Les élections législatives qui se tiennent ce samedi en Algérie ne sont pas plus qu’”une façade démocratique qui ne dupe personne”, souligne le journal belge Le Soir.
Les 24 millions de votants potentiels qui devraient se diriger ce samedi pour choisir 407 députés pour un mandat de 5 ans à l’Assemblée populaire nationale seront-ils réellement au rendez-vous ?
Très peu probable, selon les analystes, au regard du doute, des suspicions, des craintes aussi et surtout, de l’appel de la plupart des forces de l’opposition au boycott de ce rendez-vous électoral qui a suscité peu d’intérêt chez les Algériens, gagnés par la désillusion et frustrés par un changement qui ne se profile pas encore dans les horizons.
Il n’est un secret pour personne, ces élections législatives anticipées ordonnées et voulues par le Président Tebboune et les généraux ont une seule visée : asseoir la légitimité abîmée par l’émergence du mouvement Hirak depuis février 2019 et tourner une fois pour toute la page de la transition politique, en étouffant le Hirak, accentuant la répression et détourner l’attention des Algériens, désabusés, sur leurs vrais problèmes.
Il ne faut pas oublier que l’Algérie demeure depuis la chute de Bouteflika, un pays encore désorienté, incapable de faire sa mutation et de se dégager de l’emprise du régime déchu.
Dans un pays où le Hirak est étouffé mais pas totalement anéanti, la répression est de plus en plus violente et le malaise est quasi général, la carte jouée par le président algérien risque d’être la mauvaise, pouvant transformer le malaise en colère voire en une implosion du régime.
Pour ce scrutin qualifié par de nombreux de « factice », ce n’est pas tant la représentativité qui semble préoccuper les autorités que l’accomplissement du rendez-vous lui-même. Ce processus viserait à enterrer toute perspective politique en dehors de la feuille de route des militaires.
Ces élections, qui se tiennent dans un climat délétère marqué par la persistance des tensions, les arrestations abusives, un verrouillage médiatique et politique, risquent de connaître le même sort que les rendez-vous précédents.
La première épreuve que les autorités algériennes auront à faire face sera certainement celle du risque d’un fort taux d’abstention, qui demeure la première « force » politique en Algérie.
Lors du dernier scrutin présidentiel en 2019, 60 % des Algériens inscrits sur les listes électorales ne s’étaient pas rendus aux urnes.
Il va sans dire que le spectre d’une abstention massive hante ces législatives, qui se présentent comme un test pour le pouvoir qui leur a choisi pour slogan sur mesure « L’aube du changement ». Un changement qui risque de ne pas se produire et de se transformer en cauchemar.
Ce qui corrobore cette thèse c’est l’ambiance particulièrement terne qui a ponctué la campagne électorale, très peu suivie, ne suscitant pas un véritable débat public et où les candidats ont eu toutes les peines du monde de mobiliser une foule récalcitrante et peu encline à avaler la pilule du fait accompli choisie par le régime algérien pour redorer son blason.
Ce qui frappe dans cette campagne, qui s’est terminée dans une sorte d’indifférence, c’est « le manque d’engouement » constaté par les responsables des formations politiques.
Ni les partis traditionnels proches du président ni ceux qui prônent l’élection comme moyen d’ancrer le Hirak n’ont su faire décoller cette campagne qui s’est principalement déroulée sur les réseaux sociaux véhiculant parfois des discours de haine et de division des Algériens.
Tout indique que l’appel des partis de l’opposition au boycott risque d’être fortement suivi, ce qui est susceptible de décrédibiliser ce rendez-vous et de précipiter le pays dans une impasse politique en mettant à nue un régime qui rechigne à se renouveler et à répondre aux attentes de la population dont la confiance dans le système a été perdue depuis des lustres.
D’ailleurs, le Front des forces socialistes (FFS) a décidé de ne pas présenter de listes estimant que « les conditions pour la tenue des élections législatives ne sont pas réunies ».
Le FFS, le plus vieux parti d’opposition dans le pays, a emboîté le pas au Parti des Travailleurs et du Rassemblement pour la culture et la démocratie, ainsi que d’autres formations politiques, qui tous contestent la « feuille de route » du régime qui a organisé ces élections anticipées sans tenir compte des revendications du Hirak. Ce dernier, faut-il rappeler, rejette le scrutin en s’interrogeant sur la légitimité qui auront ces élections si elles sont boycottées.
Pour ce mouvement, « la campagne a été menée par le pouvoir algérien, notamment à travers la télévision d’Etat. Elle s’est déroulée en vase clos. La majorité des candidats se sont déclarés indépendants, c’est à dire sans aucun rayonnement national ».
Au moment où les initiateurs du Hirak et les forces de l’opposition ne cessent de réclamer une rénovation globale de la vie politique algérienne, le pouvoir algérien a préféré la fuite en avant en procédant à des « arrestations arbitraires » ainsi que l’ »intimidation » des manifestants.
Le ministère algérien de l’Intérieur est allé jusqu’à annoncer que les manifestations devraient désormais être déclarées au préalable auprès des autorités – ce qui revient à les interdire.
Sur le terrain, les manifestations sont étouffées dans plusieurs villes et les interpellations se multiplient à l’effet de créer un semblant d’accalmie le jour des élections, un scrutin qui pourrait se traduire par un nouveau fiasco pour le régime de Tebboune.
LR/MAP