Jamal Belahrach, président de la commission Emploi et Relations sociales à la CGEM
Ça bouge, côté fiscal, réformes et décision politique. Oui, mais est-ce dans le bon sens? Sinon, comment expliquer la perte de 3 rangs au classement Doing Business 2013? Ce qu’il y a à faire et comment, avec Jamal Belahrach. Entretien.
Lors de la dernière réunion avec le gouvernement, quels ont été les principaux acquis de la CGEM quant au climat des affaires et de la création d’emplois?
Le principal acquis de cette réunion est un réel engagement de la part du chef de gouvernement à suivre personnellement ces questions d’emploi et de formation. Nous avons senti une empathie toute particulière de créer les conditions de développement de nos entreprises et par conséquent de notre économie. C’est d’ailleurs à cette seule condition que nos opérateurs économiques recouvreront la croissance attendue.
La croissance dans un climat des affaires très contrasté et un contexte très morose. Le Maroc vient d’ailleurs de dégringoler à la 97ème place sur 185. L’attractivité du pays est en régression face à des incertitudes… Quelles sont, selon vous, les entraves à un bon climat des affaires?
De mon point de vue, tant que nous ne dessinons pas une véritable feuille de route en mode task-force pour faire émerger un nouveau modèle de société avec des critères de performance, nous aurons du mal à être à un niveau qui corresponde à nos ambitions. Nous ne méritons pas ce classement. Nous savons tous que nous valons mieux que cela. Le génie marocain existe, mais il est ailleurs en ce moment. En d’autres termes, nous sommes le problème et la solution en même temps.
Le génie est certainement ailleurs, puisque ce que l’économie marocaine gagne en compétitivité, le climat des affaires marocain le perd en attractivité. Pourquoi donc cette inadéquation?
Parce que le temps économique n’est pas le temps politique. Il faut des gestes forts et courageux pour donner des signaux à toute la communauté des affaires qu’elles soient locales ou étrangères. Aujourd’hui, nous sommes en concurrence avec tous les pays et nous devons faire preuve d’humilité et fournir les efforts qu’il faut pour séduire les investisseurs. Tant que nous regardons le Maroc à partir du Maroc, nous resterons immobiles. Il nous faut changer de perspective pour mieux orienter nos véritables enjeux.
N’est-ce pas difficile aujourd’hui, surtout avec un diagnostic de Doing Business sur le climat des affaires au Maroc qui souligne un manque d’efficacité de l’État? L’Etat n’est-il pas aussi opérationnel?
En tout cas, ce n’est pas un scoop! La compétitivité, c’est un coût du travail; c’est la qualité du capital humain et celle du dialogue social. En effet, la CGEM a été innovante lors du dialogue social direct avec les syndicats qui a installé la confiance et permis la signature de pactes sociaux. Pour le coût du travail, nous devons absolument réformer notre fiscalité et le transfert d’une partie des charges patronales et salariales sur la TVA. Cette piste est sérieuse et inéluctable pour réduire ce coût et nous permettre de nous battre avec certains pays. Enfin, le volet formation est un sujet majeur. Et là, on est à la traîne et ce, depuis longtemps.
La décision politique ne va pas non plus de pair avec une politique efficace de l’emploi. Que reproche-t-on à cette politique?
Elle est tout simplement inexistante.
L’insuffisance et l’inadaptation de l’offre seraient-elles la cause principale de cette situation?
J’insiste sur le fait que le moment est venu de faire le tour de tous ces points, car ils sont nombreux et touchent plusieurs aspects. La seule manière est de profiter de ce moment de crise économique pour fédérer l’ensemble des acteurs et dresser cette feuille de route globale avec un plan de déploiement précis. Les acteurs économiques ont besoin de visibilité à court et moyen termes, afin de prévoir leurs activités. C’est tout ce que nous demanderons et rien d’autre.
La pression fiscale au Maroc reste plus forte que dans la plupart des autres pays émergents, malgré la mise en place d’un début de réforme fiscale que les entrepreneurs marocains considèrent insuffisante pour améliorer la compétitivité de leurs entreprises. Jusqu’à quel point cela est-il vrai?
La fiscalité est un moyen et non une fin en soi. Certes, il nous faut une réforme fiscale qui soit innovante, mais également équilibrée et surtout équitable car, je le rappelle, seulement 2% des entreprises paient 80% de l’impôt. En même temps, cette fiscalité doit aussi être utilisée à bon escient parce que plus les citoyens verront la bonne utilisation de leurs impôts plus ils paieront leurs impôts. Cela veut dire que la culture et les comportements doivent changer face à la fiscalité.