Interview exclusive : Fathallah Sijilmassi, Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée
Comment se porte l’Union pour la Méditerranée (UPM)?
C’est une grande question que vous posez-là. L’Union pour la Méditerranée, c’est un long processus qui rassemble 43 Etats membres qui ont décidé en 2008, dans le prolongement du processus de Barcelone, de continuer de travailler pour renforcer le partenariat euro-méditerranéen.
Quel est le plus important à faire maintenant?
Le plus important aujourd’hui, à mon sens, c’est de construire ce partenariat avec pragmatisme, réalisme et avec bien entendu du travail.
Où se situe votre action?
L’action est centrée aujourd’hui sur des thématiques concrètes pour faire en sorte que nous puissions construire des solidarités régionales.
Parfois aussi sous régionales, parce que nous n’avons pas toujours besoin, à 43 membres, du même rythme. Il y aura des géométries variables.
Des résultats?
Le plus important, c’est d’avancer dans la construction de ces solidarités et activités régionales. De ce point de vue, je peux vous dire que l’Union pour la Méditerranée a développé trente projets, d’une valeur de 4,5 milliards d’euros, qui se déploient dans l’ensemble du Sud de la Méditerranée avec le partenariat du Nord et qui incluent un grand nombre d’acteurs de la coopération, que ce soit les gouvernements ou les organisations non gouvernementales.
Quelles parts dans ces projets des secteurs publics et privés?
Je suis heureux de noter que, dans nos projets, 50% sont faits avec des institutions publiques et 50% avec des institutions non publiques, le secteur privé, la société civile, les universités, etc.
Quels sont les obstacles à cette construction?
Je pense que nous sommes tous conscients des obstacles qui sont liés à un certain nombre de problèmes politiques qui existent dans notre région. Il faut en prendre acte.
Mais je crois que ce qui est important, c’est de rester fidèle à un objectif de construction du partenariat euro-méditerranéen. Ensuite, il s’agit de voir comment, en cas de géométrie variable, nous pouvons encourager des Etats à aller de l’avant pour augmenter le taux d’intégration régionale.
Il est certain que les défis sont grands. Comment les relever, du moins en partie?
Vous savez, quand nous voyons aujourd’hui les multiples défis auxquels la région est confrontée, ce qui est frappant, c’est qu’il n’y a pas un seul défi qui puisse être traité par un pays isolément. Les défis sont régionaux.
Qu’en est-il alors des solutions?
Elles doivent être régionales. Je considère que le temps d’accélérer le processus d’intégration régionale est venu.
Je formule le souhait que cette intégration régionale puisse se développer avant tout au Maghreb, considérant l’ensemble des potentiels qui existent dans notre région, pour faire face aux défis. Nous voyons la situation actuelle en Libye, ce que cela génère comme défis supplémentaires, notamment sur le plan sécuritaire.
Quelle appréciation faites-vous du lancement de trois plates-formes de dialogue et de coopération en matière d’énergie, dans le cadre justement de l’UPM?
Ce lancement est exactement l’illustration de la démarche que nous avons évoquée, qui est celle de pouvoir montrer ce que nous pouvons faire dans le domaine de l’énergie et dans d’autres comme l’eau, l’environnement et l’éducation, pour construire des solidarités régionales, des interconnexions, avec la participation de tous les acteurs et faire des coopérations régionales ou sous-régionales.
Dans le domaine de l’énergie?
Dans ce domaine précis, nous avons bien vu que, aussi bien dans le domaine des énergies renouvelables que dans ceux des interconnexions et du gaz, il y a schématiquement trois grands corridors ou couloirs: un corridor occidental maroco-ibérique, un autre central algéro-tuniso-italien et un corridor oriental. Cela renvoie à ce que j’ai dit sur la possibilité et l’intérêt d’avoir parfois des approches sous-régionales pour essayer d’aller plus loin dans des espaces régionaux, mais qui doivent s’insérer dans des visions globales. C’est le point sur lequel j’insiste beaucoup.
Et si on les voyait isolément, sans intégrer, par exemple, la dimension africaine?
Là, on perd la dimension générale qui est le cadre euro-méditerranéen à propos duquel je voudrais dire qu’il ne faut pas s’arrêter uniquement au cadre euro-méditerranéen stricto sensu, mais aussi pouvoir intégrer la dimension africaine. Je crois qu’un pays comme le Maroc est très bien placé pour montrer combien une dynamique lancée peut être un véritable trait d’union entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique.
Interview réalisée par Mohammed Nafaa