Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, est intraitable sur tout ce qui touche à l’unité de l’Espagne. Au moment où le gouvernement Catalan menace de proclamer son indépendance vis-à-vis de l’Espagne, Madrid menace à son tour de recourir à l’article 155 de la Constitution, pour annuler l’autonomie de cette région.
Dans cet entretien, le politologue, Driss Qassouri, nous explique les tenants et aboutissants de la crise politique sans précédent que vit l’Espagne.
Le gouvernement local menace de proclamer l’indépendance de la Catalogne vis-à-vis de l’Espagne. La communauté internationale voit en cette indépendance une menace réelle à la stabilité du Royaume. Quelle est votre analyse de la crise politique en Espagne?
C’est une crise qui ne date pas d’aujourd’hui. Une partie de la population en Catalogne a toujours penché vers l’indépendance de sa région par rapport au pouvoir central. En ce qui concerne la position de la communauté internationale, par rapport à ce qui se passe actuellement en Espagne, je dirais qu’elle résulte d’un changement au niveau de la politique internationale. Aujourd’hui, le monde fait face à l’insécurité grandissante qui menace un grand nombre de pays. Face à cette situation, les grandes puissances mondiales ne soutiennent plus les visées séparatistes ou celles appelant à l’autodétermination, comme ça a été le cas dans le passé. Dans les années 70, par exemple, les indépendantistes étaient soutenus par la communauté internationale qui voulait renforcer la présence de certaines ethnies et minorités à travers le monde; ce qui n’est plus possible de nos jours.
Si le gouvernement Catalan va jusqu’au bout et proclame malgré tout son indépendance, quels seraient les scénarii possibles, selon-vous?
Il est clair que le gouvernement central à Madrid fera tout son possible, dans le respect des lois espagnoles, pour empêcher l’indépendance de la Catalogne. La Catalogne jouit d’une autonomie et dispose d’un gouvernement indépendant, ce qui n’est pas rien. Cependant, la démocratie exige le respect d’un certain nombre de règles, dans le cadre de la préservation de la stabilité nationale, régionale et mondiale. Ce que je veux dire, c’est que le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, dispose d’une grande marge de manœuvre économique et constitutionnelle, pour obliger les trublions catalans à mettre de l’eau dans leur vin. La Constitution espagnole est claire au sujet de la Catalogne dans son article 155 qui stipule qu’il est possible de suspendre l’autonomie de la Catalogne, si la stabilité et l’unité de l’Espagne et de son peuple sont mises en danger. Je crois qu’au final, Mariano Rajoy usera de tous les moyens légaux pour empêcher que l’Espagne sombre dans la division et les conflits internes.
La communauté internationale s’est globalement prononcée en défaveur de l’indépendance de la Catalogne. Cependant, force est de constater que lorsqu’il s’agit d’avoir une position claire en faveur de la marocanité du Sahara, cette même communauté se montre dubitative. Comment expliquer ce double langage?
Il est clair que la crise politique en Espagne a montré à quel point le double langage est devenu monnaie courante en politique internationale. D’une part, l’indépendance de la Catalogne est décriée par la communauté internationale et, d’autre part, cette même communauté se montre dubitative, dès qu’il s’agit de confirmer la marocanité du Sahara dans le cadre de la défense de l’intégrité territoriale du Royaume. La crise politique en Espagne a au moins permis de jeter la lumière sur ce double jeu inadmissible.
Nombre d’analystes politiques européens expliquent que l’indépendance de la Catalogne aura un effet «boule de neige» sur d’autres Etats à travers le monde. Partagez-vous cette même crainte?
L’indépendance de la Catalogne aura, effectivement, un effet «boule de neige» sur d’autres pays. Ainsi, les appels à l’indépendance iront en se multipliant, ce qui risque de faire sombrer d’autres Etats dans un engrenage d’instabilité. Parmi les 1ers pays qui risquent d’être touchés par les appels à l’indépendance, on peut citer l’Inde, la Malaisie et l’Iraq, entre autres Etats souverains, mais pas seulement… Dans 164 pays à travers le monde, il existe plus de 600 minorités qui n’attendent que l’occasion d’appeler à l’indépendance comme la Catalogne.
Que répondre aux avis qui estiment que la liberté civile et politique fait partie intégrante des droits de l’Homme et que, de ce fait, le peuple catalan a droit à son indépendance?
Les droits de l’Homme exigent le respect de la patrie et de l’emblème national. La Catalogne jouit, certes, d’une autonomie et a un gouvernement autonome. Mais ce n’est pas un prétexte pour réclamer l’indépendance de cette région qui fait partie du territoire espagnol. L’histoire a montré que les visées indépendantistes, lorsqu’elles ne reposent pas sur des bases solides, historiques et surtout légitimes, donnent lieu au chaos le plus total.
Propos recueillis par Mohcine Lourhzal