Les leçons à tirer des événements qui secouent actuellement le monde arabe sont innombrables. Nous aurons, tous, le temps d’y revenir calmement.
Arrêtons-nous aujourd’hui, sur la démocratie. Le mot est beau, son contenu l’est encore plus.
N’est-ce pas au nom de la démocratie que les peuples se soulèvent contre ceux qui les en privent, versant leur sang s’il le faut pour l’instaurer ou la défendre ?
En Tunisie, n’est-ce pas au nom de la démocratie que le peuple a bouté hors du pays le Président Benali et la famille Trabelsi ?
Et en Egypte, outre la nourriture et le logement, les manifestants ne réclament-ils pas la démocratie «ici et maintenant» et non pas en septembre, quand le mandat de Hosni Moubarak prendra fin (même s’il a promis de ne pas se représenter) ?
Pourtant, la démocratie ne se décrète pas de façon intempestive. Elle se prépare, elle se travaille, elle exige compétence et professionnalisme.
Les observateurs les plus sérieux estiment aujourd’hui que le départ immédiat de Moubarak ne servirait pas forcément la démocratie, parce que les forces vives de l’Egypte ne se sont pas préparées à des élections libres et transparentes qui se dérouleraient sur le champ. Ces forces vives ont besoin de s’organiser pour tenter de conquérir les urnes. D’ici le mois de septembre, elles pourraient le faire. Mais le peuple ne veut plus de Moubarak. Et voilà la démocratie en difficulté… A moins que la transition ne soit assurée par l’armée -ce qui mettrait la démocratie entre parenthèses- jusqu’à ce que la démocratie puisse s’exercer pleinement et librement.
Autre difficulté pour la démocratie égyptienne : est-elle seulement perçue de la même manière par le peuple égyptien et ceux qui, comme les Etats-Unis, le félicitent de son combat pour la démocratie tout en lui souhaitant la démocratie qui les arrange ?
Et si un véritable jeu démocratique portait au pouvoir des ennemis déclarés des Etats-Unis et d’Israël, comme ce fût le cas à Gaza où le peuple palestinien a choisi les islamistes du Hamas ?
C’est bien cette crainte qui confine les Etats-Unis à un équilibrisme dont le monde entier est témoin. En Tunisie, pas de problèmes, le peuple veut chasser Benali, au nom de la démocratie, il peut le faire avec la bénédiction –et même un coup de pouce- de l’oncle Sam. Mais en Egypte, oups… Moubarak était un fidèle allié pendant 30 ans. USA et Israël paniquent à l’idée de perdre cet allié. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a clairement soutenu Moubarak, avant de réaliser qu’il le faisait en vain.
Passées les jubilations qui accompagnent le soulèvement, c’est l’après-soulèvement qui compte. Le traumatisme iranien n’est pas oublié. Un empereur (Pahlavi) avait été chassé, mais c’est un Mollah (Khomeini) qui n’avait pas tardé à le remplacer…
En Egypte, les prochains mois diront ce qu’il en sera de cette démocratie arrachée au prix de tant de morts et de mobilisation. Mais une chose est sûre : la démocratie égyptienne ne sera pas livrée à elle-même.