Le dernier rapport de Banque africaine de développement (BAD) dresse un bilan morose du marché du travail en Afrique du Nord.
La Banque africaine de développement (BAD) vient de publier un rapport accablant sur le marché du travail en Afrique du Nord. «La situation du marché du travail en Afrique du Nord, notamment l’Algérie, l’Egypte, la Libye, le Maroc et la Tunisie était déjà déplorable en 2010 et n’a fait que se détériorer depuis lors», relève-t-on dans le rapport de la BAD. Le marché du travail au niveau de la région se caractérise par un taux de chômage élevé, un fort désengagement, la disponibilité d’une main-d’œuvre considérable -toutefois incompétente et irréaliste en matière d’emploi-, la création d’un nombre d’emplois insuffisant et l’offre inadéquate d’emplois qualifiés pour les travailleurs instruits. A cela s’ajoute un cadre réglementaire faible qui contribue au chômage et à la forte prédominance d’activités informelles.
S’agissant des politiques actives du marché du travail (ALMP) exécutées par des entités publiques, ledit rapport rappelle que l’entité chargée des ALMP est l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (ANAPEC). Les trois principaux programmes sont Idmaj (contrat de recrutement de débutants), Taehil (contrat de formation ou de reformation professionnelle) et Moukawalati (entreprenariat). «Étant donné que le Maroc a échappé au Printemps arabe, ses ALMP n’ont pas beaucoup changé depuis 2011», stipule le rapport. Ainsi, la BAD déplore que l’ANAPEC n’ait pas réformé ses programmes, ce qui se traduit par une part de responsabilité du gouvernement dans cette situation.
L’institution financière ne s’arrête pas là. Le rapport de la BAD estime que le chômage augmente avec le niveau d’instruction dans la région. En effet, les jeunes instruits enregistrent des taux de chômage plus élevés que les jeunes moins instruits. «A titre d’exemple, au Maroc, 59% des chômeurs ont un niveau d’éducation de base ou inférieur», précise la BAD dans son rapport.
Pour ce qui est du secteur informel, il génère quelque 41% des emplois non agricoles en Afrique du Nord. Il est associé à des emplois non conformes aux normes et non assortis de contrats ou même de protection sociale. «Seuls 30% des travailleurs au Maroc, 46% en Tunisie et 50% en Egypte possèdent un contrat de travail», selon le rapport. A cela s’ajoute le fait que les femmes restent plus exposées au travail informel que les hommes. «En Afrique du Nord, près de deux tiers des femmes occupent un emploi précaire, contre un tiers des hommes», toujours selon le rapport de la BAD qui précise que seulement 34% des femmes au Maroc faisaient du travail rémunéré entre 2006 et 2010.
En ce qui concerne les jeunes, l’évolution démographique reste un des facteurs qui explique l’ampleur du chômage des jeunes de la région. En effet, les pays d’Afrique du Nord ont connu une transition démographique caractérisée par un ralentissement des taux de mortalité et de fertilité dans les années 1990, ce qui s’est traduit par une augmentation de la population en âge de travailler par rapport à d’autres groupes. «Aujourd’hui, le rajeunissement exponentiel est une caractéristique commune à la plupart des pays en développement. Celui de l’Afrique du Nord devrait se poursuivre jusqu’en 2020», d’après le rapport. Au Maroc, le nombre d’emplois créés a dépassé la croissance de la population active. Cependant les emplois n’ont pas essentiellement profités aux jeunes. In fine, le chômage de cette catégorie de la population continue de s’accroître.
Il est à rappeler que la BAD est devenue le premier bailleur de fonds du Maroc en 2013. En effet, l’institution totalise actuellement un volume d’engagements de 25 milliards de dirhams.
Anas Hassy