Mais que se passe-t-il au Liban ?

Mais que se passe-t-il au Liban ?

Le Liban est en train de sombrer à faible bruit médiatique. Comme il y a un faible bruit de contamination virale, il y a parfois de faibles bruits pour des crises internationales pourtant majeures.

Ce pays si longtemps modèle de démocratie, du vivre ensemble et de prospérité, paraissait renaître après des années d’horreur de guerres civiles et religieuses. La domination syrienne elle-même s’était un temps relâchée avant que le pays du cèdre ne soit rattrapé par les chaos du Moyen Orient.

C’est le 1er septembre 1920 que le général Gouraud, représentant de l’autorité mandataire française sur la Syrie, a proclamé l’Etat du Grand Liban, une entité autonome, détachée de la Syrie, dotée de frontières correspondant à celles du Liban actuel. 100 ans plus tard les Libanais n’ont pas la tête à la fête de l’indépendance, mais doutent une fois de plus de l’avenir de leur pays. Le cataclysme qui s’est abattu sur la population, confrontée à une chute libre de la monnaie et à une paupérisation galopante, met en cause l’existence même du pays.  Faute de fuel, l’électricité est désormais rationnée. Certains hôpitaux ont éteint la climatisation et la plupart des feux de circulation de Beyrouth sont à l’arrêt. Autrefois fierté du pays, les écoles francophones sont à l’agonie. En octobre 2019, on a cru au sursaut. En descendant dans la rue par dizaines de milliers, pour crier leur dégoût de la classe dirigeante gangrenée par la corruption et pour réclamer la fin du communautarisme, les Libanais ont tenté de se réinventer. Mal préparés, court-circuités par l’épidémie de Covid-19, étranglés par les difficultés du quotidien, les mutins et les rêveurs ont peu à peu déserté la place des Martyrs, l’épicentre du soulèvement à Beyrouth. Le Liban vit maintenant la pire crise économique de son histoire, aggravée par la pandémie mondiale de Covid-19 et un contexte politique délicat exacerbé par les tensions entre le Hezbollah et les Etats-Unis. Préconiser un rétablissement des relations avec Damas aggrave les divisions. Mais au sein du gouvernement, certains croient toujours qu’un dialogue avec la Syrie est incontournable pour un règlement du dossier des réfugiés. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Kassem Abi Ali, coordinateur du programme gouvernemental de réponse à la crise syrienne au sein du ministère des Affaires sociales, estime ainsi «naturel» de coordonner avec le régime syrien dans le cadre de cette affaire, «dans la mesure où c’est l’État syrien qui est responsable de ses citoyens». «Nous ne voulons pas nous noyer dans des débats à caractère politique. Ce qui nous importe le plus, c’est le retour des réfugiés en Syrie», lance-t-il.

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Ces derniers mois, des dizaines de milliers de Libanais ont été licenciés ou ont subi des coupes salariales. La monnaie nationale est en chute libre, de même que le pouvoir d’achat. Et les épargnants n’ont pas libre accès à leur argent, les banques ayant imposé des restrictions draconiennes sur les retraits et les transferts à l’étranger à cause de la pénurie du dollar. Les dirigeants libanais eux-mêmes sont accusés de profiter d’un système gangrené par le clientélisme et la corruption. La situation au Liban, en proie à la pire crise économique de son histoire, « devient rapidement hors de contrôle », a alerté vendredi la Haut-commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU. Certains des Libanais les plus vulnérables « risquent de mourir de faim en raison de cette crise », a déclaré Michelle Bachelet dans un communiqué, ajoutant: « nous devons agir immédiatement avant qu’il ne soit trop tard ».

Au fil des guerres et des crises politiques qu’a connues le Liban, vivre au jour le jour est devenu une philosophie. Mais cette crise, comme jamais auparavant, est marquée par une dépossession du pouvoir d’achat, des licenciements massifs, et une perte de repères. Nul ne sait jusqu’où ira la chute. «C’est un choc énorme, bien pire que la Grèce, que vit le Liban», diagnostique l’économiste Charbel Nahas, l’un des très rares à avoir averti, dès l’automne 2018, du séisme qui guettait le pays. Les dirigeants libanais eux-mêmes sont accusés de profiter d’un système gangrené par le clientélisme et les pots-de-vin. Il y a « un lobby très puissant » prêt « à brûler le pays pour éviter que soit exposé tout ce qu’il a commis », accuse le négociateur. Le FMI attend un audit des comptes de la Banque centrale et une régulation des contrôles de capitaux informels. Il réclame un flottement de la monnaie nationale, pour éliminer le gouffre entre le taux de change officiel (1.507 livres pour un dollar) et un marché noir où le dollar est échangé à 9.000 livres. Un échec des négociations avec le FMI entraverait en outre le déblocage de 11 milliards de dollars d’aides promis en 2018 lors d’une conférence à Paris. Pour la source occidentale, il ne pourrait y avoir d’alternative aux négociations avec le FMI. « Le pays s’écroule. Il faut le label du FMI pour vous remettre sur les rails de l’honorabilité ». Même constat pour la source libanaise proche du dossier. « Avec un taux de change qui part en vrille et que rien » n’arrête, et « sans le FMI, le Liban se dirige vers l’enfer ». »Rien ne bouge » s’est alarmé cette semaine le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian en annonçant une prochaine visite à Beyrouth. « Aidez-nous à vous aider, bon sang! » Son homologue américain Mike Pompeo a, lui, affirmé que son pays « soutenait le Liban tant qu’il mène les bonnes réformes et qu’il n’est pas sous la coupe de l’Iran. » Parmi les réformes attendues: réduction des dépenses publiques et augmentation des recettes, à travers la collecte des taxes et la lutte contre la contrebande. Mais « il n’y a pas de volonté politique », insiste l’analyste Nasser Yassine. Tout changement priverait les politiciens « de leur pouvoir, de leur main-basse sur l’Etat, l’économie et la société ».

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La crise économique a été un des catalyseurs en octobre d’un soulèvement inédit contre l’intégralité de la classe politique, accusée de corruption et d’incompétence. La classe politique et la crise sont toujours là.

Le désespoir pousse les Libanais, comme dans les pires époques de la guerre civile, à quitter leur patrie.

Patrice Zehr

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