La France est-elle le véritable «homme malade» de l’Europe? Tous les sondages, toutes les enquêtes le montrent: les Français ont le moral le plus bas de tous les pays européens, même de ceux qui vont plus mal.
Cela aura des conséquences sur les élections de 2014, les municipales et les européennes. Le risque d’une poussée, voire d’une percée du populisme avec le vote Front national, hante tous les politiques jusqu’à l’obsession.
Le spectre du FN n’en finit pas de planer sur la rentrée politique. Un sentiment de panique semble envahir les partis de gouvernement, du PS à l’UMP. Plusieurs responsables socialistes redoutent de plus en plus que la séquence actuelle, concentrée autour des questions fiscales et d’immigration, soit un double piège qui se referme sur la majorité. Marine Le Pen, sauf dérapage majeur de sa part d’ici là, paraît avoir réussi à dédiaboliser son parti. Elle est considérée comme la véritable opposition au pouvoir, alors même que l’UMP n’arrive pas à capitaliser le désaveu du PS et du gouvernement dans une large partie de la population. Ce désaveu, malgré des chiffres encourageants sur le chômage ou la reprise, est dû à plusieurs facteurs.
Les chiffres sur le chômage sont relativement moins bons qu’annoncé, suite à un bug informatique. Quand ça ne va pas, ça ne va pas.
La cacophonie au sein du gouvernement aggrave l’impression d’être mal gouverné. L’augmentation réelle de la pression fiscale décourage l’électorat de gauche. La psychose de l’insécurité ne cesse de progresser et des faits divers, nombreux et médiatisés la confortent.
Hollande fait ce qu’il peut pour rassurer et regagner la confiance mais, pour le moment, rien n’y fait. Les Français ont l’impression d’être financièrement pressurés -et cela sans résultats- par un gouvernement qui trahit ses propres électeurs. C’est peut-être le pire. Cela crée dans le gouvernement des tensions qui se manifestent par des désaccords sur des sujets majeurs. L’irruption dans le débat du problème des Roms n’en est qu’une illustration médiatisée.
Manuel Valls se retrouve au cœur de la politique française. L’événement avait été prévu de longue date, mais il tombe bien, après une semaine de polémique sur les Roms.
Valls a prononcé, le 30 septembre, son deuxième discours annuel aux forces de sécurité, devant un parterre de responsables locaux et nationaux de la police et de la gendarmerie réunis à Paris. Un moment privilégié pour défendre son bilan, alors que la campagne des municipales s’annonce très sécuritaire. Une occasion en or aussi de renfiler les habits régaliens du ministre de l’Intérieur, après ceux du franc-tireur qui bouscule la gauche et joue l’opinion contre les partis. C’est pourquoi il reste sur ses positions et n’est pas réellement désavoué par le Premier ministre et le président. Et il a pu répliquer sans complexe à sa collègue du Logement, Cécile Duflot, qui l’avait accusé d’être allé «au-delà de ce qui met en danger le pacte républicain». «Ces démantèlements sont un impératif, notamment pour lutter contre les phénomènes délinquants et mafieux, les trafics et l’exploitation de la misère qui s’y greffent», a asséné M. Valls.
L’opinion, si l’on en croit les sondages, le suit. Selon un sondage BVA paru samedi 28 septembre dans Le Parisien, 77 % des Français approuvent les propos du ministre qui mettait en doute la volonté d’intégration des Roms. Seize élus locaux socialistes l’ont soutenu publiquement dans une tribune du Journal du dimanche.
On assiste en fait à une guerre des deux gauche, la pragmatique contre l’idéologique. Le silence du président et des propos en privé confortent les pragmatiques même si, sur le fond, il donne plutôt raison à Duflot. Tout cela est donc peu convaincant.
Valls se verrait Premier ministre après les municipales et pense peut-être déjà à la présidentielle de 2017. Il doit cependant ne pas multiplier les dérapages sémantiques.
Valls est-il en action commando pour les municipales, comme on le dit à droite?
L’épouvantable mois de septembre pour le gouvernement, entamé par la polémique budgétaire et terminé par celle de l’accueil des populations Roms, pourrait coûter cher à la majorité lors des prochaines élections municipales et européennes du printemps 2014. «François Hollande est inquiet du score du FN à ces scrutins. C’est pourquoi, notamment, il demande à Valls de monter au créneau sur la sécurité. Hollande a retenu la leçon de Jospin en 2002. Même si l’emploi et l’économie redémarrent, il ne veut pas être accusé d’avoir nié les problèmes», confie son entourage.
A gauche, ne pas nier les problèmes, c’est souvent, on le voit, en créer de nouveaux. Car on peut faire une politique, mais on ne peut employer certains mots… Valls en tirera peut-être la leçon, car Hollande l’a laissé entendre. C’est la dernière fois. Son problème, c’est que personne ne le croit. Ce qui l’obligera à agir et certains devraient donc se méfier à partir de maintenant.
Patrice Zehr
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