Pour la première fois, un président en exercice en France renonce à se représenter. Des présidents sortants -de droite- ont été battus, mais aucun n’avait jeté l’éponge.
La première réaction concerne l’homme. Pour lui, cela a été une terrible épreuve qu’il a bien assumée. Quand a-t-il pris cette décision? L’histoire le dira. Certainement au dernier moment. Mais politiquement, c’est bien sur un constat d’échec. Il a été poussé au départ par son propre camp: Macron, Valls et les autres.
La gauche socialiste est en morceaux et va tenter de se reconstruire lors de primaires qui s’annoncent terribles. En quelques jours, exit Sarkozy, Juppé et Hollande. Les Français veulent tourner la page. Mais si Valls est opposé à Fillon, on aura tout de même les Premiers ministres de deux présidents rejetés, comptables d’un bilan. La stratégie de Marine Le Pen est à revoir. Seul Mélenchon peut finalement, comme dirait l’autre, rester droit dans ses bottes.
Après la surprise Fillon, la surprise Hollande, en attendant la suivante. Il y a une sorte d’étrange révolution française que personne n’avait prévue et dont on ne peut dire où elle va aller. La décision de François Hollande de renoncer à briguer sa succession à l’Elysée est un «geste de courage et de lucidité», estime la presse, pour qui cette décision «rebat les cartes» à gauche, en vue de l’élection présidentielle de 2017.
«Respectable. Rares sont les hommes politiques suffisamment lucides pour s’écarter volontairement du pouvoir au nom d’un intérêt plus grand, d’une solidarité nécessaire», relève Laurent Joffrin, dans Libération. «On retiendra l’élégance du geste», ajoute-t-il. Et le «courage», souligne Guillaume Goubert, de La Croix. Pour lui, «en agissant ainsi, François Hollande rehausse la dignité de l’action publique» et «cela inspire le respect».
Pour certains donc, il a au moins réussi sa sortie. Mais il y a, bien sûr, une autre lecture. «Un triste épilogue d’un quinquennat nul et non avenu. Une fois encore, il ne décide rien: il s’incline. Il quitte la scène», s’indigne pour sa part, Alexis Brézet dans Le Figaro». Pour Nicolas Chapuis, dans Le Monde, ce choix «ouvre une grande période d’incertitude à gauche, où le Premier ministre Manuel Valls est pressenti pour prendre la relève». Le Premier ministre «a gagné. Il a forcé François Hollande à admettre qu’une nouvelle candidature serait contraire à l’intérêt de la gauche», analyse Cécile Cornudet, des Echos. Et dès lors, Manuel Valls endosse «aujourd’hui le costume du candidat de recours», pour Hervé Favre, de La Voix du Nord. Il «aura la lourde responsabilité de mener la mission quasi-impossible du rassemblement du PS et de la gauche», rappelle Dominique Garraud, de la Charente Libre.
Si cette annonce est une surprise pour bon nombre d’observateurs français, la presse étrangère, dans son ensemble, a elle aussi fait part de son étonnement à l’issue de cette déclaration. Pour le journal suisse Le Temps, le chef de l’Etat est le président «qui a osé renoncer», qui a «abdiqué» «dignement» et cette décision est «une rupture logique». L’article conclut que «la pratique du pouvoir présidentiel devrait en être durablement changé» après cette annonce. Le quotidien britannique The Independent salue, de son côté, une décision qui va permettre de voir «l’émergence d’un nouveau candidat» à la place de celui qui a «manqué de leadership» et qui a souffert d’une «popularité minée par le chômage». Selon le quotidien espagnol El Pais, le président de la République française a voulu, en renonçant à un second mandat, «ne pas diviser encore davantage la gauche». Alors que la BBC évoque une «surprise», pour le Guardian, «le président de la République le moins populaire depuis la Seconde Guerre mondiale» a semblé «ému» pendant son intervention télévisée. Le New-York Times a eu des mots très durs en rappelant que François Hollande «a eu quelques-unes des pires côtes de popularité pour un président dans l’histoire française moderne».
Alors et maintenant? Valls va y aller, il va passer par la primaire, pas Macron. Certains militent à la gauche de la gauche pour une candidature Taubira. Montebourg croit en ses chances de battre Valls. La gauche, après l’échec reconnu de Hollande et son départ imposé mais digne, est face à sa survie. Elle ne doit se tromper ni de positionnement, ni de candidat et limiter les candidatures cannibales pour avoir une chance, pour le moment encore faible, d’accéder au second tour de la prochaine présidentielle.
Patrice Zehr