Malgré une panoplie de réformes d’ordre macroéconomique et structurel, l’attractivité du Maroc est toujours en proie aux incertitudes et le contexte actuel morose ne manquera pas de se compliquer davantage. Pourquoi et comment? Entretien.
En 2013, le Maroc chute à la 97ème place sur 185 en matière de climat des affaires. Quelles sont d’après vous les contraintes et les entraves derrière un tel classement?
Il est vrai que le Maroc a déployé, depuis la fin des années 90, d’énormes efforts ayant œuvré à l’amélioration du climat des affaires. En témoignent la libéralisation et l’ouverture à la concurrence d’un certain nombre de secteurs d’activités autrefois monopolisés par l’Etat, ainsi que la refonte profonde de la législation et l’instauration d’un climat de confiance avec un effort public soutenu de maintien des équilibres économiques et d’amélioration de l’efficacité des institutions. Cependant, des formes de déficit de compétitivité résident encore et toujours et nécessitent une attention particulière. Cela concerne notamment la Recherche et Développement, le capital risques, l’adéquation formation-emploi et surtout l’incapacité de l’université marocaine à jeter les bases d’un partenariat avec le secteur privé en la matière.
Le Maroc déploie bien des efforts pour améliorer son climat des Affaires et, pourtant, il régresse. Peut-on savoir pourquoi?
Cela dénote des contradictions profondes de l’économie nationale qui font que, malgré les avancées réalisées sur le plan macroéconomique en termes de réformes, cela ne se répercute pas nécessairement sur l’attractivité qui dépend, elle, de l’effort de promotion, ainsi que le retard constaté en matière de certaines réformes qui tardent encore à voir le jour, comme la réforme fiscale.
Le diagnostic de Doing Business 2013 sur le climat des affaires au Maroc souligne un manque d’efficacité de l’État. Est-ce une évidence?
C’est une évidence dans la mesure où l’Etat, jusqu’à nos jours, n’a pas démontré qu’il a trouvé les clés d’une réforme fiscale concrète qui permet l’assainissement des finances publiques, la révision des exonérations et des dépenses fiscales, l’amélioration des recettes publiques et surtout de faire de la fiscalité un levier de compétitivité pour l’économie et les entreprises marocaines. Pour ce qui est du coût du travail, il faut dire clairement que l’accord d’augmentation du SMIG, conclu dans le cadre du dialogue social en avril 2011, a sévèrement réduit l’attractivité du Maroc dans la mesure où l’essentiel de l’offre marocaine des plans sectoriels se basait sur le bas coût de la main-d’œuvre (ouvriers et techniciens en particulier).
En général, le coût du travail reste élevé par rapport à des pays concurrents. La solution pertinente n’est pas toujours de le baisser, mais plutôt d’inscrire notre compétitivité dans une logique de la valorisation de la production nationale hors-travail.
La décision politique ne va pas non plus de pair avec une politique efficace de l’emploi, ce qui impacte la création. Que reproche-t-on au juste à cette politique?
Il y a lieu de rappeler que les Assises de l’emploi tenues en septembre 2005 ont donné lieu à une politique volontariste de l’emploi basée sur des mesures incitatives en faveur des entreprises et de l’auto-emploi, autour de trois axes: Mokawalati, Idmaj et Taahil. Le gouvernement actuel s’est contenté d’une simple reconduction, sans présenter d’alternatives, sachant qu’on s’inscrit désormais dans une conjoncture nettement différente de celle qui a vu l’adoption de telles orientations.
Entre autres contraintes, il y a le coût élevé et la rareté des facteurs de production. L’accès au foncier constitue une entrave qui touche particulièrement les entreprises exportatrices. Ceci est-il dû à l’insuffisance ou à l’inadaptation de l’offre?
L’offre foncière est relativement disponible, mais le problème réside dans l’inadaptation des modèles classiques de zones industrielles par rapport aux besoins des investisseurs. Ces zones se sont au fil du temps transformées en zones résidentielles et, dans le meilleur des cas, ne répondaient pas à l’ensemble des besoins en équipement et en accessibilité. La nouvelle génération des zones industrielles appelées Z2I ambitionne d’apporter de véritables solutions à ces problèmes d’installations industrielles, notamment. Cela reste en tout cas insuffisant, compte tenu du déficit d’aménagement du territoire dont souffrent nos villes.
La pression fiscale au Maroc reste plus forte que dans la plupart des autres pays émergents, malgré la mise en place d’un début de réforme fiscale. Réforme dont les entrepreneurs marocains considèrent qu’elle ne va pas suffisamment loin afin d’améliorer la compétitivité de leurs entreprises. Qu’en pensez-vous?
Au-delà des actions paramétriques portant sur l’IR, l’IS et le taux de change, ou même de celles plus globales concernant le climat des affaires, la compétitivité dépend aussi de la capacité des entreprises marocaines à investir dans le capital marque, en Recherche et Développement et en valeur ajoutée. Se limiter à la sous-traitante ou à la compétitivité coût ne constitue toujours pas le bon choix pour se positionner sur le marché mondial; la concurrence se joue désormais sur d’autres terrains.