Le Liban est secoué par un mouvement de protestation populaire massif, plus important que tout ce que le pays a connu depuis des décennies. Les manifestations ont éclaté après l’annonce par le gouvernement de nouvelles taxes, notamment sur les applications de messagerie instantanée telles que WhatsApp.
Dans un contexte de politique d’austérité et d’une crise socio-économique de plus en plus grave, les travailleurs et plus généralement les classes populaires libanaises manifestent pour affirmer leur ras-le-bol face à une situation qui perdure.
Dans la soirée du 17 octobre 2019, une centaine de militants de la société civile libanaise se sont rassemblés au centre-ville de Beyrouth, bloquant les principales artères de la capitale libanaise. La cible de la contestation est claire: un système politique et économique qui appauvrit le plus grand nombre et enrichit une petite minorité. Le Liban est un pays où 7 milliardaires possèdent 13,3 milliards de dollars, soit dix fois plus que 50 % de la population à revenu modeste. Les 1 % les plus riches au Liban, soit 42.000 personnes, possèdent 58 % de la richesse de l’ensemble de la population. Pour sa part, la classe modeste est exposée aux pénuries d’eau potable et d’électricité, ainsi qu’au chômage et à la hausse des prix. La corruption est endémique et les infrastructures publiques en déliquescence. Voilà les principales raisons qui poussent aujourd’hui les Libanais à descendre dans la rue pour manifester.
Il reste enfin à se pencher sur ce qui fait la particularité du Hirak libanais. Outre son caractère pacifique et civilisé, le mouvement de contestation au Liban connait une forte participation de la gent féminine. Face aux forces de l’ordre, les femmes libanaises sont en effet en première ligne, fortes de la conviction que personne n’oserait jamais s’en prendre à elles. Certaines n’hésitent pas à interpeller la police et l’armée, les exhortant à les soutenir. Comme cette femme voilée dont la vidéo circule sur Twitter. «Vous êtes le peuple! On attend de vous que vous réagissiez! Vous n’avez pas le droit de tirer un obus sur Israël, mais vous avez le droit de lever les armes sur votre peuple ? Je pourrais être ta mère!», lui dit-elle. Le jeune homme reste impassible, visiblement ému, puis il se penche vers elle et lui embrasse la tête. Comme s’il était d’accord, mais ne s’était pas encore résolu à passer du côté de la révolte.
Aujourd’hui, les Libanaises expriment une colère décuplée par la pérennité de lois patriarcales qui bafouent leurs droits. Elles sont très nombreuses à descendre dans la rue. Dans certaines villes, elles sont même majoritaires, comme à Beyrouth et Byblos. Ici, il y a de tout. Jeunes, âgées, voilées, tatouées…Toutes aspirent à un changement radical du système en place. Le changement a bien eu lieu au Liban! Mardi 29 octobre 2019, le premier ministre libanais Saad Hariri annonçait sa démission au 13ème jour d’un soulèvement populaire qui a secoué le pays. «Je me rends au Palais de Baabda pour présenter la démission du gouvernement au président de la République», a déclaré Hariri lors d’une brève allocution télévisée, accueillie par les vivats de la foule qui l’écoutait en direct sur les lieux de rassemblement.
ML