Asmaa, commerçante, 50 ans, est divorcée et mère de trois enfants. Cette femme s’insurge contre une certaine éducation des enfants en bas âge. A commencer par un cas des plus proches…Voici son coup de gueule.
«Je suis mère de trois enfants que j’ai élevés seule. Mon mari m’avait trahie et délaissée, il y a de cela une tonne d’années. Il s’en était allé vivre auprès de sa maitresse sans s’inquiéter du devenir de la petite famille qu’il avait fondée. Je n’ai par ailleurs jamais pu compter sur son aide pour quoi que ce soit. Il va sans dire qu’il était inutile qu’on vienne m’expliquer l’évidence du degré de perversité de l’individu que j’avais épousé. Je l’ai donc irrémédiablement banni de mes pensées. Même mes enfants préfèrent le croire mort et enterré.
Pour garantir à mes enfants, un foyer équilibré, bien qu’il soit mono parental, il était nécessaire que je ne refasse pas ma vie avec quelqu’un d’autre. Je me suis donc focalisée à fond sur l’éducation de ma marmaille et comment gérer le quotidien. Evidemment, n’ayant pas de job description du métier du chef de la famille monoparentale, j’ai jonglé avec ce qui me paraissait comme étant le meilleur pour nous quatre. Franchement, un coup je réussissais et un coup je foirais. Mais au bout du compte et fort heureusement, il en découlait toujours quelque chose de positif. Par contre, instinctivement -et j’insiste sur ce point précisément- jamais au grand jamais, je n’ai octroyé le pouvoir du dernier mot à l’un de mes enfants.
Les voir aujourd’hui adultes, plus ou moins bien dans leurs godasses, mais enfin sur les rails, n’était pas un pari gagné d’avance. C’est que j’ai dû en baver très durement avec des personnalités qui se forgeaient, à coup de refus d’autorité, de résultats scolaires en chute libre pour diverses raisons, de crises d’adolescence, d’échecs amoureux, etc… Sans oublier que moi-même je me battais contre mes propres démons intérieurs qui rabaissaient mon énergie à un niveau beaucoup plus inquiétant que je ne le laissais paraitre. Pardon, mais l’invincible super wonder woman, ce n’est pas moi. Malgré cela, il n’était pas question de jeter l’éponge et de s’avouer vaincue.
Mes enfants ont toujours pu compter sur ma présence, mon oreille attentive, ma tendresse, mon amour, ma compréhension, mon appui et ma complicité. Mais j’ai dû fixer quelques limites et exiger du respect pour ma personne. A mon sens un parent digne de ce nom, qu’il soit père ou mère, ou les deux à la fois comme dans mon cas, ne peut pas se permettre de lâcher du lest à ce niveau. Sans quoi, il ne pourrait que s’en mordre les doigts plus tard. C’est justement le sujet qui nous fâche, ma jeune sœur et moi.
Je n’ose même pas imaginer ce qu’elle risque dans son foyer avec ses enfants, si elle ne réagit pas à temps. Il ne m’a pas été possible de me taire. Les gamins de ma sœur sont tellement adorables qu’ils méritent du secours. Cela m’a fendu le cœur de les voir laissés pour contre, livrés en pâture aux joujoux connectés à internet. Dans cette maison, nul n’est disposé à consacrer du temps à son enfant pour l’éduquer. C’est à croire que ma sœur et son mari en ont déjà plein le dos d’être parents et que leurs occupations sont plus importantes que leur devoir. C’est quand même formidable qu’ils soient deux et qu’ils ne puissent pas être capables d’établir des règles et de s’y fixer.
Je n’arrive toujours pas à me remettre de ce que j’ai pu remarquer. C’est honteux qu’on puisse se permettre de tels comportements avec ses enfants. Si bébé pleure et vas-y qu’on lui place entre les mains un téléphone… C’est parti pour des heures de silence sans contrôle jusqu’à ce qu’il pousse des hurlements de faim ou de soif, ou qu’il faille le changer. Quant à l’autre petit bout de chou, il n’est jamais loin, toujours pendu à sa tablette. Mais gare à quiconque qui la lui ôterait des mains pour qu’il mange ou qu’il se mette au lit. C’est la crise d’hystérie assurée§ Et l’enfant en ressort toujours gagnant avec, en prime, des sucreries.
Mieux encore, puisque les caméras s’activent partout dans la maison, on y trouve du «trop mimi» dans les accès de colère et on les poste sur les réseaux sociaux pour en faire les choux gras, pour un max de partage et de clics. Du grand n’importe quoi! Au lieu de montrer son mécontentement et qu’on ne cède pas au manquement des ordres, on l’initie publiquement au non-respect des parents et à dépasser les limites avec eux. Après, il ne faudra pas s’étonner que le petit monstre en devienne un grand.
Ma tentative d’avertissement que ce genre d’éducation tordue impacte de manière négative la vie sociale, le cursus scolaire et ainsi de suite, d’un enfant, n’a pas été perçue comme il se devait par ma sœur. Elle y a tout vu sauf l’alarme que je sonnais. Elle m’a mouché de la manière la plus vile qui soit et m’a bousculée hors de chez elle, sans oublier de me demander de ne plus jamais m’occuper de ses affaires. Qu’à cela ne tienne, pourvu que mon message fasse tilt. De toutes les façons, ma bonne conscience s’en trouve désormais tranquille».
Mariem Bennani