Politique, sécurité, économie, catastrophes… Arrêt sur quelques repères de l’année sortante, la non-regrettée 2014.
Politique : Le boulet au pied
En politique, les choses n’ont pas bien tourné en 2014. La scène politique a hérité d’un lourd tribut de 2013. Celui-ci, conjugué à une quasi-inertie de l’élite politique, a englué le Maroc dans des retards. Alors que tout venait d’être mis en place avec un gouvernement en apparence homogène, le Parti de l’Istiqlal est passé de la menace à l’acte. Il démissionne de ce gouvernement censé être de coalition et de consensus. Commence alors la quête du remplaçant, les tractations, les négociations, les accords et puis la reconstitution du gouvernement dit Benkirane II.
La mise en place a aussi pris du temps pour prolonger un attentisme qui perdurait déjà. Dans un sursaut d’honneur, les politiques ont pu amender certaines lois et approuver d’autres, notamment la loi de Finances. Mais l’essentiel restait à faire.
On parle encore de nouvelle Constitution, alors que celle-ci a déjà quatre ans, faute de lois organiques afférentes. Des lois qui, par manque de temps, traînent encore. Et ce n’est probablement pas pour demain!
On voit bien qu’une autre course a commencé. Toute la classe politique se prépare aux futures échéances électorales. Tous visent bien sûr une invasion de la scène politique nationale pour se mettre alors aux choses sérieuses, bien que le retard ait été plus important. Mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais?
Une devise qui semble bien être celle d’une élite politique amorphe qui reste, malgré certaines timides actions, encore loin de prendre réellement part à la marche du pays qui avance cependant à grands pas. Des pas qui auraient été encore plus grands s’il n’avait pas de tels boulets au pied.
Hamid Dades
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Daech, une vigilance de tous les instants
Le nombre des combattants marocains dans les rangs de Daech varie, parce que ce groupe terroriste compte sur le recrutement et la variation de ses revenus. En juillet 2014, lors de son intervention devant l’ONU, Mohamed Yassine Mansouri, le patron de la DGED (Direction générale des études de la documentation), avait déclaré devant une commission de lutte anti-terroriste du Conseil de sécurité de l’ONU que le nombre des jihadistes marocains combattant en Syrie est de 1.193. Il a précisé que 251 jihadistes sont morts dans des attentats-suicide ou des combats en Irak. Au mois de juillet 2014, le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, avait également estimé le nombre des jihadistes marocains dans la région à plus d’un millier.
Selon une étude française, les combattants marocains en Syrie, seraient même plus nombreux: quelque 1.500 individus.
Par ailleurs, Riad Kahwaji, expert en questions militaires et stratégiques et chef exécutif d’«Institute for Near East and Gulf Military Analysis» (INEGMA), basé à Dubaï, avait indiqué tenir d’une source informée rencontrée à Marrakech qu’une brigade maghrébine, nombreuse de 8.000 combattants, se bat en Syrie.
Après s’être constitué une richesse conséquente, obtenue de rentes quotidiennes en millions de dollars issues des trafics de pétrole et du commerce des organes humains prélevés sur ses combattants et sur ses captifs, Daech se serait mis au trafic des antiquités, des pièces obtenues de brigandage commis en Irak et en Syrie.
Autant d’argent donne à Daech les moyens de recruter et d’entretenir ses brigades, dans les territoires conquis aussi bien que dans les pays d’origine, mais c’est l’instrumentalisation du discours religieux qui appâte et conquiert les citoyens les transformant, à la demande, en chair à canon.
La menace est partout. Au Maroc, elle est réelle. Le nombre de cellules et réseaux terroristes démantelés en atteste.
Fort heureusement, les autorités marocaines et services spécialisés s’étaient organisés bien avant Daech, dès après les attentats de Casablanca. La stratégie anti-terroriste est bien rodée, mais avec un tel ennemi, la vigilance est toujours de mise. C’est une vigilance de tous les instants.
Bouchra Elkhadir
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Société : Des pluies qui dévoilent les défauts
Même la nature semble prendre part à cet acharnement contre le Maroc. Cette année restera marquée par les fortes précipitations automnales qui n’ont pas été sans dégâts. Un sinistre qui a frappé le pays, faisant près de 40 morts et causant la destruction de maisons et d’infrastructures, notamment routières.
S’annonçant rude cette année et bien avant terme, l’hiver a causé des dégâts dans plusieurs pays du pourtour méditerranéen. La différence est qu’au Maroc, c’était un peu trop fort. C’était un désastre qui rendait compte du manque de moyens et de la précarité de certaines infrastructures censées tenir et durer dans le temps.
Tous ces morts, toutes ces images de paysages ravagés par les inondations et de maisons démolies, tombant comme des châteaux de cartes et ces routes réduites à d’énormes lacs de boue ont bien été déplorables. Ils ont sérieusement touché les citoyens. Ces derniers, mus par un sentiment de compassion et de solidarité, ont entamé des campagnes d’aide aux sinistrés.
Ailleurs, cela a suscité une profonde réflexion sur la nécessité de doter le pays d’infrastructures à la hauteur de ses ambitions et des attentes des citoyens. Le travail commencera juste après, pourvu qu’on puisse bientôt dire et en toute conviction: «Plus jamais ça!».
HD
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Déficit budgétaire : L’électrochoc salvateur !
Durant toute l’histoire du commerce extérieur du Maroc, la balance commerciale a toujours présenté un déficit structurel. Et ce déficit s’est aggravé davantage depuis l’année 2003 en raison de divers facteurs structurels et conjoncturels, tant au niveau interne qu’à celui externe. Il s’agit de la flambée des cours mondiaux du pétrole en 2008 (132 dollars/baril en juillet 2008) et en 2011 (115 dollars/baril en mai 2011), laquelle a fortement impacté le commerce mondial, ce qui a énormément pesé sur la situation de la balance commerciale du Maroc. A cela s’ajoute le déficit de la balance énergétique (dépendance de près de 95% et une consommation énergétique qui est passée à près de 0,51 TEP/hab en 2010) qui a contribué dans une large mesure à l’aggravation du déficit commercial et constitué près de 44% du déficit commercial en 2011, contre seulement 26% en 1998. D’ailleurs, le déficit commercial hors énergie n’est en moyenne que de 54 milliards de dirhams (MMDH) sur la période 1998-2011. Pareillement, la balance alimentaire a subi les effets de la surchauffe des cours mondiaux impactant les importations, en passant d’une situation excédentaire entre 1998 (3 MMDH) et 2006 (6 MMDH) à une situation déficitaire dès 2007 (-3 MMDH), soit près de 2% du déficit de la balance commerciale.
Le déficit de la balance commerciale au Maroc s’est aggravé durant la période 2005-2012 pour atteindre 21,1% du Produit intérieur brut (PIB), contre 11,3% durant la période 2000-2004, selon la Direction des études et des prévisions financières (DEPF) au ministère de l’Economie et des Finances. A fin 2011, la balance commerciale a accusé un déficit record de 185,7 MMDH. Ce record était prévu puisque cet indicateur n’avait cessé de s’aggraver d’un mois à l’autre tout au long de l’année 2010, pour se solder par un pic de près de 23% du Produit intérieur brut (PIB).
Face à cette délicate situation, le gouvernement a réagi pour réduire ce déficit en prenant de nombreuses mesures. Aujourd’hui, la balance commerciale retrouve des couleurs. Elle s’est améliorée sensiblement sur les 11 premiers mois de l’année 2014, grâce à une forte hausse des exportations. Pour le moment, l’effet pétrole est minime. C’est sans doute le début d’une nouvelle tendance pour la balance commerciale. A fin novembre 2014, le déficit n’est plus que de 170 MMDH sur les 11 premiers mois, contre 182 MMDH à fin 2013. C’est donc 12 milliards de dirhams de moins pour les comptes du commerce extérieur. Les exportations se sont améliorées, notamment grâce aux performances de l’OCP. Le Maroc a exporté quelque 180 MMDH à fin novembre 2014, soit une amélioration de 6,7%. Au niveau des importations, on note une baisse de 1,11 MMDH. C’est un exploit qu’il faudrait saluer!
Anas Hassy
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Réforme de la compensation : Une réussite pour le gouvernement
Durant l’année 2008, les charges relatives au soutien des produits dits de première nécessité (hydrocarbures, butane, sucre et farine) ont atteint 31,5 milliards de dirhams (MMDH). En 2011, le soutien aux produits pétroliers, au sucre et à la farine ont coûté à l’Etat 51,8 MMDH. Un record! A elle seule, l’enveloppe de compensation représente le montant du déficit budgétaire pour l’année 2011. Plus de 50 MMDH de subventions, c’est lourd pour le Budget du Royaume. A titre indicatif, la charge de compensation a absorbé le cinquième des recettes du budget général de l’Etat prévues au titre de l’année 2011. Il faut dire que la subvention des prix des produits de base était nécessaire auparavant et jouait un rôle régulateur. Mais la charge de compensation devenait insoutenable. Face à cette problématique, le gouvernement se devait de réagir. Chose faite en 2012. «Avant la fin du mois de juin, le Maroc envisage de réformer son système de subventions coûteuses», avait annoncé Najib Boulif, ministre de la Gouvernance et des Affaires générales.
Le gouvernement de Benkirane a fait de la réforme de la Caisse de compensation une de ses priorités. Le Maroc a mis en place le système d’indexation, avant de supprimer en une deuxième étape la subvention destinée à l’essence, au gasoil et au fuel industriel. La démarche adoptée par les pouvoirs publics en matière de compensation semble avoir porté ses fruits entre 2013 et 2014. Sur la base des statistiques établies, la charge de la compensation est passée de 27,23 MMDH en 2013 à 23,13 MMDH en 2014, soit une économie de plus de 4 MMDH pour le Trésor. La suppression de l’appui des produits pétroliers devrait à terme accentuer cette tendance et rendre le poids financier de la compensation acceptable, alors qu’il constituait jusque-là un trou noir qui engloutissait des dizaines de milliards de dirhams, sans pour autant que cela profite vraiment aux plus démunis.
Selon les statistiques de l’Office des changes, les importations de 4,3 millions de tonnes d’huile brute de pétrole ont coûté 25,4 milliards de dirhams, de janvier à octobre 2014. En considérant que les dépenses en importations de pétrole soient les mêmes chaque mois (en réalité, elles oscillent légèrement), la facture mensuelle de cette année s’élèverait à environ 2,5 MMDH. Mais avec l’effondrement actuel du cours du baril à moins de 60 dollars et sachant que la loi de Finance 2014 prévoit un prix d’achat de 105 dollars, le gouvernement pourrait économiser théoriquement près de 36% sur sa facture de décembre 2014, soit environ 900 millions de dirhams (MDH). Au titre des subventions du sucre accordées aux sociétés d’embouteillage des boissons gazeuses, l’Etat a également récupéré 59 MDH concernant les charges supportées entre janvier et septembre 2014. Cette réforme est donc une réussite, puisqu’elle a permis de rationaliser la gestion et d’en améliorer l’efficacité en adoptant une politique de ciblage direct des populations démunies.
Anas Hassy
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Retraite: le taureau par les cornes !
Le régime des retraites est arrivé à un stade de déficit très critique et cette problématique constitue une source de préoccupation nationale qui doit impliquer tout le monde. Les problèmes qui pèsent sur le système de retraite au Maroc sont nombreux et majeurs depuis des décennies. Le problème est non seulement dû à la gestion des caisses au cours des dernières années, mais il tient aussi à la croissance de la population et à l’augmentation de l’espérance de vie. Selon une étude du Haut-commissariat au Plan (HCP) publiée en 2012, le système n’est pas durable et court après une catastrophe quasi certaine.
Le système de retraite marocain se compose de trois régimes publics obligatoires (CMR, CNSS et RCAR) et un régime facultatif (CIMR) géré par le secteur privé. La population cotisante à ces régimes de retraite s’élevait en 2009 à près de 2,7 millions de travailleurs, avec un accroissement annuel moyen de 4,1%, contre un nombre de bénéficiaires avec un taux d’accroissement annuel moyen de 6,6%. Le rapport démographique global des caisses de retraite est passé de 15 actifs pour un retraité en 1980 à 3,9 actifs en 2009. Ce déséquilibre croissant s’est accompagné de la baisse du niveau des cotisations des différentes Caisses depuis 2005, pour atteindre 3,2% du Produit intérieur brut (PIB) en 2009, celui des dépenses n’ayant cessé de s’accroître pour atteindre 2,9% du PIB en 2009. Résultat, l’excédent financier de l’ensemble des caisses diminue, passant de 0,95% du PIB en 2005 à 0,33% en 2009. La Caisse marocaine des retraites (CMR) est au rouge depuis des années. Elle souffre d’un déficit suite à la mauvaise gestion, aux détournements des deniers publics et au non-remboursement de la part patronale de l’Etat au profit de ses fonctionnaires. La CMR devrait enregistrer un déficit de 200 millions de dirhams (MDH) à 300 MDH en 2014. Dans sept ans, des milliers de retraités de la Fonction publique risquent de se retrouver sans pension. Et si rien n’est fait, les réserves seront totalement épuisées en 2021, selon les responsables. En même temps, le gouvernement est pressé de poursuivre la réduction de son déficit public.
Pour tenter l’équilibre financier du régime de retraites, le gouvernement de Benkirane a rebondi en élaborant une réforme des retraites. «La réforme des retraites est une priorité pour garantir la pension d’un nombre important de fonctionnaires et de leurs familles», estime le ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Boussaid. Le gouvernement compte relever l’âge de retraite à 62 ou 63 ans et augmenter les cotisations. Malgré la difficulté de la mise en place de la réforme des retraites et son coût sur le plan social et politique, il est nécessaire d’agir avant qu’il ne soit trop tard!
Anas Hassy