliards de dollars (soit -3% du PIB), avec un volume d’exportations en baisse de 2,3%.
Du coup, le parlement algérien a voté (le 29 octobre dernier) un projet de loi de finances pour 2015 (PLF 2015) dont les prévisions sont encore plus prudentes que celles du FMI.
Le PLF 2015 algérien table sur une hypothèse de croissance de 3,4%, dont 4,2% hors hydrocarbures et une prévision d’inflation de 3%. Alors que le dernier rapport du FMI (World Economic Outlook) établissait la croissance de l’Algérie à 4% en 2015.
La prochaine réunion de l’Opep, prévue le 27 novembre à Vienne, dira si les inquiétudes de l’Algérie seront allégées (dans le cas où l’Opep décide de réduire sa production), ou aggravées (dans le cas contraire, défendu par l’Arabie saoudite).

Faute de Maghreb uni…

Si le ministre algérien du Commerce, Amara Benyounès, voulait faire d’une pierre deux coups et aider le Maroc en même temps que son pays, ce qu’il aurait de mieux à faire, c’est de convaincre son gouvernement de cesser cette guerre qui ne dit pas son nom que mène l’Algérie contre le Maroc depuis 40 ans. Car ce serait deux points de PIB supplémentaires pour l’Algérie comme pour le Maroc, pétrole algérien contre produits agricoles marocains, échanges de compétences contre partage d’expertises et surtout la paix, la solidarité et un front uni qui permettrait de résoudre nombre de problèmes internes, au lieu de la situation affligeante d’aujourd’hui, qui pousse à la haine dans les deux camps.
Mais ce n’est pas ce qu’ira dire le ministre Benyounès à ses supérieurs, s’il veut faire carrière dans son pays… Hélas.

Bahia Amrani

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One comment

  1. Je suis Algérien et partage avec vous 100% de votre analyse surtout pour la dernière partie.
    J espère que ça changera dans le bon sens en nous écartant ces hontes qui sont actuellem1ent au pouvoir

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