La visite officielle du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à Rabat, était un pas non négligeable pour un retour de confiance entre le Maroc et la France.
«C’est le temps d’avancer», a répété le ministre.
Mais le ton était-il convainquant…?
On ne peut pas dire que la visite du ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, au Maroc, n’était pas une bonne initiative. D’autant qu’elle s’est inscrite dans une sorte de«diplomatie des petits pas» vers la réconciliation entre la France et le Maroc qui n’a échappé à personne…
«Step by step», depuis la déclaration au Conseil de Sécurité del’ambassadeur représentant permanent de la France auprès de l’ONU, Nicolas de Rivière, en octobre dernier à l’occasion du vote de la Résolution annuelle sur le Sahara, qui affirmait, à propos du Plan d’autonomie proposé par le Maroc: «Ce plan est sur la table depuis 2007, il est temps désormais d’avancer», jusqu’à cette visite de Stéphane Séjourné à Rabat le 26 février où le ministre des AE français lançait à son tour ce fameux «il est temps d’avancer !»…
Visite précédée de deux «pas» particulièrement significatifs. L’entretien téléphonique qu’ont eu la semaine dernière SM Mohammed VI et le Président Macron, où les deux chefs d’Etat reprenaient langue après plusieurs mois de froid. Et le déjeuner organisé à l’Elysée par la première dame de France, Brigitte Macron, en l’honneur des trois Princesses sœurs du Souverain, LAR Lalla Meriem, LallaHasnae et LallaAsmae.
Néanmoins, précisément du fait de ces deux derniers «pas» et de leur importance,parce qu’intervenant au plus haut niveau des deux Etats, beaucoup était attendu de la visite de Stéphane Séjourné. Et, bien sûr, au-delà du ministre, beaucoup était attendu de l’Etat français et de son Président, dont l’opinion publique marocaine a pu penser que le ministre des Affaires étrangères serait porteur de messages à la hauteur de ces derniers gestes de réchauffement (outre d’autres, non cités, qui ont aussi leur importance, tels l’accueil à Rabat dupatron de la DGSI française par Abdellatif Hammouchi, Directeur Général de la DGSNet de la DGST en décembre 2023 ; ou la visite à Laâyoune d’attachés militaires et diplomates français en octobre 2023).
Voilà pourquoi, quand bien même certains aspects de cette visite de Stéphane Séjourné ont été jugés positifs, au bout du compte, la déception l’a emporté… Voire le doute et la colère !
En effet, faut-il le préciser, c’est sur le positionnement français au sujet du Sahara -Cause nationale- que Stéphane Séjourné était attendu. Tout le reste en dépendait.
Or, concernant cette question, si du côté français, on a estimé que le ministre a clairement réaffirmé le soutien «constant» de la France au Plan d’autonomie du Marocdepuis sa présentation à l’ONU en 2007 et qu’il est même allé plus loin en annonçant la disposition de la France à accompagner le Maroc dans ses initiatives de développement des régions sahariennes, ces arguments n’ont pas vraiment convaincu. Le ton, emprunt d’un soupçon de condescendance et de conditionnalité, démentait le propos.
Et les «contre-arguments» des déçus de la visite de Stéphane Séjourné sont légion. On en retiendra les principaux.
Outre la lecture que les uns ou les autres ont faite du discours qu’a tenu le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, rappelant que les relations entre la France et le Maroc sont des relations d’Etat à Etat –ce qui indiquait le niveau des failles- il y a le fait que l’on ne comprend pas, au Maroc, que cette position de la France,«constante depuis 2007», se soit justement figée et laisser dépasser par celle de pays moins proches qui ont clairement reconnu la Souveraineté du Maroc sur son Sahara.
L’on ne comprend pas non plus que la France attende tant et tant du Maroc –aux niveaux national (marchés et partenariats), continental (Afrique), régional (Golfe, UPM)…- tout en lui tenant la dragée haute dans le dossier de son intégrité territoriale…
Et le pire, que personne au Maroc ne comprend, c’est cette politique du Président Macron qui joue ostensiblement de la carte (certains disent de l’arme) «Maroc contre Algérie et Algérie contre Maroc», perdant finalement la confiance de l’un et de l’autre.
En l’occurrence, les déçus de cette visite et de ce qu’il en a résulté, ont basculé de la déception au doute et à la colère, en apprenant que 48 heures seulement après la visitede Stéphane Séjourné au Maroc, la Secrétaire Générale de son ministère (le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères), Anne-Marie Descôtes, était envoyée à Alger dans le cadre d’une visite officielle(le 28 février).
Quelle signification donner à ce geste qui ne peut en aucun cas tenir du hasard ?
La visite au Maroc a-t-elle également déçu, côté français (malgré les déclarations et confidences à la presse, qui se voulaient rassurantes), poussant à un retour vers Alger ?
Ou bien, malgré tous ses ratés, le «En même temps» du Président Macron a-t-il été réactivé (si vite ?) dans l’espoir de rester gagnant sur les deux tableaux ?
Ou encore, est-ce un message en direction du Maroc pour infléchir certaines de ses positions jugées rigides ?
Les hypothèses ne manquent pas…
Mais, si la France a opéré ce retour vers le Maroc et manifesté clairement sa volonté d’engager une coopération qui court sur 30 ans, c’est que tout a été bien pesé et réfléchi.
Une chose est sûre.
Toute tergiversation de la France lui fait perdre du temps.
Les opportunités qu’elle a entrevues sont bien réelles. Le Maroc est aujourd’hui un véritable «super marché d’opportunités», du Nord au Sud, notamment en prévision du Mondial 2030 que toutes ses infrastructures doivent être prêtes à accueillir. Opportunités dans son Sahara où les investissements que prévoit le plan de développement lancé en 2015 (doté d’une enveloppe de plus de 80 milliards de DH) vont bon train et où les perspectives s’élargissent à chaque nouvelle initiative Royale pour en faire une plateforme tournante de cette région. Et à partir du Sahara vers la profondeur du continent, cette plaque tournante, de par son utilité pour tous, étant promise à devenir unerampe de lancement vers les pays voisins qui aspirent soit à des deals gagnant-gagnant, soit tout simplement à un désenclavement.
Pour le Maroc, la condition sine qua non qui est clairement exposée à ses partenaires, c’est le respect de son intégrité territoriale.
Dans un esprit de clarté, SM Mohammed VI l’a exprimé dans son Discours du 20 août 2022, la question du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international.
Stéphane Séjourné l’a bien dit: c’est une question existentielle pour le Royaume.
La raison en est simple. Le Sahara est partie intégrante de son territoire. Il le réclame depuis 1958, avant que ni l’Algérie ni le Polisario n’existent. Et c’est le Maroc qui a inscrit la décolonisation du Sahara auprès de la 4ème Commission de l’ONU en 1963, afin que l’Espagne lui restitue le territoire. Tout le reste est de la fabrication du Régime militaire d’Alger et de ceux qui veulent tordre le bras au Maroc.
Reste maintenant à la France, qui affirme depuis 4 mois (depuis l’explication de vote de la Résolution de l’ONU de fin octobre dernier) qu’il est temps d’avancer… D’avancer réellement !
Sachant que le temps ne laisse pas de temps au temps…
Bahia Amrani