Maroc-Afrique-Migrants : La stratégie de l’Algérie

Pourquoi les autorités d’Alger ont-elles subitement décidé de traquer les migrants subsahariens, de les arrêter, de les déplacer pour les parquer loin des regards, avant de les expulser par camions vers leurs pays d’origine ?

Quelque 1.500 migrants subsahariens ont subi ce sort.

Arrêtés dans la capitale, Alger, durant le week-end du 3 décembre, ils ont commencé à être expulsés à partir du 7 décembre dernier.

Des expulsions sans ménagements, selon ce qu’ont rapporté certaines victimes de ces violences et des ONG.

L’Organisation non gouvernementale «Horizons sans frontières» a ainsi  estimé que «les images relayées par la presse du monde entier sur la situation de détresse de migrants en Algérie ne font pas honneur au continent africain, au moment où l’Europe s’érige en forteresse». Ajoutant que ces expulsions constituent «une honte pour l’Afrique».

Certes, ces expulsions ont permis de rappeler que les migrants subsahariens n’ont jamais été les bienvenus en Algérie.

Le président de «Horizons sans frontières», Boubacar Seye, a évoqué des commentaires humiliants de médias algériens qui remontent à 2014, citant le journal Echourouk qui accusait les migrants de transmettre des maladies infectieuses aux Algériens et le journal Al Fadjr qui n’hésitait pas à les accuser de «propager les épidémies comme le Sida et le virus Ebola».

On se souvient aussi que le Maroc a longtemps dénoncé les expulsions silencieuses de Migrants (d’abord seulement africains, puis africains et syriens), lorsqu’Alger les boutait systématiquement hors de son territoire en direction du sol marocain…

Mais depuis que le Maroc a décidé de mieux contrôler ses frontières avec l’Algérie, les migrants n’ont plus fait l’objet d’exactions connues… Jusqu’à ce mois de décembre.

La question est donc: pourquoi maintenant ?

Selon les observateurs qui suivent de près les affaires algériennes, ces expulsions brutales de migrants de l’Afrique de l’Ouest et de ceux de certains pays en particulier, connus pour leurs liens d’amitié avec le Maroc, s’inscrivent dans le cadre de la réaction du pouvoir d’Alger au nouveau déploiement du Maroc dans le continent. Ce sont à la fois des mesures de représailles et des mises en garde.

Le succès des périples du Roi Mohammed VI en Afrique, les dizaines d’accords signés et les projets gigantesques proposés et lancés par le Maroc dans un esprit gagnant-gagnant, dérangent à Alger.

D’autant que certains de ces projets échappent désormais au pouvoir algérien… Comme celui du Gazoduc Nigéria-Maroc.

Le pays de Bouteflika a essayé de réunir un Sommet Algérie-Afrique pour l’investissement qui s’est soldé par de piteux résultats.

A cet échec économique semble devoir s’ajouter un échec diplomatique au niveau de l’UA (Union Africaine). Alger et ses acolytes d’Afrique du Sud, du Kenya, etc, ont tout fait pour saboter le retour du Maroc au sein de l’Organisation panafricaine, mais ce retour est inéluctable…

Le Pouvoir algérien qui ne supporte pas la défaite déploie donc cette stratégie. Il  se venge sur les pays qu’il pense pouvoir encore tenir par la menace… La diplomatie du chèque ne pouvant plus beaucoup servir, vu la fonte comme neige au soleil de la rente pétrolière, due à la dégringolade du prix des hydrocarbures.

Une chose est sûre, cette diplomatie de la menace peut, peut-être, faire son effet à court terme, mais elle ne tiendra pas longtemps. Ce n’est pas sur cela que les Etats construisent des relations d’estime et de constance.
Tôt ou tard, tous les pays d’Afrique feront la différence entre un Maroc qui leur propose partage de savoir-faire et deals win-win ; et un pouvoir algérien obsédé par le Maroc et belliqueux qui n’a rien d’autre à mettre sur la table que sa capacité de nuisance.

Encore une question: les élections au sein de l’UA auront lieu au prochain Sommet prévu pour le 31 janvier. Qu’espère obtenir l’Algérie après les humiliations qu’elle vient de faire subir à certains des pays votants ? 

Bahia Amrani