Remaniement ministériel, Conseil des ministres, démissions, nominations, réouverture du Parlement pour la session d’octobre au cours de laquelle le Roi prononce un Discours d’orientation…
La sphère politique au Maroc, est en effervescence, en cette rentrée politique. S’agi-t-il d’un nouveau départ ?
Le Discours royal du 30 juillet (à l’occasion de la Fête du Trône) le laissait entendre. Un nouveau départ, en effet, avec une nouvelle vision à définir dans le cadre d’un nouveau modèle de développement.
Le remaniement ministériel n’est pas juste question de petites retouches de mi-mandat. Il s’agit de doter le gouvernement de profils en mesure de lancer et d’accompagner cette nouvelle vision. Objectif: remédier aux insuffisances du modèle actuel, afin de donner un nouvel élan économique au pays, qui permettrait de s’attaquer aux inégalités sociales et disparités territoriales.
Le remaniement ministériel a eu lieu. Le coup d’envoi est donc donné !
Et voici le gouvernement El Othmani II !
23 ministres, dont 9 sans appartenance politique
SM le Roi Mohammed VI a nommé, mercredi 9 octobre 2019, à la salle du Trône au Palais Royal de Rabat, les membres du gouvernement El Othmani II. La nouvelle équipe gouvernementale compte 23 ministres, outre le Chef de gouvernement. Cinq partis politiques forment la nouvelle majorité, après le départ du PPS. Voici la liste des membres du nouveau gouvernement en fonction de leur appartenance politique :
*Parti de la Justice et du Développement (PJD)
Saâd-Eddine El Othmani, chef de gouvernement
Mustapha Ramid, ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme et des Relations avec le Parlement
Abdelkader Amara, ministre de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau
Aziz Rebbah, ministre de l’Energie, des Mines et de l’Environnement
Jamila El Moussali, ministre de la Solidarité, du Développement social, de l’Egalite et de la Famille
Mohamed Amkraz, ministre du Travail et de l’Insertion professionnelle
Nezha El Ouafi, ministre déléguée chargée des Marocains résidant à l’étranger.
*Rassemblement National des Indépendants (RNI)
Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration
Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural, de l’Eau et des Forêts
Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Économie verte et numérique
Nadia Fettah Alaoui, ministre du Tourisme, de l’Artisanat, du Transport aérien et de l’Économie sociale
*Union Socialiste des Forces Populaires (USFP)
Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice
*Union Constitutionnelle (UC)
El Hassan Abyaba, ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, porte-parole du gouvernement
*Mouvement Populaire (MP)
Said Amzazi, ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
Nezha Bouchareb, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville
*Sans Appartenance Politique (SAP)
Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur
Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’Étranger
Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques
Mohamed Hajoui, Secrétaire général du gouvernement
Abdellatif Loudiyi, ministre délégué auprès du Chef du Gouvernement, chargé de l’Administration de la Défense nationale
Noureddine Boutayeb, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur
Mohcine Jazouli, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’Étranger;
Driss Ouaouicha, ministre délégué auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique
Khalid Ait Taleb, ministre de la Santé
ML
Dans ce gouvernement *Des pôles *Des ministères qui changent de mains *Des départs *6 nouvelles têtes *ET la disparition du ministère de la Communication !
Le monde politique sens dessus-dessous
Saâd-Eddine El Othmani, Chef de gouvernement
Ça y est. La naissance du gouvernement El Othmani II a eu lieu. Contrairement à la plupart des remaniements ministériels opérés au Maroc, celui-ci revêt une importance particulière. Qu’est ce qui attend le nouveau gouvernement ?
En effet, le gouvernement El Othmani II est attendu sur plusieurs dossiers pressants. En premier lieu, l’élaboration du nouveau modèle de développement auquel le Souverain a appelé en octobre 2017, à l’occasion de l’ouverture du Parlement. Depuis, SM le Roi Mohammed VI n’a eu cesse de rappeler l’Exécutif à ses obligations vis-à-vis du citoyen. En l’absence d’une réaction énergique de la part du gouvernement El Othmani I, un remaniement ministériel a été annoncé par le Souverain, en juillet 2019, à l’occasion du 20ème anniversaire de la Fête du Trône.
En effet et comme souligné par SM le Roi, les nouvelles priorités du Royaume et les chantiers de réformes dans lesquels le pays est engagé, nécessitent une nouvelle génération de responsables, de nouvelles compétences, aux différents postes et niveaux de responsabilité.
Consultations sur fond de supputations
Au lendemain du Discours royal du 29 juillet 2019, dans lequel le Souverain a officiellement chargé Saâd-Eddine El Othmani de lui présenter, à l’horizon de la rentrée politique 2019, une liste exhaustive de ministrables compétents et capables d’insuffler une nouvelle dynamique et une dose d’efficacité à l’action gouvernementale, El Othmani a entamé les consultations avec ses partenaires politiques. Objectif, présenter une liste de profils qui soient à la hauteur des attentes du Souverain et du citoyen.
Entourées du plus grand secret, ces discussions étaient accompagnées, la plupart du temps, depuis leur démarrage, de supputations souvent saugrenues concernant les personnes les plus susceptibles d’intégrer le gouvernement El Othmani II. D’autres suppositions ont même fait état du rejet, par le Cabinet royal, de la liste des ministrables présentée par Saâd-Eddine El Othmani au Souverain.
La nouvelle équipe reçue par SM le Roi, mercredi 9 octobre, dans l’après-midi, a mis fin à toutes les supputations.
Les partis partent en vrille
Dans ce contexte mouvementé et à deux ans des législatives de 2021, quelques formations politiques ont réuni leurs instances décisionnelles (Bureaux Exécutifs et Comités Centraux). Parmi lesquelles, le Mouvement Populaire (MP) et le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS). S’en sont suivis des affrontements physiques et jouxtes verbales au sein de ces partis.
Le dernier combat en date, a eu lieu au siège du Mouvement populaire, dimanche 6 octobre 2019. Alors que le Conseil national de la jeunesse du MP devait élire ses instances, une rixe a éclaté entre deux courants au sein du parti de l’épi, qui s’accusaient de falsification des listes des candidats. Les forces de l’ordre ont été appelées en renfort pour faire régner l’ordre. Le 4 octobre 2019, la réunion du Comité central du PPS pour entériner la décision de retrait du gouvernement, annoncée le 1er octobre, a été marquée par une échauffourée entre le Secrétaire général du parti et des membres de l’assistance qui accusaient Benabdallah de vouloir rester au gouvernement contre la volonté des camarades au sein du parti. Cependant et avec un score de 235 pour la sortie du gouvernement, 35 contre et 6 abstentions, il aurait été plus judicieux d’éviter d’entacher l’image du PPS aux yeux de ses sympathisants. Aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux, l’information circule à la vitesse du clic.
Le compte est bon pour le gouvernement El Othmani II
Le fait que le PPS ait quitté le gouvernement, ne remet pas en cause la coalition gouvernementale ni son équilibre. En effet, les six partis qui formaient la majorité avant le départ du parti du Livre, cumulaient 241 sièges sur 395 sièges que compte le Parlement (PJD 124 – RNI 40 – MP 25 – USFP 21 – UC 19 – PPS 12). Avec le départ du PPS, soit 12 sièges en moins, la majorité encore acquise (229 sièges). Selon les observateurs de la scène politique nationale, la décision du PPS de quitter le navire gouvernemental est venue confirmer cette absence de cohésion au sein du gouvernement. Dans son communiqué explicatif relatif à son retrait de la majorité, le Parti du progrès et du socialisme a énuméré les raisons qui ont poussé sa direction à prendre cette décision. Parmi lesquelles figure «l’absence de cohésion minimale entre les composantes de la majorité».
A quelles élites doit-on s’attendre?
Dans un contexte marqué par la récurrence des querelles au sein des partis, il est légitime de se demander si ces formations politiques peuvent contribuer réellement à l’éclosion d’une nouvelle élite de dirigeants, capables de prendre les décisions qu’il faut, au moment opportun, conformément aux directives et orientations de SM le Roi Mohammed VI. Aujourd’hui, le changement est devenu une nécessité dictée par les nouveaux défis et les attentes de plus en plus grandes et incessantes exprimées par les citoyens. Dans ce contexte, la nouvelle équipe gouvernementale ne doit pas perdre de temps. Le cabinet El Othmani II est tenu dès les premiers jours après la nomination de ses membres par SM le Roi Mohammed VI, de s’atteler aux tâches urgentes qui l’attendent. La première d’entre elles consiste à mettre la main à la pâte, avec sérieux, motivation et abnégation. L’acte premier du gouvernement est incontestablement la réflexion sur la mise en œuvre du nouveau modèle de développement, outre les chantiers prioritaires dans les domaines social, économique et politique. Le social où le nécessaire dialogue bloque toujours. L’économique, une Loi de Finances préparée entre autres, dans un contexte assez rude, avec une prévision de croissance ne dépassant pas 2,7%. Laquelle loi devra nécessairement faire l’unanimité d’autant plus qu’il faudra la voter le 20 octobre, soit moins d’une quinzaine de jours. Enfin, le politique qui nécessitera un travail collectif et une cohésion que le gouvernement El Othmani I peinait à trouver.
Dans un monde politique sens dessus dessous, un nouveau départ est-il possible? Avec un nouveau gouvernement fait de compétences, l’espoir d’un nouveau Maroc, de nouveaux projets et une nouvelle élite, est ravivé.
Mohcine Lourhzal