Incroyable ! Renversant ! La Suisse a organisé un référendum dimanche dernier (11 mars). La question était de savoir si les Suisses acceptaient que leurs congés payés annuels passent de 4 semaines à 6 semaines, soit 2 semaines de plus de congé payé.
L’idée venait d’un syndicat local (Travail.Suisse) qui a cru bon de mettre à profit la croissance forte du pays pour réclamer moins de pression sur les travailleurs helvétiques et, donc, 15 jours de plus de repos rémunéré.
Eh bien, on le croira ou non, mais les électeurs suisses ont rejeté cette proposition… Et pas de justesse. Ce sont pas moins de 67% des votants qui ont dit «Non» à 2 semaines supplémentaires de congé payé !!!
Bien sûr, le patronat a fait campagne contre le projet, arguant du fait qu’il en résulterait un coût pour l’entreprise qui se chiffrerait à 6,5 milliards de dollars. Mais il est bien évident qu’avec une telle majorité des partisans du «Non», ce n’est pas le seul avis du patronat qui aura été déterminant, c’est la mentalité même des Suisses ! Ils sont d’ailleurs coutumiers du fait. En 2002, ils avaient rejeté une mesure proposant la semaine des 36 heures de travail et préféré garder leurs 42 heures (à ce jour en vigueur).
On croit rêver ! Même les Français n’en reviennent pas. Dans leurs reportages-télé, ils ont tendu le micro à de nombreux Suisses, toutes générations confondues. Les explications justifiant le «Non» étaient encore plus édifiantes. «Pourquoi 2 semaines de vacances supplémentaires ? Il faut qu’on travaille. 4 semaines de repos, c’est suffisant !», a lancé un habitant de Genève. Une femme renchérit: «Je ne comprends pas que les Français veuillent toujours plus de vacances ! C’est en travaillant que nous pouvons nous offrir les avantages que nous avons aujourd’hui». Et un Quadra d’ajouter: «On a une forte croissance, oui, mais il faut qu’on travaille pour la garder. Il ne faut pas qu’il nous arrive ce qu’il arrive à tous ces pays européens qui sont en difficulté, comme la Grèce…». Enfin, un jeune d’une vingtaine d’année boucle la boucle: «6 semaines de congé payé ? Ce serait trop !».
Voilà où en sont les Suisses ! Loin… Bien loin des Marocains…
Eux, ont érigé le travail en valeur fondamentale, seule à même de leur assurer les avantages et privilèges dont ils pourraient rêver pour eux-mêmes et pour leur pays.
Nous, nous comptons sur le raccourci, le passe-droit, l’opportunité (au mauvais sens du terme: «Al Fawza»), pour obtenir le meilleur, ne nous souciant absolument pas du fait que ce que nous obtenons soit dû ou indu.
Et c’est ainsi que se sont multipliées ces «spécificités marocaines» débouchant toutes sur des situations de rente, qui dégradent l’image du pays, mais aussi et surtout, obèrent son économie… Les emplois fictifs dans la fonction publique ; les nombreux agréments et licences d’exploitation, parfois bradés, parfois offerts (dans le transport interurbain, le transport des marchandises, les agréments de taxis, les activités portuaires, les visites techniques des véhicules, les carrières de sable, la pêche…). Mais aussi la distribution -ou la cession à un prix dérisoire- de biens immobiliers appartenant à l’Etat, de lots de terrain, ou de terres agricoles…
Dans la mentalité marocaine, les prébendes ne sont pas une honte, mais une bénédiction pour laquelle il faut rendre grâce à Dieu (et à la personne qui les a accordées). Durant toutes ces décennies passées, il était tout à fait «normal» qu’un Marocain veuille accéder à un poste, moins pour y briller par son travail que pour en tirer tous les avantages qu’il offrirait. Nombreux étaient donc les postes de gouverneur, préfet, ambassadeur, président d’établissement public… convoités ! Ce n’est pas non plus pour rien que les fauteuils d’élus communaux, régionaux et parlementaires étaient si âprement disputés. Certains candidats dépensaient des sommes colossales pour être élus et il était de notoriété publique que ce qui comptait à leurs yeux, ce n’était pas la défense des intérêts de leurs électeurs, mais le retour sur investissement qui leur permettrait un enrichissement accéléré.
Non, les Marocains n’ont rien des Suisses. Cela, tout le monde le sait. Ce qu’il reste à savoir, c’est quand changeront-ils ? L’évolution actuelle que connaît le pays et l’intention déclarée du gouvernement PJD de lutter contre la rente et la mauvaise gouvernance, transformeront-ils –positivement- les mentalités ?