Jeudi 28 avril, en fin de matinée, le terrorisme a de nouveau frappé le Maroc. Une bombe actionnée à distance a explosé au 1er étage du café Argana, de la place Jamaa El Fna, à Marrakech. Comme dans tous les attentats du genre, les victimes -16 morts et 21 blessés- n’ont rien vu venir. En une fraction de seconde, leurs corps ont été déchiquetés, leurs familles endeuillées et leurs pays respectifs ulcérés (outre les 3 nationaux parmi les morts, les autres victimes étaient de nationalités différentes, les ressortissants français ayant payé le plus lourd tribut).
Pourquoi cet acte abject atteignant le Maroc dans l’un des symboles les plus lumineux de son tourisme, sa ville rose: Marrakech ? Pourquoi ce multi crime accompli de sang froid et quels en sont les sombres messages ? Pourquoi ce nouveau coup porté au royaume par le terrorisme, au moment même où près d’une centaine de prisonniers, jugés au lendemain des attentats de Casablanca (mai 2003) et dans le cadre de la loi anti-terroriste, retrouvait la liberté bénéficiant d’une grâce royale ? Pourquoi ce timing pour ce nouveau forfait, alors que le pays tout entier est engagé dans un vaste et prometteur chantier de réformes politiques et autres ?
…La perplexité des Marocains n’a d’égales que leur douleur, leur indignation et leur volonté de faire payer les coupables, criminel (s) agissant (s) et éventuel (s) commanditaire (s).
Les tentatives de réponse au «pourquoi» du crime sont nombreuses. Elles ne sont pas toutes saines, ni innocentes. N’est pas saine, par exemple, l’explication qui a aussitôt fait porter la suspicion sur «le Makhzen», ses auteurs étant connus pour leurs réflexes anti-pouvoir qui les empêchent souvent d’avoir une approche rationnelle des faits. De même que lorsque la chabiba islamia s’empresse de publier un communiqué dans lequel elle accuse les «services» marocains (Al Jihaz al moukhabarati) d’être derrière l’attentat, l’on comprend vite qu’il s’agit d’une attaque préventive, procédant de la crainte d’être elle-même désignée coupable.
D’autres tentatives d’explications sont plus mesurées, plus soucieuses de comprendre. Le mode opératoire met sur la piste d’Al Qaïda, mais l’enquête (avec la collaboration de services de pays amis) poursuit son cours et les conclusions en sont attendues avant toute dénonciation.
Cela étant, le «Pourquoi» n’est même plus aussi important que le «Après». Car, la conclusion à laquelle arrivent tous ceux qui essaient d’analyser les tenants et aboutissants de ce nouveau coup du terrorisme, c’est que les auteurs de l’attentat de Marrakech ne doivent pas arriver à casser l’élan du Maroc, en cette conjoncture particulière de «printemps arabe» que le royaume a su si bien gérer.
Les Marocains savent qu’ils ont désormais deux mots d’ordre: mobilisation et vigilance.
Se mobiliser pour réaliser le chantier des réformes, suivant le processus pacifique engagé par le pays (et ce n’est pas le mot «pacifique» qui est le moins important dans la poursuite de cet objectif).
Et redoubler de vigilance pour deux raisons au moins. D’abord, parce que le terrorisme s’est douloureusement rappelé à notre souvenir, au moment où nous le pensions affaibli par les revendications populaires du «printemps arabe», nous indiquant qu’il reste tapi dans l’ombre, prêt à frapper quelle que soit la conjoncture (bonne ou mauvaise).
Ensuite, parce que la mort du célèbre chef de file d’Al Qaïda, Oussama Ben Laden (que l’on commentera une autre fois) n’est pas pour calmer ceux qui se réclament de lui et de la franchise de sa nébuleuse. Chez nous pas plus qu’ailleurs.