L’avis de Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume

Bensouda tresorier general du royaume 2015

Au-delà de l’argent, il y a des clés de réussite !

Pourquoi ce Colloque aujourd’hui et le choix d’une thématique sur «La gouvernance financière des villes au Maroc et en France»?

Cette 9ème édition du Colloque international des finances publiques a pour but de traiter un sujet d’actualité, celui de la gouvernance financière des villes. Comme vous le savez, les finances de l’Etat sont liées aux finances locales.

Quels moyens avec cette volonté politique de régionalisation?

Avec cette volonté politique de régionalisation, de décentralisation, il faut mettre les moyens en face pour assurer un service public de qualité que les citoyens attendent et auquel ils aspirent. Il y a la partie Ressources et la partie Dépenses et il faut les analyser.

Comment ?

Pour les analyser, il faut savoir de quoi nous disposons au niveau d’une ville et expliquer alors à tout le monde que finalement, à ce niveau, il n’y a pas uniquement les ressources propres, c’est-à-dire les objets locaux qui ne sont pas si importants, mais qu’il y a également l’apport de l’Etat -indirect- ou celui des opérateurs, notamment les entreprises publiques. Il y a aussi l’apport fondamental du service privé et de la société civile.

Oui, mais que permet l’analyse globale?

Elle permet de savoir de quoi nous disposons et qui fait quoi. L’objectif, c’est d’abord d’analyser le travail des uns et des autres et de coordonner entre les différents acteurs, notamment sur le plan financier. C’est pour cela que l’approche consolidée dont on a parlé est une consolidation budgétaire qui permet de savoir quelles sont les ressources consolidées, d’un côté et quelles sont les dépenses consolidées, de l’autre. Et puis, elle permet d’organiser le travail des uns et des autres pour éviter toute superposition en termes d’actions publiques, notamment pour les dépenses d’infrastructure, par exemple.

Si une infrastructure est prise en charge par une commune, qu’est-ce qui se passe?

Quand il y a, en même temps, intervention au niveau de l’Etat ou d’un établissement ou entreprise publique, ça va être une autre infrastructure. Mais il y a une coordination temporaire. Il faut que ça soit une mise en œuvre au même moment, pour qu’il n’y ait pas contradiction, j’allais dire sur le plan de la temporalité. Sinon, l’un va construire et l’autre va casser pour passer.
Nous avons ces exemples édifiants dans nos villes où nous avons déjà vu, par exemple, de la voierie qui passe et, juste après, quelqu’un d’autre qui débarque pour creuser et passer un câble électrique ou de connexion internet.

Que faut-il faire?

Il faut organiser. Tout ce travail exige de la programmation. C’est pour cela qu’il y a une sorte d’orchestration. Et c’est pour cela que nous sommes sur la voie de l’amélioration de la gestion des villes. Tous les politiques, les responsables aussi au niveau local, sont très conscients de ces situations. C’est ce qu’a dit d’ailleurs le wali de la région du Grand Casablanca, M. Khalid Safir. Il a même parlé du marketing de la ville, parce que nous sommes en compétition.

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Qu’elle est alors l’idée qui se dégage?

C’est qu’il ne faut pas tomber dans la compétition tout court entre les différentes métropoles… La question qui se pose aujourd’hui sur le plan des finances locales est: faut-il y aller par les incitations, notamment celles fiscales ou budgétaires? Là, il y a un travail à assurer afin que toute l’action au niveau local soit une action qui capitalise sur les expériences antérieures au niveau de l’Etat, notamment en ce qui concerne l’incitation.

Y a-t-il un modèle bien défini dans le domaine de la gouvernance financière des villes?

Vous savez, les modèles sont évolutifs. La manière la plus intelligente à mon sens est d’agir et de s’adapter à son environnement. Si certains instruments et outils ont fait leurs preuves dans d’autres pays, par rapport à la culture, à l’histoire, à la civilisation de ces pays, il se pourrait que ces modèles ne soient pas adaptés.

N’existerait-il pas quelque part une sorte de croisement?

Je dirais qu’il y a, à mon sens, un tronc commun qui puise sa quintessence du management dans le privé. Ce dernier l’a essayé. La consolidation, par exemple, est un outil qui a déjà été utilisé et mis à l’épreuve au niveau du privé. Vous savez, si vous disposez d’une ressource humaine bien formée et de qualité, vous pourrez répondre convenablement à la demande des citoyens.

Le problème des finances des collectivités territoriales est-il un problème de moyens, de gestion ou les deux à la fois?

Je crois que c’est une question d’organisation, de pilotage aussi au niveau local. Les responsables au niveau local en sont d’ailleurs conscients. Ils ont mis en place des administrations locales. Donc, il y a une question d’abord de moyens, de qualification des ressources et de coopération. Et j’insiste sur ce dernier volet du fait que c’est de la vie en société qu’il s’agit. Plus on coopère, plus on avance. Plus on est en conflit, plus il y a des disparités, des contradictions et des frictions qui retardent l’action. Et on n’assure pas les services demandés par les citoyens.

Vous avez évoqué la notion d’innovation. Qu’entendez-vous par là?

Une ville qui n’innove pas et qui n’est pas dans une relation de proximité par rapport à la demande sociale peut se scléroser et être en déphasage par rapport aux besoins de la ville et des citoyens. Il ne faut donc pas répondre à une demande sociale tout en étant à côté de cette demande, parce qu’alors vous ne construisez pas une ville et vous ne la développez pas par rapport aux attentes et aspirations du citoyen.

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Qu’exige une bonne gouvernance financière? Vous avez cité sept actions…

Les sept actions dont j’ai parlé, c’est: d’abord mobiliser les potentiels fiscaux. Ensuite essayer d’organiser la dépense. E t insister sur la coordination. Il faut aussi avoir beaucoup d’humilité, fondamentale dans le comportement humain, parce que s’il y a humilité, il y a forcément coopération. Il y a aussi la question de la capitalisation par rapport à l’expérience au niveau de l’Etat. M. Lotfi Missoum (Directeur de contrôle de l’Audit et de l’Inspection à la Trésorerie générale du Royaume) a rappelé dans son exposé et détaillé la question: «Faut-il faire supporter la dépense par le contribuable ou par l’usager?» Notamment en ce qui concerne l’eau et l’électricité… Donc, l’idée, c’est d’aller vers quelque chose de classique en matière économique. C’est la vérité des prix, pour ne pas tomber dans des questions de compensation qui ont été traitées de manière assez claire par le gouvernement actuel qui a diminué la charge de la compensation en essayant d’indexer les prix à la pompe par rapport au prix international, avec ses variations.

Et pour avoir des finances locales saines?

C’est un peu cette idée de capitalisation sur l’expérience au niveau de l’Etat qu’il va peut-être falloir développer au niveau des villes, afin d’avoir des finances locales saines et ne pas tomber dans les travers qu’ont connus certaines collectivités dans d’autres pays où il y a eu un endettement de ces collectivités qui dépassent leurs capacités de remboursement de leurs dettes.

Comment alors réussir une bonne gouvernance financière de la ville?

Une politique des villes ne vaut que par les résultats qu’elle apporte aux citoyens par des réalisations. Aujourd’hui, on peut saluer les évolutions importantes que connaissent certaines de nos villes, Casablanca et Rabat, par exemple, qui évoluent et dont l’évolution a une incidence sur le développement de l’ensemble du pays.

Comment expliquez-vous qu’au Maroc, l’essentiel des dépenses effectuées au niveau des villes, notamment en matière d’infrastructure, d’éducation, de santé, d’habitat, sont à la charge de l’Etat?

C’est tout à fait normal, parce que nous sommes en train de vivre une évolution. Nous sommes en train depuis longtemps de mettre en place la décentralisation et, aujourd’hui, la régionalisation avancée. Donc, une construction est en train de se faire et, du coup, il y a cette volonté de transfert. D’ailleurs, le législateur a décidé dernièrement d’augmenter les transferts aux collectivités territoriales en passant de 1 à 5% de manière progressive.

Quelle coopération avec la France?

La coopération avec la France est historique. Nous avons toujours eu un travail de partenariat assez fort, avec aussi la Fondation Internationale des Finances publiques (FONDAFIP) dans le sens d’échanges et de partage d’informations et d’expérience; justement, pour capitaliser l’expérience. Parfois aussi, la France et nos partenaires profitent de l’expérience marocaine.

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

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