Les Français ont choisi une jeunesse porteuse d’espoir au-delà des divisions et des craintes de fragilité.
66-34%, la victoire d’Emanuel Macron est écrasante. La défaite de Marine Le Pen cuisante. C’est un vote pour la jeunesse, le renouvellement, l’espoir et l’Europe. Mais ce n’est pas un vote d’adhésion aussi massif que le résultat peut le faire penser. Le FN n’a jamais été aussi haut et les abstentionnistes, ajoutés aux bulletins blancs et nuls, montrent que le pays reste divisé.
Emmanuel Macron a été élu dimanche avec 66,06%, battant largement Marine Le Pen (33,94%) lors d’un second tour marqué par une forte abstention (25,38%), jamais atteinte depuis le scrutin présidentiel de 1969. Les blancs et nuls approchent les 9% des inscrits (plus de 4 millions), un record pour une présidentielle
Ce qu’a réussi Emmanuel Macron est objectivement extraordinaire. Conseiller dans l’ombre, puis ministre, il était un quasi inconnu du grand public, il y a deux ans. Quand il a lancé son mouvement «En Marche!», il y a un an et demi à peine, on pensait que la bulle médiatique ne tiendrait pas la route. Aujourd’hui, il est président. Il a déjà marginalisé pour la présidentielle les partis historiques PS et Républicains.
Le Front National, lui, a raté le coche. Si le score décevant du second tour se confirme aux législatives, la formation populiste connaîtra une crise grave et peut être le début du reflux.
«Les législatives», espoir suprême et suprême pensée des battus. Le nouveau président élu le sait bien. Il doit, au lendemain de son éclatante victoire et des images grandioses et motivantes du Louvre, retourner au charbon.
Pour imposer sa vision de la France, le président Macron doit avoir une majorité «En Marche!», une majorité présidentielle.
Il peut l’espérer, mais le côté unique de cette élection peut démentir le scénario classique qui veut que les électeurs donnent une majorité à celui qu’ils viennent de choisir.
C’est le grand espoir des «Républicains» conduits par un jeune leader également talentueux, François Baroin. Ils veulent faire gagner leur programme -Fillon modifié-, pour imposer au président un Premier ministre de cohabitation. C’est le même but que cherchent Mélenchon et ses Insoumis. Ce dernier est, après s’être opposé au FN, la gauche anti-Macron.
Le PS, lui, espère sauver les meubles sans grand espoir.
Le FN voudrait se voir sacré opposition avec le groupe le plus important face à «En Marche!». Cet espoir aussi risque d’être déçu en raison du mode de scrutin à deux tours et des alliances… Mais si un parti faisant plus de 10 millions de suffrages se retrouvait avec une poignée d’élus et centristes et écologistes, avec des groupes plus importants sans beaucoup de suffrages, ce ne serait pas bon pour la démocratie française. Ce serait le début aussi de la vraie contestation interne pour Marine Le Pen.
Mais avant les législatives, il y a une grande question: c’est qui seront son Premier ministre et les membres de ce gouvernement qui ira au moins jusqu’aux législatives? Le choix du Premier ministre est particulièrement délicat en raison du ni droite, ni gauche de Macron. Il aurait pris sa décision qui ne sera communiquée que dimanche prochain (14 mai) après l’investiture.
A peine élu, Emmanuel Macron a assisté aux cérémonies du 8 mai aux côtés du président sortant, François Hollande, avant de s’atteler à la composition de son gouvernement, en prévision des législatives où il doit transformer l’essai après sa large victoire à la présidentielle.
Le mandat de François Hollande expire officiellement dimanche prochain et la passation aura lieu durant le week-end.
Macron n’entend pas être un «président normal». Rien n’est normal chez lui, ni son parcours, ni sa famille. Il est habité et on voit bien qu’il veut renouer avec une image assez monarchique de la présidence: il se présente comme un président «jupitérien». C’est capital pour lui, puisque certains mettent en doute sa solidité et sa possibilité de revêtir les habits de président.
Au Louvre, il est arrivé seul, un peu comme Napoléon se mettant sa couronne sur la tête sous la musique de l’Ode à la joie de Beethoven, hymne européen.
Cette arrivée solitaire et grandiose est sans doute le signe du président que veut être Macron… Pourra-t-il réussir à renouer avec la dignité de la fonction, tout en remettant la France en marche à ses côtés? Il lui faut faire la synthèse entre l’envie de renouveau et le respect des rites républicains.
Pour lui, c’est sûr, le plus dur commence. Il a marché sur l’eau avec des accents de télé évangélistes. Il a multiplié les électeurs, mais gare cependant au chemin de croix qui menace tout président français.
Ce qui est sûr aussi, c’est que «Lui président» ne sera comparable à aucun autre.
Patrice Zehr