Les observateurs –même les moins attentifs- auront remarqué, en écoutant le Discours du Trône, adressé par le Roi Mohammed VI à la nation, ce 30 juillet 2015, à l’occasion du 16ème anniversaire de son intronisation, qu’avec l’actuel Souverain, le style a changé.
Autrefois, le Discours du Trône était une longue énumération de ce qui avait été réalisé jusque-là par le pays dans tous les secteurs et un rappel des positions du Maroc au sujet des grandes questions internationales…
Jamais le Discours du Trône ne s’étalait sur les carences nationales, ou les incompétences.
Les Discours du Trône prononcés par le Roi Mohammed VI –et notamment les deux derniers- ont pris le contre-pied de ce formalisme. Ils ont chaque fois étonné, tant au niveau de la forme que du fond.
Au niveau de la forme, le style est plus direct, plus personnel. Ce n’est plus un Roi qui prononce un discours officiel, c’est le premier des Marocains qui met à plat les problèmes des Marocains…
Au niveau du fond, le Souverain n’a pas le même ordre de priorité. Il n’égrène pas les réalisations. Il laisse s’exprimer ses préoccupations. Il donne la priorité au citoyen marocain et, notamment, au plus démuni. Il entre dans les détails des problèmes.
Il vient aussi chaque fois avec des idées nouvelles, ou des annonces. L’an dernier, il annonçait une étude sur la richesse immatérielle. Cette année une autre sur les régions enclavées.
Dans ce dernier Discours, SM Mohammed VI n’a évoqué les réalisations –sans les citer- que pour remercier ceux qui ont contribué à «l’effort collectif», s’empressant de préciser: «tout ce qui a été réalisé, nonobstant son importance, restera insuffisant pour notre pays tant qu’une frange de la société continue à souffrir des conditions pénibles de la vie et tant qu’elle éprouve le sentiment d’être marginalisée, malgré tous les efforts déjà consentis». Les trois quarts du Discours ont ensuite été consacrés aux problèmes socio-économiques des Marocains. Tout y est passé: la précarité dans les régions enclavées ; les besoins de ces régions, en termes d’infrastructures et de services sociaux de base ; les quartiers anarchiques en périphérie urbaine ; les difficultés que rencontrent les Marocains résidents à l’étranger dans leurs propres consulats ; les problèmes de l’enseignement ; de la formation professionnelle…
Ce n’est qu’après que le Roi est passé aux questions internationales…
Autre innovation très remarquée, cette fois-ci concernant les festivités: la grande importance accordée aux Marocains ayant réussi à l’étranger, ceux qui ont reçu des distinctions à l’international, ou ceux qui, par les fonctions qu’ils occupent, honorent leur pays, le Maroc.
C’est un signal fort, en ces temps où chaque pays a besoin de mettre en valeur les meilleurs de ses éléments, afin que les nationaux aient d’autres modèles que ceux qui les interpellent sur internet, à partir des terres envahies par Daech.
Quand les bacheliers major de leur promotion et les Marocains qui ont atteint l’excellence sont reçus par le Roi, cela permet d’espérer que d’autres s’en inspirent.
Cela permet aussi d’espérer qu’il y en ait assez, à l’avenir, pour que ceux qui ne voient plus, dans nos concitoyens, que des terroristes potentiels, ou –dans le meilleur des cas- des trublions qui peuplent les banlieues, changent un tant soit peu d’avis…
Bahia Amrani