Entretien avec Ally Coulibaly, ministre de l’Intégration africaine de Côte d’Ivoire
Pour le ministre ivoirien de l’Intégration, la place du Maroc est au sein de sa grande famille africaine. C’est un grand pays, un des fondateurs de l’Union africaine (ex-OUA), qu’on ne peut ignorer.
Interview
Vous avez participé à un séminaire international à Rabat sur la politique migratoire. Quelle valeur ajoutée de cette rencontre pour la politique migratoire marocaine?
Je considère que c’est une bonne initiative que de réfléchir à une nouvelle politique migratoire au Maroc et de dégager une stratégie d’intégration pour les migrants, quelques mois après la décision prise par SM le Roi Mohammed VI de régulariser tous les migrants.
Y a-t-il eu des concertations, un débat intéressant entre les parties prenantes à l’occasion de cette rencontre?
Il y a eu effectivement des concertations très intéressantes dans la mesure où le séminaire a regroupé toutes les parties prenantes. Il y a eu aussi des échanges fort intéressants et des interventions de haut vol.
Quelles ont été les pistes qui se sont dégagées de ces concertations et débats?
Les interventions et les réflexions ont permis de dégager quelques pistes. La première piste, à mon sens, c’est de considérer l’autre, c’est-à-dire l’étranger, comme un être humain. Cela est extrêmement important. La deuxième piste, c’est de tout mettre en œuvre pour que le migrant puisse assurer son plein épanouissement.
Qu’est-ce cela veut dire?
Cela veut dire qu’il puisse avoir accès aux soins, à la santé, à l’éducation, au logement et à tout ce qui contribue au bien-être de l’homme et de la femme migrants.
Comment appréciez-vous la politique royale de l’immigration?
C’est un acte à portée humaniste que SM le Roi Mohammed VI a pris ces derniers temps.
Je pense sincèrement que le Maroc peut donner l’exemple, parce qu’il faut du courage pour pouvoir intégrer l’autre qui vient d’ailleurs et de loin. Il faut aussi arriver, en quelque sorte, à estimer et à accepter que l’autre puisse être une source d’enrichissement. J’ai donc pris plaisir à participer à ce séminaire sur la politique migratoire du Maroc.
Après cette participation, avez-vous eu l’impression que le Maroc s’achemine vers la concrétisation de sa politique migratoire?
A mon avis, oui. J’ai décelé une volonté, un chemin. La volonté politique existe et elle est bien là. Le reste suivra et donc, il y a un processus qui est engagé et qui a besoin d’être encouragé. Il faut un suivi pour aller patiemment, mais sincèrement. Je pense que le Maroc, tel que je le connais et que tout le monde connaît et l’apprécie à sa juste valeur, ne déviera aucunement de cette voie qu’il a choisie.
Quand vous dites intégration et y insistez, qu’est-ce que vous entendez par là?
L’intégration, c’est différent de l’assimilation. C’est le fait de vivre en bonne intelligence, quelle que soit l’origine des personnes. Et donc, je pense qu’il y a une expression qui traduit mieux l’objectif visé, à savoir «le mieux vivre ensemble». Vivre en parfaite harmonie, c’est cela à mon sens l’enjeu essentiel.
Quelle appréciation faites-vous du périple royal dans plusieurs pays africains, dont le vôtre, la Côte d’Ivoire?
C’est un honneur que SM le Roi Mohammed VI a fait à la Côte d’Ivoire. En l’espace d’une année à peine et à deux reprises, SM le Roi y est resté 16 jours au total, tous consacrés uniquement à notre pays. Ce que nous avons constaté, c’est un approfondissement du partenariat entre la Côte d’Ivoire et le Maroc. Il y a eu une nouvelle dynamique et la voie était ouverte par SM Hassan II et le Président Houphouët Boigny. Maintenant, le Président Alassane Ouattara et SM Mohammed VI mettent leurs pas dans ceux de leurs prédécesseurs.
Quel bilan concret de la visite royale en Côte d’Ivoire?
Il y a déjà 26 conventions. Avec celle que nous allons signer dans les prochains mois avec le ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration, de M. Anis Birou, ce sera au total 27 conventions. C’est vraiment fabuleux, ce qui est en train de se passer.
Quel avenir pour les relations Maroc-Côte d’Ivoire et Maroc-Afrique?
Il faut un partenariat Sud-Sud. Nous pouvons ensemble avancer plus vite encore qu’on ne le croit.
Qu’est-ce qui vous rend si optimiste?
Tout simplement parce que nous avons la foi et nous estimons que nous avons une communauté de destin…
… Même si l’Afrique est quelque part divisée et rattrapée par la crise économique mondiale?
Ecoutez, l’Afrique est plurielle. Il y a -Dieu merci!- des régions où il y a la paix et la stabilité. Dans d’autres régions, malheureusement, il persiste des crises doublées de tensions.
Quelle solution pour dépasser cet état des choses?
Nous devrions nous rapprocher justement pour changer la donne et faire en sorte que, partout en Afrique, il ne persiste plus de conflit qui entrave la marche des Africains vers le développement et qu’on parle beaucoup plus de développement économique et de coopération que d’autre chose.
La Côte d’Ivoire a-t-elle réellement pris une initiative pour faire revenir le Maroc, pays fondateur, au sein de l’Union africaine?
C’est une question très politique et je ne veux pas m’engager, pour l’instant. Mais je sais qu’il y a des prémices de quelque chose. Le Maroc ne peut pas être absent de l’Afrique, de ses racines africaines. Sa place est au sein du continent. C’est ce que le périple royal a démontré. Le Maroc est un pays africain important qu’on ne peut ignorer. Voilà ce que je voulais vous dire. Vous pourriez cependant lire entre les lignes…
Interview réalisée par Mohammed Nafaa