Lisbonne, Londres, Houston, Manhasset, Genève | Un processus de négociations obstrué, jusqu’à quand ?

Discussions à Lisbonne, entre délégation marocaine conduite par Nasser Bourita et l’Envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara, Horst Köhler,  le 6 mars 2018,  avant le démarrage officiel des Tables Rondes de Genève en décembre de la même année.

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Les négociations demeurent la démarche la plus réaliste pour le règlement pacifique des conflits, encore faut-il que toutes les parties soient animées de cette même volonté, ce qui n’est pas le cas pour le dossier du Sahara.  

Dans sa résolution 2602, adoptée le 29 octobre 2021, le Conseil de sécurité a une nouvelle fois appelé à la reprise des consultations entre les parties prenantes au conflit autour du Sahara (Maroc, Polisario, Algérie, Mauritanie), sous l’égide des Nations-Unies et la supervision du nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara.

En dépit des bonnes intentions du Conseil de sécurité et de l’adhésion sincère du Maroc dans le processus de négociations, il faut bien admettre que ce processus entamé depuis plusieurs années sous la supervision des Nations-Unies, se heurte une nouvelle fois, à l’absence de volonté constructive de la part du régime algérien (principale partie prenante au conflit artificiel autour du Sahara) et de son acolyte le Polisario. En effet, depuis le début dudit processus, le duo algéro-polisarien n’a eu de cesse de multiplier les manœuvres pour faire capoter toute tentative visant à résoudre le dossier du Sahara.

De Lisbonne à Genève, des pourparlers qui n’aboutissent pas

Les premiers pourparlers entre le Maroc et le Polisario remontent au 23 juin 1997 à Lisbonne. S’ensuivront une deuxième rencontre à Londres (19-20 juillet 1997), une troisième à Houston aux Etats-Unis les 29 et 30 août 1997, puis un quatrième round de négociations dans la même métropole relevant de l’Etat du Texas, les 14 et 16 septembre 1997. Lors de cette réunion, James Baker, alors Envoyé personnel de l’ancien SG de l’ONU, Koffi Annan, était parvenu à faire signer un accord entre le Maroc et le Polisario. Appelés «Accords de Houston», ils prévoyaient  la tenue d’un référendum au Sahara en 1998. Cette proposition n’a pas rencontré de succès. Au cœur de la discorde, la question de savoir qui peut être électeur potentiel. D’un côté le Polisario voulait que seules les personnes se trouvant sur les listes du recensement espagnol effectué en 1974 puissent voter. Pour sa part, le Maroc a insisté pour l’inclusion des membres des tribus sahraouies dans cette opération de recensement. Le caractère complexe et délicat du processus d’identification des votants potentiels, ajouté à la volonté délibérée de la partie adverse, d’exclure des composantes importantes des tribus sahraouies de ce processus, ont amené le Conseil de Sécurité des Nations Unies à conclure à l’inapplicabilité de ce plan de règlement.

Tirant les conséquences du constat de blocage qui empêchait le processus de solution au Sahara d’enregistrer des avancées concrètes et palpables, le Conseil de sécurité a recommandé au Secrétaire général de l’ONU (Kofi Annan) d’étudier les moyens de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté de ce différend régional. En application de cette recommandation, l’émissaire du SG de l’ONU pour le Sahara, James Baker, préside une série de réunions dites directes (en réalité, le Maroc ne négociait pas directement avec les séparatistes du Polisario. James Baker menait les négociations en allant de l’un à l’autre). D’abord à Londres (14 mai et 28 juin 2000), puis à Berlin (28 septembre 2000). Lors de ces rencontres, Baker propose ce qu’il qualifie de «3ème voie» pouvant aboutir selon lui à une solution à la question du Sahara. Il s’agissait concrètement, de scinder le Sahara en deux (ce qu’avait proposé l’Algérie). Une première partie serait sous souveraineté marocaine, tandis qu’une deuxième partie reviendrait au Polisario. Pour le Maroc, accepter un tel plan équivaudrait à renoncer à son intégrité territoriale. Malgré cela, le Royaume a continué à faire preuve de bonne foi et d’adhésion au processus politique onusien, dans le cadre de la défense de sa souveraineté sur l’ensemble du territoire national, y compris au Sahara. Par la suite, le Conseil de sécurité a recommandé de «prendre l’avis des parties et, compte tenu des obstacles existants, d’étudier les moyens de parvenir à un règlement rapide, durable et concerté» au conflit sur le Sahara. James Baker présente alors ce qui sera appelé «Plan Baker I» ou «Accord-cadre». Diffusé en 2000, ce plan n’a jamais été présenté officiellement au Conseil de sécurité. Ce plan a offert à la population des régions du Sud l’autonomie sous souveraineté marocaine. A l’exception de la défense et de la politique étrangère, toutes les autres décisions relèveraient de la responsabilité d’un gouvernement local.  Le Maroc a accepté le plan, mais l’Algérie et le Polisario l’ont rejeté. A l’issue de ces étapes, James Baker soumet un nouveau plan de paix connu sous le nom de «Plan Baker II». Dans sa résolution 1495, en date de juillet 2003, le Conseil de Sécurité a subordonné son appui à ce plan à l’accord des parties. En raison de divergences fondamentales entre celles-ci au sujet de ce deuxième plan, la condition posée par le Conseil de sécurité, pour le soutenir, n’était, de ce fait, pas remplie, le rendant, ainsi, caduc. Dans ce contexte, le Conseil a, par sa résolution 1541 du 29 avril 2004, définitivement clarifié la méthode préconisée par la communauté internationale pour le règlement de la question du Sahara. Il ne peut s’agir que d’une solution politique négociée.  Le Conseil a tenu, également, à situer ce différend dans son véritable contexte régional, en demandant aux Etats de la région de coopérer, à cet effet, avec le Secrétaire général et son Envoyé personnel. A la suite de la démission de James Baker en juin 2004, Kofi Annan désigne Alvaro De Soto, pour lui succéder, en lui confiant le mandat de continuer à travailler avec les parties (Maroc-Algérie-Polisario-Mauritanie), en vue de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable, sans y inclure aucune référence au Plan Baker II. Cette décision a généré une radicalisation de la position algérienne qui s’est illustrée, particulièrement, par le refus de coopérer avec De Soto et par la demande insistante de son remplacement. Après le refus de l’Algérie de coopérer, dans ce sens, avec De Soto, le Secrétaire Général de l’ONU désigne, en juillet 2005, Peter Van Walsum comme nouvel Envoyé Personnel pour le Sahara. Il lui confrère alors la mission d’évaluer la situation et rechercher avec les protagonistes au conflit sur le Sahara, le meilleur moyen de sortir de l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations à l’époque (Lettre du SG de l’ONU S/2005/497). A cet égard Van Walsum décline, le 18 janvier 2006, devant le Conseil de Sécurité, sa vision pour une solution au conflit autour du Sahara, appelant toutes les parties à s’engager dans des négociations. Il exhorte également la Communauté internationale à «persuader l’Algérie de participer aux négociations parce qu’elle détient la clé de la solution». Cette approche a été confirmée par le Secrétaire Général de l’ONU dans son rapport d’avril 2006 (S/2006/249).

L’EX-MAE espagnole a payé cher sa mauvaise gestion avec le Maroc

En 2006, le Conseil Royal Consultatif pour les Affaires Sahariennes (CORCAS), propose un plan pour l’autonomie du Sahara et effectue des visites dans un certain nombre de pays pour expliquer et obtenir un soutien pour cette proposition. Le plan est officiellement présenté au Conseil de sécurité en avril 2007. Il reçoit le soutien de plusieurs membres du Conseil, notamment les Etats-Unis et la France. Le 30 avril 2007, le Conseil de sécurité adopte la Résolution 1754. En vertu de cette résolution, le mandat de la Minurso est prolongé de six mois, jusqu’en avril de la même année. Par ailleurs, la résolution exhorte les parties concernées par le conflit autour du Sahara, à négocier de manière directe, sans conditions préalables, dans le but de parvenir à une solution à ce dossier. La première série de pourparlers entre les différentes parties au conflit autour du Sahara se déroule  les 18 et 19 juin 2007 à Manhasset (Banlieue de New-York), au cours de laquelle les parties conviennent de reprendre les pourparlers au point mort depuis plus de sept ans, les 10 et 11 août. Après une autre série de pourparlers non concluants, il a été décidé les 8 et 9 janvier 2008, de la nécessité de passer à une phase de négociations plus intensive. Un cycle supplémentaire de pourparlers a ainsi eu lieu du 18 au 19 mars 2008, mais une fois de plus aucun accord n’a été conclu. Les négociations ont été supervisées par Peter Van Walsum, à l’époque Envoyé personnel du SG de l’ONU, Ban Ki-moon pour le Sahara, toujours à Manhasset dans la banlieue new-yorkaise. D’août 2009 à mai 2012, le Maroc a participé avec l’Algérie, le Polisario et la Mauritanie à 9 autres réunions et pourparlers informels. Le Royaume y a présenté des idées concrètes pour accélérer le rythme de la négociation sur le Sahara, toujours dans le cadre de l’initiative d’autonomie des Provinces du Sud sous souveraineté marocaine. Mais face à la partialité de Christopher Ross, alors émissaire du SG de l’ONU pour le Sahara, le Maroc retire sa confiance à ce dernier. Depuis, les pourparlers autour du Sahara sont restés au point mort jusqu’en 2018, date à laquelle le successeur de Christopher Ross a été chargé par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, de superviser le processus des pourparlers autour du Sahara. Au terme de trois rounds de Tables Rondes (Genève I, II, III), Horst Köhler jette l’éponge en mai 2019. Dès lors, les pourparlers pour le règlement du conflit du Sahara, se sont retrouvés une nouvelle fois dans l’impasse.

Détournement des aides humanitaires | Le CDH interpellé sur la responsabilité et la cupidité du régime algérien

Le 6 octobre 2021, Staffan De Mistura est nommé en tant qu’envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara. Le nouvel émissaire onusien n’aura pas la tâche facile et devra s’armer de patience et faire preuve de diplomatie pour espérer réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, à savoir trouver une issue définitive au dossier du Sahara.

A suivre…. ! 

Mohcine Lourhzal

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