(Ph. Soufiane Benkhadra)
A l’approche du mois de Ramadan, la situation financière des ménages marocains, surtout les plus modestes, est soumise à une forte pression. Chaque année, en cette période, il n’est pas rare de voir les prix de plusieurs produits de large consommation monter en flèche.
Pour en avoir le cœur net, Le Reporter s’est rendu, une semaine avant le Ramadan, au célèbre marché de Aïn Chock, à Casablanca. Objectif, relever les prix des légumes, fruits, viandes et autres produits alimentaires largement consommés pendant le Ramadan.
Les prix s’envolent
Dans ce marché de Aïn Chok, la tomate est vendue à 3 DH le kilo et la pomme de terre à 5 DH/kg, alors que l’oignon, la courgette, la carotte, les haricots verts et le chou-fleur valent respectivement 13DH, 7DH, 4DH, 12 DH et 5DH.
Le persil et la coriandre, éléments clé dans la préparation de la soupe marocaine, la Harira, indispensable sur la table du F’tour, sont vendus à partir de 1 DH le bouquet. Les fruits, surtout ceux de production locale, sont cédés par contre à des prix élevés. Ainsi, les variétés de pomme se négocient dans ce marché à compter de 10 DH le kilo, alors que la banane est proposée à un prix variant entre 11 et 13 DH; sans parler des fruits de saison comme la poire et la clémentine pour lesquels il faut compter respectivement 15 DH et 6 DH le kilo.
Les viandes rouges, elles, affichent, pour le moment, des prix au kilo allant de 65 à 75 DH, alors que le poulet vivant est écoulé à 16 DH/kg et la dinde à 55 DH/kg.
Pour ce qui est du poisson, la sardine, aliment indispensable sur la majorité des tables du F’tour de beaucoup de foyers marocains, est proposée à 15 DH le kilo. Quant aux œufs, ils sont vendus à 1 DH l’unité, alors que l’oeuf Beldi est cédé à 2 DH.
Evidemment, ce sont là des prix qui augmenteront certainement pendant le Ramadan, comme le soulignent les présidents des associations de défense des consommateurs que Le Reporter a contactés à cette occa sion.
Le marché de Aïn Chock, comprend aussi un espace dédié aux fruits secs et autres produits nécessaires à la pâtisserie, notamment ces gâteaux typiquement marocains que sont la chebbakia, la m’kharqa, le sellou, etc. Pour ce qui est des prix, c’est une autre paire de manches. En effet, le kilo d’amandes coûte actuellement et en moyenne 90 DH. Les grains de sésame valent, selon la qualité, entre 35 et 80DH/kg. Mais ces prix devraient grimper dès les premiers jours du Ramadan.
Le gouvernement promet, le citoyen doute
Certes, le gouvernement a pris une série de mesures préventives pour contrôler les prix et la disponibilité des biens de consommation, face à la hausse de la demande à l’occasion du mois de jeûne. Côté consommateur, le désarroi et parfois même le désespoir sont présents. Interrogés par Le Reporter, plusieurs consommateurs ont affirmé que le gouvernement ne fait que se baser sur le baromètre des prix des fruits, des légumes et du poisson au niveau des marchés de gros, avant de publier des communiqués dans lesquels il souligne que «le pouvoir d’achat des Marocains est préservé». Les mêmes sources estiment que l’Exécutif est appelé à faire un lien entre les prix affichés au niveau des marchés ordinaires et ceux de gros. Un autre élément vient compliquer davantage la situation financière d’un grand nombre de ménages: l’omniprésence des intermédiaires. Organisés et sachant échapper à tout contrôle, ces derniers profitent de certaines périodes de l’année, comme le Ramadan, l’Aïd Al-Fitr et l’Aïd Al-Adha, pour entrer en jeu et sévir. Il en résulte une augmentation des prix anormale, alors que le revenu des citoyens n’a connu aucune amélioration consistante depuis belle lurette, hormis la promesse de quelques petites mesures, comme l’augmentation des allocations familiales à raison de 100DH/mois pour chaque enfant et l’augmentation des salaires des fonctionnaires, à hauteur de 300DH étalée sur 3 ans, pour les échelles de 1 à 5. L’offre gouvernementale de valoriser les salaires dans la Fonction publique et les collectivités locales est considérée par les syndicats comme décevante et discriminatoire. Ces derniers estiment qu’elle ne rend pas justice à la classe ouvrière qui se sent épuisée par le coût de la vie de plus en plus en hausse.
Chacun s’en sort comme il peut
Quid des diplômés chômeurs qui n’ont aucune source de revenus? Si certains d’entre eux ont fait le choix de poursuivre leur mouvement de protestation devant le siège du Parlement, pour clamer leur droit à l’intégration directe dans la Fonction publique, d’autres voient en le Ramadan une occasion propice pour exercer de petits commerces. Ainsi, par-delà les marchés habituels que compte la région du Grand Casablanca, les rues et les artères de la ville sont d’ordinaire, à cette occasion, prises d’assaut par ces commerçants qui proposent aux clients toutes sortes de gâteaux pour le repas traditionnel du F’tour. Dans des locaux loués pour la circonstance, des femmes préparent et vendent feuilles de pastilla, m’semmen, baghrir, harcha, chebbakia, briwates au miel…
Ramadan revêt une symbolique très importante pour les Marocains. En dépit des difficultés financières qui accompagnent ce mois sacré, tout le monde tente de faire de son mieux pour que cette période se déroule dans la piété, la joie et la bonne humeur.
Mohcine Lourhzal