Le manifeste des «Femmes hors la loi», publié sur les réseaux sociaux, au nom des libertés individuelles, a dépassé les 6000 signatures. Face à l’appel au dialogue national sur les libertés personnelles au Maroc, les partis politiques et le tissu associatif commencent à s’inviter au débat.
Des personnalités politiques et de la société civile se sont exprimées, individuellement, à ce sujet, assurant avoir posé le problème de la liberté individuelle bien avant ledit manifeste.
Chacun apporte son point de vue
Dans ce contexte, Moncef Belkhayat, membre du bureau politique du Rassemblement National des Indépendants (RNI), parti de la coalition gouvernementale, a rappelé qu’«en tant que parti politique libéral progressiste, le RNI considère qu’il y a lieu de mettre en place un débat national, notamment au sein des institutions marocaines, mais aussi au sein de la société civile, pour discuter et faire avancer les choses». Belkhayat a précisé que «le RNI a mis en place une commission afin d’instaurer le débat au sein du Parlement sur les lois qui pénalisent l’avortement et les relations sexuelles hors mariage». D’après lui, il est possible de faire évoluer les lois pour les rendre plus libérales, tout en gardant à l’esprit que la société marocaine est conservatrice. L’autre formation politique à s’être mobilisée pour plus de libertés individuelles au Maroc est le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS). Du point de vue de ses membres, le manifeste des «Femmes hors la loi» est un moyen de rendre plus visible l’engagement en faveur d’une société marocaine plus moderne. Le PPS appelle, en outre, à une jurisprudence innovante assurant une synthèse créative et positive entre les fondements de l’universalité des droits humains et certaines spécificités nationales. Le Parti de la Justice et du Développement qui dirige la majorité n’a pas réagi officiellement. Mais sa députée, Amina Maelainine, a appelé à ouvrir un dialogue serein et cadré sur les libertés individuelles. Pour sa part, le député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), Omar Balafrej, a appelé à amender les articles du code pénal qui punissent les relations sexuelles hors- mariage. Il a également réclamé la dépénalisation des relations sexuelles entre adultes consentants qui découle, selon lui, du droit de disposer librement de son corps.
Du côté de la société civile, la présidente du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), Amina Bouayach est sortie de son silence en expliquant que «les libertés individuelles, les droits des femmes et l’égalité des genres, doivent figurer au centre du nouveau modèle de développement». Et Bouayach d’ajouter que le débat sur les libertés individuelles au Maroc, ne date pas d’aujourd’hui, sauf qu’aujourd’hui, on en parle publiquement, du fait que le cadre de ces libertés s’est élargi de façon considérable dans le pays.
Il faut attendre la réouverture du Parlement pour voir si les politiques vont s’intéresser réellement à ces questions…
Mohcine Lourhzal
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Libertés individuelles
Saâd-Eddine El Othmani étouffe tout espoir d’évolution
Le chef de gouvernement et Secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD), Saâd-Eddine El Othmani, a rejeté en bloc les propositions visant la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse et des relations sexuelles consenties.
S’exprimant, dimanche 29 septembre 2019 à Agadir devant les élus et les cadres de son parti, El Othmani a affirmé qu’«une Commission royale s’est déjà penchée sur la question de l’avortement et a donné ses conclusions, donc il n’est nul besoin de rouvrir le débat sur ce sujet».
Lors de ce meeting, le Chef de gouvernement a dénoncé l’instrumentalisation politique des débats sociétaux au Maroc. «Certaines parties instrumentalisent tout débat pour saper les constantes religieuses. Chose que nous n’acceptons pas», a-t-il rétorqué.
Saâd-Eddine El Othmani met ainsi fin aux espoirs des associations féministes et organisations de la société civile, partisanes de la réadaptation de certaines dispositions du Code pénal qui incriminent les relations sexuelles hors-mariage et le recours à l’avortement.