Ma coûteuse expérience

Marouane, 38 ans, ex-directeur d’entreprise, se retrouve au chômage et sans rien, après une brillante carrière. Il raconte ce qui lui a valu ses déboires actuels et se demande s’il faut ou ne faut pas saisir sa chance quand on croit qu’elle se présente.

«J’avais un boulot, de la valeur sur le marché de l’emploi. Aujourd’hui, à cause de mon ambition, je suis ruiné et plus aucun employeur ne veut de mes compétences. Maintenant, désœuvré, l’âme en loques, je passe mon temps à ressasser le passé. Défilent dans ma mémoire les souvenirs de mon entrée dans le monde du travail. C’était il y a quelques années, avec un bac plus 5, j’avais débuté dans une entreprise prestataire de services qui m’avait recruté en tant que remplaçant provisoire. C’était un ami qui m’y avait introduit, parce qu’il avait de graves problèmes de santé et qu’il ne voulait pas perdre cet emploi. Il avait soumis à la direction ma candidature en tant que son remplaçant durant toute la période de son congé-maladie sans solde. Un malheureux coup du sort, mais pour moi une chance inouïe qui se présentait et que je ne pouvais laisser filer. C’est de cette façon que j’ai appris les rouages et les méandres de ce monde. Ce remplacement m’avait permis de me positionner en tant que grand professionnel. D’ailleurs, je n’ai pas attendu le retour de mon ami, pour saisir certaines opportunités. D’autres boîtes concurrentes s’étaient chargées de me débaucher en me proposant moult avantages et salaires mirobolants. Ce que je percevais n’était qu’un honteux salaire de misère. Il faut croire que la chance en ces temps-là n’était pas aussi capricieuse qu’elle l’est aujourd’hui. J’entrai par la grande porte de l’une des plus grosses boîtes de la place. Ça n’a été que le début de la prospérité. Ensuite, j’ai visé plus haut et j’y suis arrivé. Des patrons, j’en ai eu plusieurs et je savais comment leur plaire. Qui aurait pu croire qu’un jour, je serais au chômage et me satisferais même de petits travaux pour particuliers qui ne sont en vérité que de la petite monnaie par rapport à ce que je gagnais?
Je suis à la recherche d’un emploi, mais ces recruteurs auxquels je soumets ma candidature pour des postes qui épousent mon gabarit, donnent cette terrible impression qu’il y a des centaines, voire des milliers de candidats à avoir le même, voire mieux… Pourtant quand je scrute mon CV, je suis moi-même impressionné. Ce statut actuel de chômeur à la recherche d’un emploi, je ne l’ai pas souhaité. Quand j’avais quitté mon dernier emploi, j’avais cru que le temps où je devais m’installer à mon propre compte était arrivé pour moi. Mon assurance venait de ces assassines idées -vous savez- qui vous tournent en boucle dans la tête, vous rabâchant que vos compétences et votre expérience doivent cesser d’être profitables à ces suceurs de sang que sont les «boss». J’avais un pécule, de puissantes amitiés, des connaissances et un agenda plein à craquer. Je me suis laissé griser par ce délire. Tous ceux en qui j’avais une confiance aveugle et à qui j’avais fait part de mon idée m’y ont encouragé avec dynamisme. Je leur en veux aujourd’hui. N’étaient-ils pas seulement jaloux de ma réussite? Tous me disaient: «On est avec toi, tu es le meilleur». Ils renchérissaient avec de ces paroles qui vous gonflent démesurément l’ego, du genre: «Il n’y a pas de raison que ça ne marche pas. Regarde untel, il se fait de l’or en barre et, franchement, il est nul et son boulot, n’en parlons pas: c’est pire. Rien à voir avec toi. Fonce, tous ceux qui t’ont exploité, ils viendront te supplier et te manger dans la main. Tu leur factureras ce que tu veux». Je sautais à pieds joints quelques mois plus tard dans un volcan qui a englouti toutes mes économies… et ma dignité. J’avais réussi à trouver un local dont le pas de porte et le loyer n’étaient pas «donnés», le mobilier et les machines non plus… Tout coûtait cher, mais qu’importe…. Une fois cela mis en place, tous ceux qui m’avaient promis de travailler avec moi s’étaient volatilisés. Sans succès, je les harcelais au téléphone. J’essayais de les rencontrer dans les lieux que nous avions l’habitude de fréquenter. Je mettais mon orgueil en veilleuse et accusais leurs saluts froids comme des glacières en essayant de leur rappeler toutes mes tentatives de prise de contact infructueuses. Ils mentaient en me disant qu’ils ne se souvenaient pas de nos accords et qu’ils n’avaient jamais reçu d’appel pour ensuite, rapidement, prendre congé de moi. Sans oublier de m’adresser une tape sur le dos suivie d’un «t’en fait pas, vieux, ce n’est que le début, on se call, à la revoyure». Je réalisais amèrement que certains se déguisent en amis juste pour leurs intérêts; ils ne sont en fait que de banales connaissances professionnelles. Je finis par m’en aller ailleurs chercher d’autres filons et je ne reçus que promesses sur promesses. Pressées, mes échéances de loyer et d’abonnement téléphonique et autres factures d’électricité tombaient et devenaient un gouffre sans fond. Sans parler des traites de mon appartement et de ma voiture. J’ai tout laissé dans cette aventure. Je me suis mis à jongler avec les ventes de mes acquis pour payer ce qui tombait et pour tenir encore. Je me suis retrouvé d’abord sans voiture, ensuite sans logement et, pour finir, sans boulot. Tous ceux qui m’avaient promis de me soutenir et même les autres, tous, changent de trottoir quand par hasard mon chemin croise le leur, dès qu’ils m’aperçoivent, de loin, dans leur champ de vision. Aucun organisme de recrutement ne m’a encore contacté. Je vis mal mon échec et cette attente qui s’éternise. Le pire, c’est que j’ai tout perdu. Je repars vraiment à zéro… Avec moins de chance… Je me demande souvent si c’était à refaire, si je referais ce que j’ai fait ?».

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Mariem Bennani

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Un commentaire

  1. 38 ans c ‘est le bon départ pour une nouvelle carrière à condition d’oublier ce qu ‘on a fait de bien, mais voir ce qu’on a fait de mal,accepter et changer ,et n’en vouloir à personne car le monde (qu’à soit même)et ainsi fait.LE PLUS IMPORTANT EST LA SANTE

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