La décision de l’Istiqlal de claquer la porte du gouvernement de Benkirane est qualifiée par Chabat d’historique et de sans pareille dans les annales de la politique marocaine. Convaincu, le Comité central du Parti a marché sur les pas de son Secrétaire général.
La session extraordinaire du Comité central du Parti de l’Istiqlal, tenue samedi 29 juin 2013, a recommandé l’accélération de la mise en œuvre de la décision de retrait du gouvernement.
Décision historique
Prenant la parole à l’ouverture des travaux de cette session, Hamid Chabat, Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, a donné le ton en précisant que la décision de retrait du gouvernement relève d’une volonté de réforme. Caressant les militants istiqlaliens dans le sens du poil, il a qualifié la décision de retrait prise par le Conseil national d’historique. C’est la première fois, a-t-il lancé non sans fierté, que «dans l’Histoire du Maroc, un parti politique débat et décide de quitter un gouvernement alors que, d’habitude, il n’était question que de participation, dans une course effrénée aux postes ministériels».
A ceux qui reprochaient à l’Istiqlal de n’avoir pas attendu la réponse royale aux deux mémorandums du PI, Hamid Chabat a rétorqué, sûr de lui, que ces deux documents de 19 points visaient en fait à expliquer les raisons qui ont poussé l’Istiqlal à se retirer du gouvernement (Assbab annouzoul) et n’attendaient pas que le Roi tranche.
C’est ce qui explique la réunion extraordinaire du Comité central qui a prouvé que les amis de Chabat ont décidé de passer à la vitesse supérieure, forts de l’aval de leur Parlement (le Conseil national) et du Comité central qui a recommandé l’accélération de la mise en œuvre de la décision de retrait du gouvernement. C’est une décision historique qui constitue, souligne le Comité central du PI, «une occasion pour les divers acteurs politiques, chercheurs, académiciens, juristes et journalistes d’approfondir le débat autour de la Constitution marocaine».
L’Istiqlal fustige
Devant le Comité central, Chabat a su trouver dans son exposé d’orientation les mots qu’il fallait pour convaincre. Le mot «retrait» du gouvernement a été véritablement un leitmotiv qui lui a permis de fustiger les interprétations données à ce retrait, précisant que ce dernier relevait d’une volonté de réforme. Se défendant de créer zizanie et crise au sein du gouvernement et du pays, Chabat a expliqué, sans se départir de son calme, que le Parti de l’Istiqlal n’est pas un parti de destruction, mais bel et bien de construction.
Chabat critique sévèrement Benkirane
Bien que le quotidien francophone de l’Istiqlal ait passé sous silence les critiques acerbes de Hamid Chabat contre le gouvernement et plus précisément contre son chef Abdelilah Benkirane, ce dernier a été tout au long de l’exposé la cible du SG de l’Istiqlal qui ne l’a guère ménagé. Même les remarques prenaient l’allure de traits de caractère du genre «le chef de gouvernement se comporte toujours comme chef de formation politique; c’est une question de mentalité que l’on ne peut changer…».
Pour enfoncer un peu plus Benkirane et convaincre l’auditoire, Chabat a remis sur le tapis son argument de toujours, à savoir que le chef de gouvernement n’a jamais pris en considération les points de vue des formations politiques et alliés de son gouvernement. La question qui fâchait les Istiqlaliens, qui n’arrivaient pas à cacher leur réaction, avait trait à la tentative istiqlalienne d’impliquer l’Institution royale (article 42) dans un conflit entre le chef de gouvernement et le Secrétaire général de l’Istiqlal.
Porte-parole de ce dernier, responsables et militants ont difficilement dissimulé leur colère en soulignant que le communiqué du Comité central avait pris soin de remettre de l’ordre en stigmatisant toutes les tentatives désespérées, a précisé Chabat. Des tentatives «tendant à induire l’opinion publique en erreur au sujet de l’invocation de la Constitution pour justifier la décision du Conseil national du Parti».
Bien que le Comité central ait décidé d’accélérer la mise en œuvre de la décision de retrait du gouvernement, Hamid Chabat s’est voulu conciliant et «primant l’intérêt de la Nation». Un membre du Comité central du PI nous a confié: «Nous laissons du temps au chef de gouvernement pour trouver d’autres alliés», sous-entendant ainsi que Benkirane ne répondrait pas aux attentes de l’Istiqlal.
Les amis de Salaheddine Mezouar (RNI) semblent pressentis pour aider Benkirane à reconstituer sa majorité. On parle même d’éventuelles concertations entre le PJD et le PAM. Un PAMiste a réagi, le sourire aux lèvres: «Après toutes les guéguerres, vous voulez qu’on le sauve de l’éclatement de sa majorité! Vous voulez rire…».
L’Istiqlal déterminé
L’Istiqlal semble déterminé à tenir parole et rien n’est intervenu à ce jour, souligne le communiqué du Comité central, «qui justifie un recul ou autre position que le retrait du gouvernement. Cette position est toujours en vigueur et la Direction est appelée à lui donner corps et à en accélérer la mise en œuvre».
Les ministres istiqlaliens, membres du gouvernement de Benkirane, sont fin prêts, nous a confié un membre du Comité central, «pour appliquer les consignes du Parti de se retirer du gouvernement». Il a toutefois refusé de confirmer ou de démentir si le ministre El Ouafa était disposé à obtempérer. Car les relations de ce dernier avec Chabat ne sont pas au beau fixe, alors qu’elles sont au top avec Benkirane. L’Istiqlal parle déjà d’éclatement de la majorité!